Pour son dernier Mardi de la saison le Théâtre Liberté présentait « RIVAGES » avec la pianiste Nathalie Négro et la chanteuse Françoise Atlan sur un répertoire mêlant des chants folkloriques de tradition orale ou écrite, des poèmes, à des musiques proches de notre époque ou contemporaines, d’auteurs tels que par exemple Moultaka, Ohana, De Falla, Hemsi… avec en arrière plan les rivages de la Méditerranée et ses cultures.
Disons-le d’emblée c’est une parfaite réussite. Les textes, le chant, la voix, le piano, tout s’harmonise à la perfection dans un profond recueillement et une émotion intense. Nous sommes soudain transportés dans un salon pour y écouter des lieder.
Les deux artistes se présentent vêtues de noir, la pianiste, cheveux bruns courts frisés, en pantalon et chemisier ; la chanteuse en robe longue et longs cheveux roux : toutes deux d’une élégance parfaite. Leur duo fut créé en 2011.
Le concert débute par des chants de guerre mis en musique par un jeune compositeur libanais. Françoise Atlan dit le poème, puis le chante. Puis on écoutera un magnifique chant de louanges à la vierge remis au goût d’aujourd’hui pour la musique ; des chants pour les enfants, très gais et entrainants ; des chants d’amour d’un compositeur turc, U.C. Erkin, d’influence ottomane et assez proche de Manuel de Falla ; des berceuse libanaises ; des chants de Maurice Ohana d’une grande sensualité, à la recherche des racines judéo-espagnoles, on entre dans El-Andalus « Des perles dans un écrin feutrés » dit Françoise Atlan, qui s’accompagne ensuite d’un grand tambourin (un bendir certainement) pour un chant de louange chrétien qu’elle va chanter divinement en araméen (la langue de Jésus), puis un chant enfantin où elle va s’envoler dans une longue modulation sur toute la tessiture de sa chaude voix de mezzo-soprano : du grand art. Ajoutons une diction claire et juste dans toutes les langues qu’elle chante. Elle terminera par un chant de la grande Fairuz, un mouachah (un poème à structure libre en arabe ou en hébreu), un poème né au XIV° siècle à la période d’Al-Andalus, un chant qui exprime les souffrances de l’amour.
L’accompagnement au piano est un modèle du genre, au service du chant, ne jouant que les notes essentielles, utilisant non seulement le clavier, mais aussi les cordes frappées, à la main ou avec une mailloche.
Pour ce dernier mardi un moment de ferveur profonde, une communion avec le chant, la poésie et la musique
Serge Baudot
Quelques notes sur les artistes :
Nathalie Négro est née à Marseille. Elle a fait ses études musicales aux CNR de Marseille et de Nice, avant d’entreprendre une carrière internationale et de s’engager dans de nombreuses créations contemporaines originales. C’est une pianiste sans frontières et toujours dans l’expression la plus forte, douée d’une grande sensibilité.
Françoise Atlan est née à Narbonne dans une famille juive berbère et andalouse, nous dit France Musique. Elle étudie le piano avec sa mère, obtient un CAPES en musicologie et étudie les techniques du chant lyrique. Elle a obtenu des prix majeurs pour ses productions vocales pendant ses 25 ans de carrière. Elle chante en arabe, en hébreu, en judéo-arabe, en dialecte ottoman, en espagnol, en ladino, et d’autres encore. Elle appelle cela ses « voix mêlées »