Serge (Gilbert Melki) est, ce que l’on peut appeler un homme qui a réussi.
Meilleur vendeur de sa catégorie dans une entreprise de cuisine, appartement et voitures de luxe, escort girls… Ca, c’est pour les apparences.
Mais tout va basculer lorsque son fils Gérarld (Pio Marmai), qu’il n’a pas vu grandir, cherche un boulot. Après hésitation il le fera engager dans l’entreprise et il va le voir très vite évoluer, devenant entreprenant, arriviste, cynique, avide d’argent et de réussite. Il devient le miroir de sa propre vie et se rend compte alors que, s’il a réussi dans la vie, il a raté sa propre vie, passant à côté de tas de choses et se retrouvant seul.
C’est le premier long métrage de Sylvain Desclous, film superbement maîtrisé, créant, dès le départ, une atmosphère oppressante et ce, jusqu’à la dernière image, ou peu s’en faut.
Gilbert Melki est magistral, tout en retenue, en intériorité, peu loquace mais faisant tout passer par le regard, loin des rôles déjantés qui ont fait sa renommée (Rappelez-vous « La vérité si je mens »), prouvant qu’il est un grand comédien.
Tous les autres comédiens, judicieusement choisis par la directrice de castings Hoang Xuan Lan, sont parfaits. Tout comme Pio Marmai qui passe, tout en nuances, d’un garçon un peu timoré à un « tueur » dans son métier. Et n’oublions pas Pascal Elso, qui est toujours parfait, quoiqu’il joue (Et Dieu sait s’il a joué au théâtre, au cinéma, à la télévision !) véritable Frégoli.
Pascal et Sylvain, accompagnés de la directrice de casting Hoang Xuan Lan, ont rendu visite au Six N’étoiles pour présenter le film et on a appris que ce dernier avait vécu à Toulon de la maternelle au bac et qu’il était même dans l’équipe de tennis… de Six-Fours !
Ceci dit, nous entrons dans le vif du sujet :
« Sylvain, il semble que, depuis vos courts métrages, l’on retrouve un thème récurrent dans vos films : parler de gens qui ne semblent pas à leur place, dans leur métier, dans leur vie…
Je suis heureux que vous ayez ressenti ça car en fait, c’est le fil rouge de mon travail. Je ne m’en suis pas tout de suite rendu compte mais j’ai toujours été interrogatif sur la place qu’occupe chacun de nous, ce qu’on fait, ce qu’on aurait voulu faire et la question qui revient est : « Est-ce que j’ai le bon costume, quelle est la place que j’occupe » ?
J’en parle en connaissance de cause car, avant de savoir que je voulais faire du cinéma, j’ai fait quelques jobs, j’ai entre autre travaillé aux hôpitaux de Toulon et de la Seyne, en me posant la question : « Qu’est-ce que je veux faire » ?
A un moment, j’animais des séminaires dans de grande entreprises et, à huis clos, on peut cerner les gens : sont-ils heureux ou non ? Font-il un métier choisi ou subi ?… Cela me passionne.
Pascal, votre rôle et votre look sont encore différents de ce qu’on a l’habitude de voir chez vous… et Dieu sait si l’on vous voit partout !
C’est vrai, j’ai cette chance de jouer et de tourner beaucoup et j’aime varier les plaisirs et changer de rôles et de physique. Là, c’est Sylvain qui m’a trouvé ce look du parfait chef d’entreprise. C’est le meilleur pote de Serge mais il se rend compte que celui-ci est en train de changer alors que son fils commence à être opérationnel. Il voit les problèmes de son ami mais il mise sans état d’âme sur l’avenir. Il a cette phrase terrible : « Si je fais dans le social, je suis foutu »… Il choisit donc le fils.
Le choix des comédiens, Sylvain ?
Pour Gilbert, ça a été une évidence dès l’écriture terminée. Gilbert est un acteur qui a un double potentiel, une double carrière. On l’a vu dans des comédies mais aussi dans des films d’auteur où il est tout à fait différent. Pascal a une formation théâtrale et peut tout jouer. En plus, c’est une gueule. Il a un supplément d’âme. Chez Pio Marmai, j’ai tout de suite ressenti cette fragilité, cette sensibilité et à la fois le fait que, tout à coup, il pouvait devenir un autre.
Pascal, comment est Sylvain en tant que réalisateur ?
C’est un directeur d’acteurs rare car il est toujours à l’écoute, il nous fait confiance, il nous accompagne et surtout, là où il est très fort, c’est qu’il arrive toujours à nous amener là où il veut en nous faisant croire que ça vient de nous !
Hoang, comment avez-vous travaillé avec Sylvain ?
Comme avec les autres réalisateurs. C’était la première fois que nous travaillions ensemble.
Je lis le scénario, j’essaie de savoir ce que veut le réalisateur et surtout j’essaie de connaître tout ce qu’il y a « sur le marché » en tant que comédiens. Nous discutons ensemble et je propose alors des noms. Bien évidemment, c’est lui qui fait le choix final. Je propose, il dispose !
– Je n’entre pas -précise Sylvain – dans le côté psychologique des personnages, je ne suis pas trop pointilleux sur la technique. Il y a beaucoup d’intuition dans mes choix.
– En fait -rajoute Pascal – il aime les bons comédiens pas connus ! (rires)
Sylvain, après ce premier film, allez-vous récidiver ?
Evidemment, c’est le but du jeu ! Et j’ai plein d’histoires à raconter, plein d’envies, plein de bons acteur à faire tourner.
Je ne vais pas m’arrêter en si bon chemin ! »
Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Philippe Starzomski