Le Théâtre Liberté, l’association Les Chantiers du Cinéma et la Ligue de l’enseignement du Var organisaient le mardi 27 janvier 2015 une soirée de soutien à Charlie Hebdo et pour la liberté d’expression avec la projection du documentaire de Stéphanie Valloatto Les Caricaturistes, fantassins de la démocratie, déjà présenté en sélection officielle, hors compétition, au Festival de Cannes en 2014
Ce film a pour meneur de jeu le caricaturiste Plantu, qui nous fait également découvrir comment on invente une caricature. Nous suivons à travers le monde douze dessinateurs de presse engagés et actifs : en plus de Plantu, Slim, Angel Boligan, Baha Boukhari, Jeff Danziger, Michel Kichka, Pi San, Rayma Suprani, Damien Glez, Nadia Khiari (dessinatrice de « Willis from Tunis »), Mikhaïl Zlatkovski et Zoho (Lassane Zohore). Ce sont douze types formidables, drôles et touchants, sympathiques et pacifiques, filmés aux quatre coins du monde, qui défendent la démocratie en faisant semblant de s’amuser, avec pour seule arme, un crayon, au risque de leur vie. Ils sont Français, Tunisienne, Russe, Américain, Burkinabé, Chinois, Algériens, Ivoirien, Vénézuélienne, Israélien et Palestinien. On les suit dans leurs lieux de résidence et de travail, ce qui donne l’occasion d’un magnifique voyage à travers le monde. On partage leurs conditions de vie, leurs difficultés. Ils nous font part avec humour des dangers qui les menacent. Ils sont sereins, tranquilles, souriants, et fortement réconfortants. Des moments forts : la passion avec laquelle Mikhaïl Zlatkovski parle de la Russie, passée et présente ; la douceur et le sourire de Nadia Khiari, qui lutte avec son chat Willis en Tunisie. Le moment le plus émouvant c’est la rencontre fraternelle de l’Israélien Michel Kichka avec le Palestinien Baha Boukhari qui lui fait visiter la maison de ses ancêtres à Jérusalem. On pense au vers de Prévert : Quelle connerie la guerre !
Après le film vint le débat présenté, avec sa décontraction coutumière, par Charles Berling et animé par Patrice Maggio (rédacteur en chef de Var Matin) et Dominique Dabin (directeur du Club de la Presse du Var), en présence de Jean-Marie de Peretti (journaliste à Reporters Sans Frontières), Corinne Jaber (comédienne qui présente en ce moment un spectacle sur la situation syrienne), et Loutcha Dassa (présidente de l’association Les Chantiers du Cinéma), à laquelle on devait de voir ce film au Liberté.
A la demande de Charles Berling, et pour lancer le débat, Patrice Maggio raconta sobrement ce qu’il faisait ce jour-là au journal, comment il avait appris le drame, et comment Var Matin avait couvert le phénomène. Jean-Marie de Peretti brossa un tableau des activités de Reporters sans Frontières. Il apprit qu’au classement mondial de la liberté de la presse les pays du Nord de l’Europe étaient en tête, et que sur les 180 pays classés, l’Erythrée, la Chine et l’Iran étaient les derniers.
Corinne Jaber nous informa sur la situation de l’information en Syrie : Il n’y a plus de journalistes ; ce sont les citoyens qui se débrouillent pour filmer, écrire, en faisant passer clandestinement, souvent au risque de leur vie, les cartes Sim dans les pays frontaliers.
Vinrent les questions, les déclarations de nombreuses personnes du public. On se posa la question de « Peut-on rire de tout ? » – Avis partagés. Quelqu’un dit qu’après tout personne n’était obligé de regarder les caricatures, par exemple. Bon débat, enrichissant, sans dérapage, mené fermement par Charles Berling. Les invités ont su répondre sans langue de bois, avec simplicité et honnêteté.
Par contre, dans le public, on sent bien la peur de s’exprimer sur tout ce qui touche à l’islam et au terrorisme. Là les gens prennent des précautions orales, le langage se fait lisse, on ménage la chèvre et le chou. Sans nommer les choses exactement on flotte dans l’indéterminé, et laisse la place à ceux qui osent, pour le pire.
La foule avait rempli la grande salle Albert Camus, ce qui est le signe que les gens ne sont pas passés à autre chose, qu’ils ont à cœur de défendre la liberté d’expression et la laïcité.
Charles Berling rappela que le Théâtre Liberté avait aussi pour vocation d’être un lieu de parole populaire, et que le théâtre reposait depuis toujours sur la caricature.
La recette sera remise à « Reporters sans Frontières ».
Serge Baudot