Polina (Anastasia Shevtsova), jeune danseuse russe, rêve depuis son enfance d’entrer au Bolchoï. Beaucoup de travail, de peine, de souffrances, de questionnements pour elle et aussi de sacrifices pour ses parents qui l’encouragent.
Mais après un spectacle de danse contemporaine au quel elle assiste, elle comprend que là est sa voie et non dans le carcan du classique où elle interprète les pas et les idées des autres. Elle part donc en France, à Aix-en-Provence, avec son petit ami (Niels Schneider) pour s’y consacrer et travailler avec la célèbre chorégraphe Liria Elsaj (Juliette Binoche). Pleine de bonne volonté, elle n’arrive pourtant pas à s’ouvrir et s’en va, pensant abandonner la danse. Rencontrant un jeune animateur qui, à travers la danse urbaine, s’occupe de jeunes (Jeremie Belingard), elle va enfin trouver sa voie après quelques mois d’errance.
« Polina, danser sa vie », est un superbe film sur les émois d’une jeune danseuse, sa passion, les difficultés de ce métier qui demande beaucoup de sacrifices et qui est ici magnifiquement traduit par une jeune réalisatrice, Valérie Müller, aux côtés d’Angelin Preljocaj, devenu l’un des phares de la danse contemporaine, débutant à Châteauvallon, où je l’ai connu et installé aujourd’hui à Aix-en-Provence.
Heureuses retrouvailles et plaisir immense pour eux de pouvoir présenter ce film au Six N’étoiles de Six-Fours, région qu’ils connaissent bien puisque Valérie a de la famille à Toulon et aux Sablettes.
« Nous nous connaissons depuis 28 ans – nous confie Angelin – car nous avons collaboré à plusieurs reprises à Châteauvallon. Nous ne nous sommes jamais perdus de vue.
– J’ai d’ailleurs réalisé un documentaire pour France 3 sur Angelin – précise Valérie – et je voulais revenir dans cet univers et proposer une sorte de voyage à travers la danse.
Ce film est tiré d’une BD éponyme de Bastien Vivès. Comment vous est arrivé ce projet ?
Angelin : Nous voulions réaliser un film de fiction à partir d’une jeune fille qui se construit à travers ses failles et ses contradictions. Et notre producteur nous a suggéré cette BD, dans laquelle l’auteur fait référence au ballet « Blanche Neige » que j’ai créé ! Tout coïncidait à ce que nous réalisions ce film.
Anastasia Shevtsova y est lumineuse. Commet et où l’avez-vous trouvée ?
Angelin : Nous avons fait un énorme casting, à travers l’Europe où nous avons vu 350 jeunes danseuses, puis à Moscou où nous en avons casté 300 et enfin à St Petersbourg où dans les cent que nous avons vues, il y avait Anastasia. Tout à fait en fin de parcours !
Valérie : Nous avons très vite flashé sur elle et aux essais devant la caméra, nous l’avons trouvée magnifique, énigmatique car nous cherchions une belle danseuse qui ait un peu de mystère. Elle a appris le Français en huit mois.
Et l’idée de Juliette Binoche ?
Angelin : Elle est incroyable ! Elle a une belle histoire avec la danse qu’elle adore et elle a d’ailleurs créé un spectacle mêlant théâtre et danse. Nous sommes allés vers elle et elle a aussitôt été emballée pour participer au film, même si elle n’a pas le rôle principal.
Valérie : Elle a d’ailleurs été très exigeante sur le training. Elle a donné un travail très rigoureux. Elle travaille la danse tous les jours.
Je suppose que les danseurs sont tous de ta compagnie, Angelin ?
Non, il y en a une partie. L’autre partie est russe. Par contre, les deux amis de Polina sont Français : le second, Jérémie Belingard, qu’elle rencontre à Paris, est danseur étoile à l’Opéra de Paris où j’ai travaillé avec lui. Il est naturel, généreux et il a aussitôt dit oui. Le premier, avec qui Polina part à Aix, Niels Schneider, est comédien. Je l’avais vu dans « Les amours imaginaires » de Xavier Dolan. Je lui ai proposé le rôle car il était doué pour la danse. Et pour bien s’y préparer, je l’ai engagé pour jouer dans le spectacle que j’ai créé à Avignon en 2015, dans la cour d’honneur où il jouait et dansait. Il a une grande capacité en danse et dégage beaucoup de sensualité.
Les comédiens sont-ils Russes ?
Valérie : Il y a la mère, Kseniya Kutepova qui est une grande comédienne russe. Le père est Miglen Mirtchev , lui, est d’origine bulgare mais vit en France. Aleksei Guskov est un comédien et producteur russe.
J’ai été étonné que les mots employés pour les pas ou les attitudes soit dits en Français !
Angelin : Mais oui et ça date de Louis XIV ! Passionné de danse dès son plus jeune âge, il dansera nombre de ballet et surtout il créera l’Académie Royale de Danse qui donnera leurs noms à tous ces pas. Et cela s’est propagé dans le monde entier. Et que tu ailles en Russie, au Brésil, en Amérique ou ailleurs, tous ces mots son employés en Français, avec quelquefoisdes accents assez drôles !
Est-ce que Bastien Vivès a vu le film ?
Oui et au départ, il était très angoissé, il avait très peur, comme tous les auteurs de romans que l’on adapte au cinéma. Mais il a été soulagé et heureux même si, par la force des choses, nous avons un peu modifié sa BD. Mais il nous a dit qu’on se l’était bien appropriée et que l’essence de l’histoire avait été respectée.
Qu’est devenue Anastasia ?
Elle a aujourd’hui 20 ans et a intégré la compagnie Marishka de St Peterbourg. Elle a très envie de devenir chorégraphe.
Le film sortira-t-il en Russie ?
Oui et nous irons le présenter, pas seulement en Russie d’ailleurs puisqu’il va sortie en Corée, à Macao, à Buenos-Aires et a été présenté au festival de Venise ! »
Et ce ballet final, verra-t-il le jour à travers ta compagnie ?
Pourquoi pas ? D’autant que l’Oeuvre de Philippe Glas comporte trois mouvements et que dans le film on ne montre que le premier mouvement. Ce pourrait être une belle idée de ballet.
Propos recueillis par Jacques Brachet