
camera-woman, Manuel Gonçalves, Anthony Wauters
Nous sommes le 6 juin 1944 dans un petit village de Normandie, Graignes, où des parachutistes américains sont largués dans les champs et les marais, à trente kilomètres de Gourbesville, la zone prévue pour le largage. Ils vont rencontrer les autochtones qui vont leur venir en aide, au péril de leurs vies.
C’est un film fort, spectaculaire, superbement maîtrisé, signé David Aboucaya qui n’en est pas à son premier film de guerre. Un film plein de violence, de bruit, de sang, mais aussi beaucoup d’émotion et d’humanité entre ces soldats perdus et ces villageois apeurés qui vont se défendre ensemble becs et ongles, dans la peur mais aussi la fraternité, le courage, avec un seul et même espoir : celui de vaincre les nazis, sauver leur village, retrouver la paix, devenant malgré eux des héros de guerre.
David, scénariste, réalisateur, comédien, est un habitué du Six N’Etoiles et l’on a toujours un grand plaisir à se retrouver à chaque fois avec ses compagnons de route, car il n’arrive jamais seul !
« David, comment est né ce projet ?
Il est né il n’y a pas si longtemps, il y a un peu plus d’un an. Au départ, je voulais faire un film sur un épisode du débarquement qui n’était pas connu. Je suis tombé par hasard sur cet évènement et avec Franck Rasamison, qui un membre de l’équipe, un ami collaborateur depuis longtemps, qui habite en Normandie, nous avons commencé à voir s’il y avait des possibilités de décors qui pouvaient ressembler à Graignes à l’époque, c’est parti de là.
Où as-tu trouvé ce sujet ?
Sur Internet. Je cherchais des histoires qui se seraient passées à l’époque du débarquement et je suis tombé sur cette histoire que je ne connaissais pas du tout. Elle m’a semblée intéressante pour plusieurs raisons : par rapport à l’histoire de ces soldats américains tombés là mais surtout par rapport aux villageois qui n’étaient pas des résistants mais des villageois lambda et qui n’ont pas hésité une seconde à apporter leur aide à ces soldats. Pleins d’éléments m’ont interpellé, comme les vétérans qui ont appelé cet épisode « Le petit fort Alamo normand »
Tu avais beaucoup de documentations sur cette histoire ?
C’était très documenté, trop d’ailleurs, car ce qui est compliqué dans cette histoire c’est qu’il y a plusieurs versions qui l’ont faite évoluer au fur et à mesure qu’on la découvrait. Il fallait donc faire le tri dans toutes ces informations.
Alors, encore un film de guerre ?
(Ca fait rire toute l’équipe !)
Tu sais que la seconde guerre a toujours été un sujet qui me passionne, alors, pourquoi ne pas continuer dans cette lignée-là, d’autant que je m’aperçois au fur et à mesure qu’il y a plein d’histoires de la seconde guerre mondiale qui n’ont pas été racontées et qui méritent de l’être pour que la mémoire continue à perdurer. Au niveau de la nouvelle génération, il y a plein de choses qu’elle ne connait pas, qui méritent d’être connues parce que ces choses-là se sont passées en France
Manuel Gonçalvès précise :
Cette histoire est connue aux Etats-Unis car les Américains en parlent et du coup elle est plus connue chez eux que chez nous. En France, il n’y a que les normands de pure souche qui la connaissent. Ce sont les américains qui ont hâte de voir le film et qui nous ont envoyé des messages nous disant qu’il étaient heureux qu’il y ait un film qui raconte cet épisode.
Le village dont vous parlez n’existe plus ?
Il a été détruit et pas reconstruit. Il ne reste que le seul point de vue extérieur que l’on voyait de Graignes. Ce qui reste, c’est le monument que l’on voit à la fin du film. Mais il était impossible de tourner là-bas car il n’y a plus rien. Franck, qui habite Azeville, m’a envoyé des photos, nous y avons fait des repérages en nous apercevant qu’on pouvait y recréer ce qui pouvait ressembler à Graignes à cette époque-là car il n’y a plus rien qui ressemble au Graignes de l’époque. Nous avons eu la chance que le maire nous ait accompagnés et aidés comme jamais, ce qui a permis le tournage dans des conditions idéales.
Manuel : Il était heureux de nous recevoir, de nous aider et ça a donné une vie à son village de trente habitants. Il y a une cinquantaine de figurants qui ont bien voulu participer, même lorsqu’on le leur demandait au dernier moment.
Les personnages ont-ils réellement existé ?
Oui, le maire, le curé, les soldats. Ce qu’il me fallait, c’était un point d’ancrage qui, au départ, devait être un couple, Laurent et Sonia qu’on voit dans la scène de flashback. Mais à quelques jours du tournage, elle a eu un soucis familial. Du coup c’est devenu le père qui est veuf et son fils que joue Noé Aboucaya. C’était ancré sur le quotidien d’un couple et ça l’est resté avec bien sûr un rapport différent. En fait, ils représentent beaucoup de témoignages et d’actions que j’ai pu lire
sur les villageois de l’époque.
Tu restes fidèles à tes acteurs…
… Et amis ! Manuel, je le connais depuis le lycée, nous y faisions déjà des films amateurs. Franck, je le connais depuis le long métrage de guerre en 2005 sur « Enfer 44″. Anthony Wauters et Sonia Perez, je les connais depuis « Winter War ». Alain, je le connais depuis vingt ans.
Et le maire ?
C’est Laurent Aboucaya… mon frère !!! Par contre, il y a des gens de la famille du vrai maire, dont sa fille qui à l’époque avait 7 ans et qui était dans l’église et qui ont pu voir le film lors des avant-premières.
Manuel, toi qui le connais bien, parle-nous de David
C’est toujours un plaisir de travailler avec David parce qu’on sait qu’on fait des films de guerre qui ne sont pas aussi belliqueux que ce qu’il paraît car il y a toujours beaucoup d’émotion et d’humanité derrière. Il a un peu du Pierre Schoendoeffer dans la façon de filmer, à hauteur de soldat. Il fait des films qui lui correspondent.
Sonia Perez : J’ajouterais – même que si je n’ai là qu’un petit rôle – que j’aime la pudeur qu’il a lorsqu’il filme les comédiens. C’est rare de trouver ça chez un réalisateur, il arrive à mettre vraiment l’acteur au cœur de sa scène en laissant le temps de faire venir les émotions. Il s’efface pour vous laisser à l’image.
Manuel : Tout ça parce qu’il est aussi un excellent acteur et lorsqu’on fait les deux, on a un rapport différent avec les acteurs que lorsqu’on est un simple réalisateur.
David : J’avoue que sur ce film, être comédien était un peu compliqué et, devant être partout, souvent je me suis demandé : pourquoi je me suis donné cette scène ? D’autant qu’on a tourné le film en seize jours. Notre distributeur Arnaud Kerneguez a trouvé ça inouï en voyant le film car normalement ce devrait être trois mois de tournage
Manuel : Je pense que travailler ainsi sert aussi aux personnages car physiquement on est marqué par la fatigue comme l’ont dû être les vrais personnages qui ne devaient dormir non plus !
David : Ce qui a de bien sur ce tournage-marathon c’est que j’ai des gens multi-casquette. Par exemple, Franck au départ, avait le rôle du maire, mais en parallèle il s’occupait de tous les figurants qu’il gérait dès le matin, il était aussi assistant-réalisateur, il y a eu des soucis de casting, du coup on lui a proposé le rôle du capitaine Sofiane.
Franck : Je devais aussi apprendre mon rôle, je devais préparer le matos, regarder que chacun soit bien habillé, qu’il ne manque pas un bouton…
Manuel : Comme David, il était le deuxième à courir partout et il a beaucoup de patience parce que nous sommes tous inquiets avec nos uniforme et l’on vient tout le temps lui demander si ça va
De toutes façon, il y a une entente, une complicité de longue date, David ?
Oui car je ne peux pas fonctionner s’il n’y a pas une ambiance qui me convient. Il faut que tout le monde s’entende bien, qu’on puisse un peu déconner à côté, sinon, ce genre de tournage, ça ne peut pas marcher.
Manuel : Et puis, tous les villageois nous aidaient pour les repas (Qu’est-ce qu’on a bien mangé !) pour rafistoler nos pantalons qui souffraient du tournage… Ce sont deux personnes de la famille de Franck qui s’en occupaient.
David, pour les scènes de guerre, où il y a beaucoup d’explosions, est-ce que tu as dû les refaire plusieurs fois ?
Il valait mieux qu’on répète avant, même si c’était très court, mais on tournait quand même avec trois caméras et donc on avait toujours un plan de secours au cas ou. Il y a aussi un gros travail avec les effets spéciaux..
J’imagine que vous n’avez pas brûlé les maisons ?
Manuel : Si bien sûr et le maire n’était pas content… Mais il va pouvoir créer un plan d’urbanisme !!!
Lorsqu’on fait un film de deux heures vingt, y a-t-il beaucoup de rejets au montage ?
Manuel : la totalité (Rires de tout l’équipe)
David : Pas tant que ça… Après, suite aux avant-premières, je vais avoir quelques retouches à faire car ça sert aussi ça, les avant-premières.. Mais sinon, il n’y a pas eu tellement de déchets, pas de scènes que j’ai pu oublier, après, sur certaines scènes faites quarante fois, il faut choisir.
La sortie du film ?
Normalement novembre. Nous attendons avec impatience les retours de ces séances de la presse, du public qui aura envie de voir le film… Donc… On compte sur vous ! »
Propos recueillis par Jacques Brachet