
Les arbres de Yannick Claeyman… Il faut les mériter !
Déjà, il faut sinuer sur les petites ruelles pavées du le petit village moyenâgeux ardéchois de Largentière. Belle ballade un peu accidentée mais tellement agréable !
Arrivés devant son atelier il faut grimper un escalier en colimaçon qui n’en finit pas.
Ouf, on y est et l’on est accueilli par l’artiste, tout sourire, surmonté de petites lunettes rondes, qui respire la gentillesse, dans ce lieu de silence entre ombre et soleil et l’on entre dans sa forêt.
Une forêt d’arbres torturés, qui jettent audacieusement leurs branches vers le ciel où qui se nouent autour du tronc pour donner des formes inattendues, fantastiques, presque irréelles, entre la forêt de Blanche Neige, d’Ardèche ou de Bretagne, mais des arbres inattendus pleins de force, de majesté, de poésie, qu’ils soient créés à l’encre de Chine, au stylo à bille, au crayon…
L’effet est saisissant, audacieux et original.
Elevé dans un monde de BD par son bijoutier de père, puis aux Beaux-Arts de Dunkerque, les arbres l’ont toujours fasciné au point d’en faire l’objet de toute sa passion.
« Yannick, pourquoi choisir Largentière, dans le pays ardéchois ?
Cela fait un an que j’y suis installé, d’abord parce que j’ai trouvé ce lieu car il est très difficile de trouver un logement dans ce coin d’Ardèche qui est près du Vallon Pont d’Arc, de Ruoms, lieux de plus en plus fréquentés. Et puis, ma compagne, docteur en pharmacie, qui travaillait sur Calais, a trouvé, il y a cinq ans, un poste à Vallon Pont d’Arc. C’est donc le hasard qui a fait que nous nous sommes retrouvés ici. Nous avions le choix entre Long le Saunier et Ruoms !
Les arbres, le dessin… Comment y êtes-vous venu ?
J’étais technicien de laboratoire mais j’ai pris un congé d’un an pour faire une formation d’ébéniste car j’ai toujours aimé le bois. Quant aux arbres, ça a démarré avec la rencontre d’une artiste qui dessinait pour le Guide Michelin et que j’ai suivie. Du coup, de la voir dessiner un arbre, que je trouvais magnifique, je me suis dit que c’était sympa et j’ai fait mon premier arbre à l’encre de Chine. Je l’avais exposé à la maison, des amis l’ont vu et m’ont tous fait une commande. De là on m’a proposé des expos et j’ai même fait un livre avec plusieurs artistes, sur les arbres remarquables.
Alors, ces arbres, comment naissent-ils ?
Je passe mon temps à les photographier, après je m’inspire des photos que j’ai réalisées, je dessine, j’arrange, je modifie selon mon imagination.
Vous travaillez donc dans le silence et la solitude…
Je n’habite pas ici puisque c’est mon atelier. J’arrive vers 8h30 et je peux rester sur ma table à dessin jusqu’à 19h. Mais je ne fais pas que dessiner, je suis également musicien, je suis batteur et je m’entraîne car je fais tout le temps de la musique, et je joue dans deux groupes ardéchois
Deux groupes en même temps ?
Lorsque j’étais dans le Nord, j’étais dans cinq groupes avec lesquels je tournais beaucoup. Mais bon, j’ai dû arrêter car il a fallu choisir entre deux passions. Il fallait bien vivre !
Mais je n’ai jamais arrêté et j’ai trouvé ces deux groupes, dont un qui n’est pas trop mal !
En dehors des arbres, vous dessinez d’autres choses ?
Rarement, des bâtiments comme le Parlement de Budapest que j’ai dessiné au stylo à bille.
Ce n’est pas commun le stylo à bille !
J’adore ! En fait, c’est aussi de l’encre, comme l’encre de Chine.
En fait, ce qui est intéressant avec le stylo à bille, c’est que le solvant, c’est de l’huile, ce qui donne un effet particulier. J’ai eu cette idée en découvrant les œuvres d’un aquarelliste flamand qui l’utilisait.
Vous travaillez ici entre ombre et soleil…
Oui, l’été, je suis obligé de fermer les volets car il y a à la fois trop de soleil et trop de chaleur… J’aime travailler dans la pénombre.
Ces arbres que vous photographiez, où les trouvez-vous ?
Un peu partout en balade, dans les environs et lorsque je voyage. Il y a des arbres magnifiques partout. J’ai adoré découvrir Brocéliande, en Bretagne, où je suis allé plusieurs fois et où il y a des arbres emblématiques. Il y a entre autre un arbre nommé le hêtre de Ponthus, plusieurs fois centenaire, l’arbre doré qui a été brûlé et dont on a repeint les restes en doré, l’arbre de Merlin… A chaque voyage je découvre des arbres.

Et vous ne dessinez jamais sur place ?
Non car je fais de la rando, sur des boucles de quatre/cinq heures et si je dois m’arrêter pour dessiner, c’est trop compliqué, trop long. Il m’est arrivé de dessiner sur place mais en fait ce n’est pas mon truc.
Noir, bleu… Jamais de couleur ?
Oui, cela m’arrive.
Et toujours des petits ou moyens formats ?
Quelquefois des plus grands. J’ai fait un dessin d’étude préparatoire de quatre mètres sur trois mètres.
Vous arrivez à faire beaucoup d’expos ?
Oui, on me sollicite souvent mais j’en refuse aussi pas mal. J’essaie d’aller dans des endroits où je sais que je pourrai vendre parce c’est quand même mon métier, mon activité principale ! Il faut que je gagne ma vie. Les déplacements ont un coût et j’évite les lieux où il n’y a pas de passage. Je prépare en ce moment un dossier de sélection pour Arles.
Ne vous êtes-vous pas essayé à d’autres techniques ?
Non, pas vraiment. A une époque, je faisais de l’aquarelle, j’ai fait quelques délires sur la montagne de Sainte-Victoire devenue un volcan !
Vos prochaines dates ?
Le 29 juin au Marché de l’Art de Barjac, le 6 juillet à Allègre les Fumades, du 10 au 16 juillet à Beaune, du 18 août au 4 septembre à Saint-Alban Auriol, les 6 et août à Thueyts pour le Blue Art…
Pour quelqu’un qui a ralenti, ce n’est pas mal !
(Il rit) Par rapport à ce que je faisais avant, j’ai vraiment ralenti ! Il me faut du temps pour travailler et les déplacements coûtent cher… Même si, avec ma compagne, on a aménagé un van très confortable ! »
Ainsi va l’artiste, d’arbre en arbre, d’encre à stylo, de forêts en atelier, dans un monde végétal qu’il transcende par son imagination et sa passion.
Auprès de ses arbres, il vit heureux. Jacques Brachet
Photos Monique Scaletta
