Je viens de rencontrer un surdoué. Il se nomme Axel Auriant.
Il est musicien, batteur de talent. Il est comédien, un comédien solaire, fait d’énergie et de passion.
Ce garçon a vingt ans, il a encore l’air d’un ado et pourtant, il semble avoir quarante ans de métier. Mais un métier qu’il pratique naturellement, avec une maîtrise époustouflante et en même temps une intelligence, une vérité, une sincérité incroyables.
Sans compter qu’il a choisi, pour ce premier seul en scène, d’interpréter Adrien, ce jeune autiste, de la pièce créée et jouée par Cédric Chapuis « Une vie sur mesure » que ce dernier a joué des années avec succès et un Molière à la clé.
Il fallait être gonflé et Axel y est allé de tout son cœur, jouant cet autiste qui, malmené par un père qui le frappe et frappe sa mère, se réfugie dans sa musique dont il devient un phénomène… ce qu’est Axel qui, s’il n’est pas autiste, manie les baguettes avec une dextérité formidable. Et le langage itou !
Notre jeune artiste s’est totalement approprié ce rôle difficile et délicat avec maestria, toujours sur le fil du rire, de l’humour, de la tendresse, de l’émotion… Du grand art.
Il est totalement habité, lumineux, drôle et bouleversant dans sa naïveté et sa passion.
Si, comme il me l’a dit, il jubile de monter chaque soir sur scène, de notre côté, il nous scotche au fauteuil que pourtant nous quittons comme un ressort pour une standing ovation, ce qui est rare en ces temps-là.
Quel plaisir de rencontrer ce jeune garçon attachant de 20 ans, encore un « minot », avec à la fois tant de candeur et de maturité, bien dans ses baskets, bien dans sa tête au regard brillant et au sourire lumineux.
Axel, batterie, théâtre… Par quoi tout a commencé ?
J’ai commencé la batterie à 6 ans et j’en ai fait jusqu’à 16 ans. A 15 ans, j’animais des mariages orientaux.
Explication ?!
Je connaissais la petite-fille de Jack Lang et un soir elle me branche sur une soirée de l’Institut du Monde arabe. A cette soirée, un monsieur m’entend jouer de la batterie et vient me proposer d’animer des mariages avec un trompettiste et d’autres artistes. Je me suis vraiment éclaté. En parallèle, je préparais mon bac et faisais un peu de théâtre
Et le théâtre a pris le pas ?
Non car la batterie a toujours été omniprésente dans ma vie et je ne me projetais pas en tant qu’acteur mais j’ai eu alors mon premier chagrin d’amour et j’ai décidé de faire du théâtre comme exutoire, une catharsis, une façon de dire merde à celle qui m’avait lâché !
Mettre de l’émotion sur un texte a été pour moi une révélation.
Alors vous voilà en scène joignant vos deux passions mais pour corser le tout, vous voilà seul en scène jouant un autiste. Compliqué non ?
(Il rit). Oui car d’abord il a fallu que je me remette à fond à la batterie, même si elle n’était jamais très loin. J’ai fait, durant deux semaines, quelque six, sept heures de batterie par jour. Après que j’ai dû apprendre mon texte en douze jours !
Comment se prépare-t-on pour jouer un autiste ? En allant en rencontrer ?
Non, je n’ai pas voulu faire ça car chaque autiste est différent, c’est un spectre très large et chacun le vit de façon différente. Je me suis imaginé un garçon qui est dans sa bulle et qui s’évade grâce à la batterie. Ca a été un grand travail de réflexion et c’était super intéressant. Je me suis même laissé surprendre par ce type déconnecté du monde tout en y étant. La seule peur que j’avais, c’était d’être caricatural.
Par contre, lors de spectacles, quelques-uns sont venus me voir et d’un regard, d’un sourire ils m’ont à la fois ému et rassuré.
Comment êtes-vous venu sur cette pièce ?
C’est Cédric qui l’a jouée durant dix ans avec succès qui m’a choisi. Il l’a jouée 800 fois et voulait qu’elle ait une seconde jeunesse. Il ne m’a rien imposé, il m’a laissé m’approprier le rôle à ma manière et jouer comme je le sentais.
Quant au metteur en scène, Stéphane Battle, il est génial, c’est un mec formidable. Je suis très heureux de cette rencontre et j’espère retravailler avec lui. J’aimerais qu’il soit mieux connu, il le mérite. Il m’a dit une chose essentielle : « Si tu ne ressens rien en toi, fais autre chose » !
C’est un type droit, sincère, très respectueux des comédiens et du public et c’est aussi comme cela que je conçois ce métier. Nous sommes sur la même longueur d’onde.
En tant que batteur, vous avez accompagné des artistes comme Nicoletta ou Manu di Bango !
Oui… une seule fois ! J’avais quinze ans et on ‘a demandé de les accompagner, eux et d’autres artistes comme Joyce Jonathan, pour une soirée en faveur du handicap. Ca reste un très beau souvenir car il y a eu de beaux échanges et accompagner de telles pointures, vivre ça à cet âge, c’est une chance.
En parallèle, vous avez tâté du cinéma, de la télé…
Oui, j’ai eu de petits rôles dans « Nos chers voisins », « Fais pas ci, fais pas ça » et au cinéma dans « Jamais contente ». J’ai fait du doublage pour le film « La traversée de Florence » et je joue en ce moment dans une série sur France 4 « Skim » qui est une sympathique et intelligente série sur les jeunes d’aujourd’hui, sans pathos, mais qui aborde tous les sujets qui préoccupent les jeunes. La deuxième saison vient de commencer.
Dans tout ça, que préférez-vous ?
J’ai envie de vous dire : tout ! car chaque discipline est différente. Être seul en scène, c’est une grande expérience, mais aussi un risque car on est… seul en scène ! En l’occurrence avec le public et deux batteries ! Au théâtre, on vit une expérience de groupe, on a toujours quelqu’un à qui se raccrocher et on partage une aventure. J’aimerais bien y revenir. Derrière la caméra, il n’y a pas le public et c’est moins risqué car on peut recommencer si ça ne va pas.
Mais je vais vous faire une confidence : le théâtre, c’est ma drogue… Je ne connais que celle-là et je sais que le théâtre est vraiment la vie que j’ai choisie; mon rêve : mourir sur scène… devant les projecteurs !!!
Le théâtre, c’est vraiment mon bonheur.
Alors, l’avenir ?
L’avenir imminent c’est la tournée avec « Une vie sur mesure ». A Toulon, au Colbert, qui est un théâtre magnifique, j’ai fêté ma 150ème et le coup d’envoi d’une tournée que je vais faire durant un an et demi, jusqu’en 2019. Je ne pourrai donc pas faire grand chose d’autre !
Mais c’est galvanisant d’être tous les soirs sur scène. Vous vous rendez compte ? On me paie pour faire quelque chose que j’aime par-dessus tout !
Elle est pas belle la vie ?!!
Propos recueillis par Jacques Brachet