Le saxophoniste Sylvain Beuf va quitter son poste au Conservatoire (CNNR) de Toulon. Le COFs (Comité officiel des fêtes et du sport de la ville de Toulon) avait à cœur d’inviter cet éminent saxophoniste qui pour la circonstance avait réuni trois de ses amis musiciens, pour cet Acoustic Quartet, qui tous ont joué les uns avec les autres, mais jamais les quatre ensemble. C’était donc une grande première, et disons-le tout de suite une grande réussite.
Au saxophone ténor, dans la descendance de Stan Getz, Sylvain Beuf s’est forgé un jeu qui ne doit plus qu’à lui-même ; une musique dans laquelle prévaut la mélodie, le swing, la maîtrise du discours, avec parfois des emportements, une véhémence digne de John Coltrane. Il fit merveille, tant le plaisir de jouer avec ses amis était patent. Le bonheur se lisait sur son visage, si bien que le concert dura pratiquement une heure de plus que prévu.
Henri Florens est un pianiste de la même veine jazzistique, il y a un peu toute l’histoire du piano jazz dans son jeu ; lui aussi est un mélodiste qui sait aussi se jouer des subtilités harmoniques. Il est également un compositeur intéressant, comme le démontra son morceau « Missing Chass » en mémoire du trompettiste niçois François Chassagnite qui nous a quittés en 2011. Grand moment d’émotion, avec ce morceau dans un arrangement très monkien.
Sam Favreau est un contrebassiste remarquable. Pas d’esbroufe, une pompe déliée, chaleureuse qui booste la rythmique dans le swing ; des notes pures, une attaque nette et ronde à la fois, de l’inspiration dans les impros : que demander de plus.
Le plus ébouriffant de la soirée fut le batteur Thierry Larosa, vraiment de la trempe des grands de la batterie. Je ne l’avais jamais entendu jouer aussi diaboliquement. Une décontraction absolue pour un swing radical, de l’élégance, de l’inspiration, déroulant un tapis de luxe au saxophoniste. Il fut sublime aux balais, tout de délicatesse et de force à la fois ; on sait que rares sont les batteurs qui triomphent dans cet accompagnement.
La première partie fut dédiée à des grands standards propres à libérer les musiciens, puis on attaqua des démarcages de Mingus, Horace SIlver, etc…ainsi que des compostions du leader.
Voilà un Quartet qui mord à fond dans le jazz, dès la première note ; ça joue à fond, et pourtant ce n’est pas de la musique simpliste, ça joue, ça swingue, et il y a le plaisir du partage, entre les musiciens tout heureux d’être là ensemble, et avec nous les auditeurs-spectateurs. Et puis ce petit caveau qu’est le studio 11 est le lieu idéal pour ce genre de prestation. Un Quartet d’un soir, mais on en gardera un long souvenir.
Serge Baudot