Petite pose à l’Opéra de Toulon ce samedi 25 novembre, pour Francis Huster qui, aux côtés de Régis Laspallès, est venu jouer « A droite, à gauche », pièce de Laurent Ruquier, mise en scène par son complice Steve Suissa.
Une star. Un réparateur de chaudière. Ils n’ont rien en commun, rien pour se rencontrer. Et pourtant… Pièce à la fois drôle et piquante où Ruquier prouve qu’un homme de droite et un homme de gauche… ça n’est pas si loin de se retrouver… au centre !
Gros succès, salle pleine et le plaisir renouvelé de retrouver mon ami Francis avec qui l’on ne se quitte jamais longtemps et qui a toujours mille choses à me raconter, tant ce diable d’homme ne reste pas un seul jour à ne rien faire. Vous allez le découvrir.
Mais auparavant, nous avons beaucoup parlé de son nouveau livre : « N’abandonnez jamais, ne renoncez à rien » paru au Cherche Midi. Une diatribe, une mise au point, un coup de gueule sur le monde d’aujourd’hui, sur la politique, ses colères, ses déceptions, ses indignations et « peut-être » un espoir : la jeunesse d’aujourd’hui.
Francis, ce livre est, je trouve, un livre de colère…
Oui, et je pense que j’ai le droit d’être en colère car il y a toute une jeunesse coupée de la Culture, et je pèse mes mots. L’Education Nationale a failli à son devoir. Quand je pense qu’on oblige les parents à faire faire de la natation à leurs enfants, sous peine de pénalisation, pendant qu’on laisse la Culture de côté !
Durant le cursus 6ème/bac, combien d’élèves ont-ils assisté à un spectacle de théâtre, de musique, de danse ? C’est déshonorant pour l’Education Nationale. Quant à la télévision, combien de chaînes nationales ont-elles retransmis un grand spectacle aux heures de grande écoute ? On les compte sur les doigts.
La jeunesse peut-elle réagir à ça ?
La jeunesse d’aujourd’hui, je parle des 15/30 ans, a compris qu’on lui ment, qu’on la tient dans un état de somnambulisme. Elle va onc réagir et agir. C’est tout ce que je souhaite. La question est : comment va-t-elle réagir ?
Crois-tu en la jeunesse d’aujourd’hui ?
J’y crois et j’en ai peur à la fois.
Elle est l’avenir du monde mais je pense qu’elle sera intransigeante. Elle tournera le dos aux 40/70 ans. L’avenir est entre leurs mains mais il faut que le mot « partage » soit le centre de leur vie. C’est le mot-clef de l’avenir. Mais vont-ils partager ?
Nos grands parents étaient des héros qui sortaient des guerres
Nos parents étaient des héros car ils ont été des bâtisseurs.
Nous, nous sommes lâches, impuissants, responsables de l’état de destruction de la planète.
Tu es très critique…
Oui, car nous ne faisons plus partie de leur monde. Leurs vrais parents… c’est le portable. Leurs grands-parents… c’est Internet ! Et c’est une plaie mondiale.
La jeunesse s’intéresse plus à ce qui se passe dans le monde qu’autour d’eux, dans leur cœur. Ils jugent en fonction de l’ailleurs. Un nouveau monde commence
Rencontre avec Claude-Henri Bonnet, directeur de l’Opéra de Toulon
Ne trouves-tu rien de positif ?
Heureusement oui. Je pense à Eric Ruf, directeur de la Comédie Française que je félicite car il maintient une troupe et il a ouvert cette maison comme un arc en ciel à des pièces, des auteurs, des comédiens modernes. Elle reprend une véritable morale du théâtre. Mais il faudrait plus d’exemples de ce genre. Il faut se battre pour que renaissent de nouvelles troupes. Trop d’entre elles ont disparu.
Pourquoi ?
A cause du Ministère de la Culture ! Il y a eu Malraux, il y a eu Lang… Et depuis ?
Le Ministère s’est déshonoré car, outre les grandes troupes théâtrales qui ont disparu faute de moyens, nombre de festivals ont dû s’arrêter et d’autres se battent pour résister. C’est inadmissible.
Tout au long de ce livre, tu fais un parallèle avec Molière, sa vie, son œuvre, son modernisme…
Molière, c’est la modernité totale et plus on se rapproche de 2022, qui sera le tricentenaire de sa naissance, plus on va se rendre compte qu’il est devenu la sauveur des dix ans à venir.
Daniel Auteuil va monter « Le malade imaginaire », Michel Bouquet joue « Tartuffe » qui sera aussi monté avec Jacques Weber et Pierre Arditi. Richard Berry va monter un Molière. Bacri/Jaoui ont joué « Les femmes savantes », Francis Perrin a monté une spectacle autour de sa vie et j’espère qu’il va revenir avec une de ses pièces… Plus on avance, plus on s’aperçoit que la modernité de Molière fait mouche auprès de public, par sa force, sa morale politique.
Jamais Racine n’a remis le pouvoir politique en question. Corneille quant à lui, a passé son temps à lui cirer les pompes. Molière est le seul à avoir osé s’élever contre lui.
Tu écris qu’il faut vivre, aimer dans l’excès. Ce pourrait être ta devise car tu es quand même un homme excessif !
(Il rit, suivi d’un silence) En amour, s’il n’y a pas d ‘excès, pour moi ce n’est pas la vraie vie, le véritable amour. Et puis tu sais, j’ai déjà eu cent, deux cents vies en jouant tous mes rôles. Il ne faut pas être tiède dans la vie, il faut savoir dire « Mort aux cons », « Merde aux lèche-bottes », aux menteurs à ceux qui entravent nos vie. Il faut être très solide moralement et s’aimer plus que ce qu’on s’aime. Dire non à ceux qui nous appellent à la raison; être déraisonnable. Sans déraison, nous n’aurions pas eu Zola, Picasso, Chaplin, Mc Enroe…
Les bien pensants sont des criminels. Dire « Ca n’est pas si grave que ça », ça ne fait plus partie de ma vie car dans la vie tout est grave. Chaque instant de ma vie est grave.
Bon, revenons à moins grave : ton actualité !
D’abord je continue cette tournée « A gauche, à droite » jusqu’au mois de février. Puis je partirai en tournée avec « le théâtre, ma vie ». Je serai seul en scène pour raconter ma vie d’homme et d’artiste, pour transmettre ma passion, donner envie aux jeunes de faire du théâtre.
Puis ce sera « Albert Camus, un combat pour la gloire », un monologue, un testament imaginaire de Camus où je me mets dans sa peau. Avec la pianiste Claire-Marie Le Gay, je raconterai « Horowitz, le pianiste du siècle » que nous jouerons le 3 février salle Gaveau et que nous emmèneront un peu partout dans le monde. C’est avec une autre pianiste, Hélène Tysman, que nous proposerons « Musset-Chopin ».
De février à Juin, je tournerai un film mais je ne peux rien t’en dire aujourd’hui..
Retour à Paris en septembre 2018 avec une nouvelle pièce canadienne magnifique… dont je ne peux non plus te dire ni le titre, ni qui sera ma partenaire !
Et puis, à partir de 2019, ce sera une année cinéma
Et enfin, un grand projet : celui, avec mon ami et complice Steve Suissa, de prendre un théâtre et de monter une troupe. Il le mérite bien. Il vient de créer en octobre un festival de Théâtre français en Israël. C’était une folie mais ça a été un énorme succès. J’y étais, comme Pierre Arditi, Thierry Lhermite, François-Xavier Demaison et quelques autres.
Voilà, tu sais tout
Avec tout ça, quand te poses-tu ?
Je prends le temps de respirer, je dors très peu.
Tu sais lorsque tu as la chance de faire ce que tu aimes, que c’est ta passion, tu ne réfléchis pas et tu as raison de le faire.
Propos recueillis par Jacques Brachet