Le Théâtre Liberté de Toulon avait invité ses fidèles à la présentation en avant première du film de Philippe Guillard « On voulait tout casser » au Pathé-Liberté, en présence d’Hubert Falco, Maire de Toulon, et de Charles Berling, acteur du film.
Le film donne à voir un moment crucial de la vie de cinq copains d’enfance, cinquantenaires installés plus ou moins bien dans la vie, avec tout ce que cela comporte d’aléas, de réussites, de ratages, d’ambitions, de regrets, de déceptions, de drames, mais aussi de joies et de bonheurs. On est dans le présent de ces cinq amis, unis envers et contre tout, solidaires et bons vivants ; avec aussi quelques retours en arrière sur la jeunesse de certains, et en arrière plan une grave question: que nous reste-t-il de l’enfance ?
Ils vivent tous assez agréablement quand soudain le drame se noue pour l’un d’eux, Kiki (Kad Merad) est atteint d’un cancer et n’a plus que six mois d’espérance de vie. Il va cacher cela à ses amis, mais par le truchement d’un échange de vestes la femme de l’un d’eux va découvrir la terrible vérité. Le groupe va faire l’autruche, c’est à dire vivre comme si de rien n’était.
Charles Berling est Bilou, restaurateur trompé par sa femme, il fait un pétage de plomb remarquable, et remarqué, à midi dans son restaurant devant ses clients. Benoît Magimel est Gérôme, au chômage, divorcé, en osmose avec son adorable fillette. Vincent Moscato est Tony, brut de décoffrage, ancien rugbyman et boxeur, une force de la nature, il vit seul avec son fils qu’il adore, et celui-ci le lui rend bien. Tony est en recherche de l’âme sœur sur internet sous le pseudo de Fanfan la tulipe, et les rencontres valent leur pesant d’humour. Jean-François Cayrey est Pancho, celui qui semble être le plus à l’aise matériellement et familialement dans la vie ; c’est un maniaque des télécommandes et de l’automatisme, ainsi que des étagères à livres ; ce qui nous vaut quelques bons gags.
Certes les femmes sont un peu en retrait dans cette histoire, d’ailleurs leur nom n’apparaît pas sur l’affiche, mais le propos du metteur en scène est de nous faire partager en priorité la vie de ces cinq gaillards, ils sont donc sous les projecteurs. N’empêche que le rôle des femmes n’est pas secondaire. C’est l’une d’elle qui découvre la maladie de Kiki. C’est l’adultère de la femme de Bilou qui pousse celui-ci à refaire son restaurant et entrer dans une nouvelle vie. C’est la rencontre fortuite de Jérôme avec l’amour secret de sa prime jeunesse qui le fera s’embarquer pour Saigon…
Finalement Kiki vend tout, achète un bateau et décide qu’il va partir pour faire le tour du monde, façon polie de tirer sa révérence, et s’en aller mourir seul au loin. Ses amis, femmes et hommes réunis, essaieront de l’en empêcher. Pour savoir s’ils y réussissent, il faut aller voir le film. Tous les acteurs, femmes, hommes, enfants sont admirables. Citons tout de même deux actrices Anne Charrier (Hélène), et Emma Colberti (Alice).
C’est une comédie tendre avec quelques traces d’amertume, pleine d’un humour roboratif, sur le fil du drame. Les personnages sont solides, bien définis et en même temps laissés à leurs mystères et à leurs ambiguïtés. Il y a les carapaces, les façades, et la vérité de l’humain derrière ; ce qui donne sa force au film, très enraciné sur ce que sont les vies d’aujourd’hui, aussi bien au travail, que dans la famille, les loisirs et les amours. Sous une apparente légèreté, un humour décontracté, subtil, ce sont des tranches de vie miroirs des nôtres. Et puis il y a les falaises de Fécamp, la Manche à marée basse.
Certes on pense tout de suite à « Vincent, François, Paul… et les autres » de Claude Sautet en 1974, d’ailleurs Philippe Guillard le cite dans ses admirations. On pourrait penser à d’autres films. Mais à quoi bon. Cela n’enlève rien aux qualités de cette comédie réussie, toute en demi teinte, et plus profonde qu’il n’y paraît.
Seul des protagonistes du film, Charles Berling était présent, excusant ses collègues pris ailleurs par leur métier. Il s’est plié avec sa gentillesse, sa simplicité et son humour habituels au jeu des questions des spectateurs, manière par ses réponses d’éclairer quelques points du tournage et des relations entre les acteurs. Nous apprenons ainsi que le metteur en scène avait eu à cœur d’en faire une vraie bande de copains pour le tournage effectué en deux mois. On se souvient que Philippe Guillard fut déjà remarqué pour son « Le Fils à Jo » en 2011 avec Gérard Lanvin.
Serge Baudot