
Pascale Parodi, présidente de l’association « Lumière(s) du Sud » nous offre à chaque soirée des films et des réalisateurs qu’elle va chercher un peu partout, entre autre au Festival de Cannes. Mais en ce lundi, elle n’est pas allée très loin puisque c’est à Toulon qu’elle a ramené deux courts-métrages et un réalisateur : Marc Gurung.
Quand une femme rencontre une autre femme, en l’occurrence Lisa Dora-Fardelli, ça donne une soirée originale avec ce réalisateur qui parle des femmes.
Pour la petite histoire, l’association « Au cœur des Arts » a créé le festival « Cinéma en liberté » que gère Lisa avec maestria depuis 2011. Elle et son équipe nous proposent, le temps d’un week-end, des courts métrages venus du monde entier, sous la houlette d’un jury. Cette année, pour la 14ème édition, ce sont Mathilda May et Sam Bobino qui s’y sont collés. Et c’est ce dernier qui a accordé une mention spéciale au film « Maitighar » de notre invité Marc Gurung, qui est donc venu présenter ce film ainsi que « La symphonie des marteaux ».
Né à Paris d’un père français et d’une mère népalaise, Marc a donc grandi entre deux cultures très différentes mais qui lui ont permis de s’enrichir entre deux pays car il va souvent se ressourcer dans la famille de sa mère.
Si ses deux premiers courts-métrages étaient axés sur la France, son quatrième est entièrement népalais et son troisième est… corso-népalais !
Il nous raconte ce cheminement.
Marc, comment est venu cet amour du cinéma ?
A la base, je suis monteur vidéo, cela fait vingt ans que j’exerce ce métier. J’ai commencé dans le vidéo-clip et la publicité mais j’ai toujours eu une passion pour l’écriture. J’avais envie de raconter des histoires me concernant, le passé de mes parents, l’arrivée en France de ma mère, son pays, c’est une inspiration pour moi. J’avais envie de développer, artistiquement parlant, concrétiser ces écrits-là en passant par l’image. J’ai toujours eu la passion pour l’audio-visuel.
Vos deux premiers films n’avaient pas de rapport à ce que vous me dites…
Non, ce n’étaient pas des films qui avaient sens mais ça me permettait de m’exprimer. Les choses sont venues au fur et à mesure et cette envie de raconter, de garder des traces artistiques de ce que mes parents m’avaient eux-mêmes raconté, des choses qui vraiment me ressemblent.
Vous êtes d’origine népalaise par votre mère et française par votre père…
Oui, mais je suis né en France. Mes parents sont arrivés en France lorsqu’ils avaient une vingtaine d’année et ont passé la majeure partie de leur vie en France mais j’ai toujours baigné dans les deux cultures. J’ai été élevé dans la culture française mais grâce à ma mère, j’ai été imprégné de la culture népalaise.
Vos parents se sont connus au Népal. Pourquoi sont-ils venus en France ?
Mon père avait des contacts en France avec la diaspora népalaise. Pour lui, il n’y avait pas beaucoup d’avenir au Népal à par l’agriculture, le riz. Du coup on lui a dit qu’il pourrait avoir une plus belle vie en France et subvenir aux besoins familiaux. Il est donc arrivé à 15/16 ans en France. Il a d’abord travaillé au noir dans la restauration. Puis il revenu au Népal pour se marier. Un mariage forcé, comme le veut la tradition. Mais quelques mois après, ils sont venus habiter en France.
L’histoire est assez incroyable car, revenu au Népal en 80 pour voir ma famille, on lui a dit de ne pas repartir car son mariage était déjà programmé. Ma mère venait de passer l’équivalent du bac et on les a mis devant le fait accompli alors qu’ils ne se connaissaient pas.

D’où ce film « Maitighar » qui raconte un peu cette histoire mais la fille se rebiffe malgré tout ce que ça peut supposer de honte pour la famille…
Oui car beaucoup de filles et de garçons comme mes parents se sont retrouvés mariés très jeunes sans qu’ils l’aient décidé car les traditions font que ce sont deux familles qui décident de s’allier.
Bon, du coup vous avez échappé à ça et votre amour du cinéma est venu comment ?
A la base, je voulais devenir comédien. Dès huit ans j’ai fait du théâtre, je passais des castings, j’ai fait de la figuration mais j’avais du mal car à l’époque un asiatique de 10/15 ans était souvent cantonné à des mêmes rôles d’asiatique ! Du coup je me suis dit que mes rêves de comédien, c’était fini.
Et alors ?
Alors, un jour j’ai pris la caméra de mon oncle et je me suis dit que j’allais créer moi-même mes propres histoires. La passion pour l’écriture et la réalisation s’est développée. Etre comédien, pour moi c’était trop difficile et je me suis rendu compte que ma joie était d’être derrière la caméra. Je suis donc devenu technicien. La réalisation, ça se prépare en amont et avec une bonne préparation le tournage se passe bien. Et c’est moi qui fais travailler les comédiens !
On voit que les thèmes de vos deux courts-métrages sont reliés au Népal, même si « La symphonie » des marteaux se passe en Corse avec cette amitié qui se noue entre une népalaise et une corse…
Passé la vingtaine, puis la trentaine, il y a des questionnements qui se posent autour de ses racines. Chez moi, c’est venu tout naturellement. Je me rends compte que, plus je vieillis, plus j’ai envie de me rapprocher de la culture de mes origines, de mes racines. Il y a quelque chose qui m’attire. J’en parle beaucoup avec mes parents et j’ai envie de mêler mes deux cultures.
D’ailleurs « La symphonie des marteaux » raconte l’histoire d’une adolescent népalaise qui se retrouve avec son père en Corse. Sa fille n’ayant pas demandé à venir en France, elle vit mal ce déracinement, ce changement de vie. Comment va-t-elle réussir à s’émanciper dans un pays et une culture qu’elle ne connaît pas ? Elle rencontre une jeune femme corse et par le regard, elles vont se comprendre.
Pourquoi la Corse ?
Je trouvais qu’en Corse ce village s’opposait au village népalais. L’idée était, au départ, de laisser transparaître cette double identité qui a pour point commun ce temps qui passe un peu au ralenti.
Pour « Maitighar », vous avez tourné au Népal. Comment s’est préparé le film ?
J’ai fait toute ma préparation à distance, durant deux/trois mois avec une équipe là-bas puis je suis allé tourner durant deux semaines et demie.
C’était la première fois que vous retrouviez le Népal ?
Non, j’y suis déjà allé une dizaine de fois mais, tourner dans le village de mes parents avec beaucoup de membres de ma famille que j’ai impliqués, (même ma mère !) c’était quelque chose d’assez dingue, d’émouvant aussi car c’est allé au-delà de ce que j’espérais. Surtout lorsqu’ils ont découvert le film plus tard
Que pensent-ils de ce qu’est devenu ce franco-népalais ?
Ils sont assez fiers et lorsqu’ils se rendent compte que le film fait le tour du monde et que partout on parle de leur village, ils sont très fiers !
Que sera ce premier long-métrage ?
En gros, je déconstruis un peu la culture népalaise à travers le regard d’une jeune adolescente. Le film se passera exclusivement au Népal et j’aimerais aussi impliquer un aspect européen par rapport à un personnage secondaire qui est français. Je ne peux pas encore en dire plus.
Mais j’aimerais mêler la France et le Népal.
Propos recueillis par Jacques Brachet





