L’année a très mal commencé.
A deux jours d’intervalle, l’art et le spectacle ont été frappés de plein fouet…
2 Michel nous ont quittés
MICHEL DELPECH
Michel Delpech d’abord, magnifique chanteur à la voix de velours qui, en plein milieu des années 60, à l’heure où le rock et le twist font fureur, arrive, tranquille, avec son beau sourire, son petit costume sage et une chanson on ne peut plus nostalgique et romantique : « Chez Laurette ».
Tout de suite il est adopté par le public, d’autant qu’il enchaîne sur une mélodie plus dans la note et l’air du temps : « Inventaire 66 ». Nouveau succès dont le titre sera aussi celui d’une tournée où se retrouvent Stone, Charden, Danel, Pussy Cat et quelques autres « idoles » de l’époque.
Tournée « Inventaire 66 » avec Stone, Charden, Danel…
C’est sur cette tournée que je le rencontre, timide, discret, d’une grande gentillesse. Toutes ces qualités qu’il gardera toujours.
Je le retrouve sur une tournée avec Mireille Mathieu, égal à lui-même, heureux de devenir de plus en plus populaire, passant beaucoup de temps avec le public, après le spectacle.
Tournée avec Mireille Mathieu
Et puis ce seront « Wight is Wight » et « Pour un flirt » qui le fait littéralement exploser.
Je suis de sa tournée, une nouvelle fois, avec mon amie Michèle Torr. Le succès est phénoménal, les filles sont en transe dès qu’il apparaît et le suivent à la trace dès que le spectacle s’achève.
Il est toujours le même mais ce succès si subit et si jeune, toutes ces filles dont certaines arrivent à s’immiscer dans son lit, toute cette gloire, lui font un peu perdre les pédales.
Durant quelque temps, il se perdra, entre le succès, l’alcool et le reste….
Tournée « Pour un flirt »
Son couple se désagrège, il s’enfonce dans la nuit pour, quelques temps après, revenir à la vie « normale », assagi, ayant compris la leçon et ayant rencontré Dieu, ce qui sera pour lui, et jusqu’à la fin de sa vie un grand soutien, avec cette nouvelle épouse qui, patiente, l’aura aidé à sortir des ténèbres.
A Fréjus avec Dalida – A Cannes avec Jodie foster – A Marseille avec Jean-Jacques Lafon
Ca ne l’empêchera pas de continuer son métier, de faire des disques et même des succès et j’ai eu le plaisir de le retrouver sur les tournées Age Tendre où le public, nombreux, l’ovationnait à chaque spectacle.
Le physique avait changé mais la voix, le sourire, la simplicité et le bonheur de chanter étaient toujours présents… Jusqu’au jour où l’on s’est demandé ce qu’il se passait. La voix semblait hésitante, certaines chansons devenaient approximatives… et pour cause…
Il aura bien lutté, notre Michel, durant près de trois ans où l’espoir était toujours là même si peu à peu, il avait compris que l’heure du départ approchait.
On gardera de lui cet éternel sourire et toutes ces belles chansons qui, aujourd’hui, font partie du patrimoine de la chanson française.
MICHEL GALABRU
On se souviendra de sa voix de tonnerre, de cette énergie et de cet humour qui faisaient partie de ce gros nounours grondeur mais qui ne faisait pas peur et faisait rire tout le monde.
J’ai eu la joie de le côtoyer souvent et longtemps et, sans dire qu’une amitié était née, une sympathie réciproque nous a très vite réunis.
Premières rencontres sur des tournées théâtrales, puis sur des tournages de films dont « Le gendarme et les gendarmettes » où, grâce à sa gentille, il a pu arracher pour moi une interview de Louis de Funès qui n’aimait pas vraiment les journalistes.
Nous nous sommes aussi beaucoup vus sur le festival de Ramatuelle où l’ami Jean-Claude Brialy l’invitait souvent, sûr du succès de la soirée. Il disait de lui qu’il était devenu le sociétaire de ce festival.
Sur le festival de Marie-Christine Kemp aussi « Le Théâtre dans la vigne », où nous avons passé de mémorables soirées de rigolades en sirotant quelques beaux millésimes des domaines où il était invité..
J’en fis mon invité d’honneur au Festival de la Ciotat puis aux journées Raimu de Cogolin. Raimu auquel on le comparait mais, modestemen,t il refusait le compliment.
Sa vie, c’était le théâtre, même s’il tourna un nombre incalculable de films, pour la plupart des navets, avouait-il, mais il fallait manger et nourrir la famille. Mais être sur les planches devant un public hilaire, était pour cet ex pensionnaire de la Comédie Française, la plus belle des récompenses.
Il joua d’ailleurs jusqu’au bout alors que ses forces diminuaient, qu’il avait peine à avancer. Mais sitôt sur scène il oubliait tous ces maux et s’il oubliait quelquefois les mots aussi, il savait, d’une pirouette, d’un monologue inventé, rétablir l’équilibre et faire exploser le public de rire..
Et puis, son frère, sa femme le quittèrent. Et lui qui vivait pour sa famille, ne voyait plus la raison de continuer.
Il sombra peu à peu dans sa peine et sa solitude, même si ses enfants l’entouraient.
Je me souviendrai de nos rigolades, de ces repas où il était le centre du monde, où volubile, il nous racontait des histoires, vraies ou fausses, qui nous faisaient oublier ce qu’il y avait dans nos assiettes.
Grand talent, grande générosité… Grand bonhomme que Michel Galabru.
Jacques Brachet