L’OPERA DE TOULON SE MET A L’AUDIODESCRIPTION

Il y a des aveugles et des mal voyants mélomanes et amateurs de théâtre. Ils peuvent évidemment écouter des disques chez eux mais vivre une pièce ou un opéra en direct est quand même un moment privilégié même si le manque d’images gâche quelque peu le plaisir.
Aussi, le Théâtre Liberté l’a fait et l’Opéra le fait aussi.
Mais ils ont fait quoi ?
Tout simplement mis en place l’audiodescription qui est un procédé qui permet à ces personnes de pouvoir suivre un spectacle tout en ayant un casque qui propose en voix off le résumé de l’histoire, la description des décors et des costumes et la traduction du texte.
Jusque là, à l’Opéra de Toulon, l’on pouvait voir défiler en français le texte traduit sur titré. Aujourd’hui, depuis le mois dernier, les aveugles et mal voyants peuvent retourner à l’Opéra et visualiser le spectacle dans leur esprit.
Cela a été fait pour « Ariane à Naxos » de Richard Strauss, cela se fera pour « Macbeth » de Verdi le dimanche 27 avril à 14h30 et pour « Don Giovanni » de Mozart le dimanche 25 mai à 14h30.
Nous devons cette belle initiative à Frédéric le Du qui, en 1990, a créé cette méthode pour le Théâtre de Chaillot à Paris et qui, aujourd’hui avec son association « Accès Culture » oeuvre dans nombre de théâtres et d’opéras de France.
Rencontre avec Frédéric le Du lors de la préparation de ces séances spéciales à l’Opéra de Toulon.

« Frédéric, comment travaillez-vous en amont afin de proposer cette voix off aux spectateurs ?
Nous venons sur les lieux du spectacles afin d’assister aux répétitions et au filage que nous filmons entièrement et nous rencontrons le metteur en scène et les techniciens. Après quoi le travail commence puisque nous devons, avant que le spectacle ne démarre, proposer à ces spectateurs l’histoire de la pièce ou de l’opéra qu’ils vont « voir ». Le spectacle démarrant, nous devons, entre deux blancs, leur expliquer le décor et les costumes. Enfin, nous devons leur donner la traduction la plus proche possible des dialogues. Tout cela sans trop perturber l’écoute de la musique, pour un opéra.

 Il y a quand même peu de « blancs » dans un opéra, pour pouvoir y glisser tout ça !
Détrompez-vous, il y en a plus que ce que vous croyez si vous y prêtez attention. Il y a les déplacements, la respiration des chanteurs, les intros musicales, les changements de scène… Cette diffusion est constituée de milliers de petites séquences qui permettent à ce public de visualiser dans leur tête et de suivre l’action.

 C’est travail de longue haleine !
Et de minutie aussi car il faut doser tout cela afin que le spectateur puisse gérer l’écoute et les images qui s’en dégagent dans sa tête. Qu’il finisse par oublier la voix qui leur parle et qu’elle devienne comme leur pensée. Tout est bien sûr géré par un ordinateur.

 Vous n’intervenez qu’une seule journée ou une seule soirée sur un spectacle. Pourquoi ?
Parce qu’il y heureusement peu de non ou mal voyants qui se déplacent et qu’on les réunit donc sur un seul spectacle. De plus, étant le seul à faire ça, je passe mon temps d’une ville à l’autre et je ne peux pas m’y installer.

audiodescription

Vous êtes seul ?
Seul à faire ça, oui ! J’ai créé ce procédé en 1990 pour le théâtre et l’association en 1993.. Je travaille en petite structure puisque mon équipe se compose  d’une quinzaine de personnes, avec entre autre cinq régisseurs, un pour le théâtre, quatre pour l’Opéra, des techniciens, des interprètes. Mais aujourd’hui nous travaillons pour cinquante théâtres et opéras. Ce qui fait qu’on est sur les routes à peu près trois cents jours sur trois cent soixante cinq ! Et même si l’on a plaisir à découvrir ces belles salles comme l’Opéra de Toulon, on ne peut pas trop s’y attarder. Le calendrier est chargé et quelquefois, même… ça bouchonne !

C‘est une technique qui reste assez onéreuse, tout de même ?
Oui car il y a le matériel, le travail de traduction et d’enregistrement, la technique à installer, l’apport des casques. Souvent, pour un opéra, l’on travaille en coproduction, le spectacle tournant dans plusieurs lieux, ce qui permet aux salles de partager les frais. »

 Pascal Verdery, responsable des relations extérieures, nous précise que pour chaque spectacle, il doit trouver un sponsor. Ainsi, pour « Ariane à Naxos », c’est le Rotary de Toulon* qui a pris ces frais en charge. Il faut trouver à chaque spectacle un partenaire. L’opéra de Toulon a un volume de trente casques. Aujourd’hui, ils ne sont pas utilisés à 100%.
« Il faut – précise Frédéric le Du – redonner à ces gens l’envie de ressortir car ils ont pris l’habitude d’écouter les opéras chez eux. Si on leur offre ces moyens de participer en « live » à un spectacle, peu à peu ils vont reprendre le chemin des théâtres et des opéras ».
A Toulon cela s’installe à peine et, et l’Opéra a trouvé une grande aide grâce à la Bibliothèque sonore d’Hyères qui est à l’instigation de ce procédé déjà installé au Théâtre Liberté. Et nul doute que très vite, ces personnes handicapées retrouveront le plaisir des sorties dans le confort d’une salle qu’ils ont un peu oublié par la force des choses.
A noter qu’un tarif spécifique est offert à ce public : 15€, l’accompagnateur ne payant que 36€.

Jacques Brachet
Contact Opéra : Pascal Verdery – 04 94 92 58 65 – pverdery@operadetoulon.f

*Le Rotary Club de Toulon, en collaboration étroite avec l’Opéra de Toulon, a souhaité, dans le cadre d’une action exceptionnelle, apporter aux aveugles et mal voyants, la possibilité de mieux apprécier « Ariane à Naxos », l’oeuvre de Richard Strauss présentée le dimanche 16 mars. La Fondation Rotary et notre club, ont financé l’audio-description de cet opéra.
Cette action s’inscrit dans notre volonté « d’agir pour changer des vies ». C’est le thème de notre année rotarienne.

Jean-Yves le Dreff, président 2013/2014