Frédérik HAMEL… Retour aux sources

C’est un bel ardéchois au sourire lumineux sous un beau regard bleu.
Il est comédien et ce franco-hollandais de naissance a pris des chemins de traverse, faisant ses études dans sa région avant de s’expatrier aux Etats-Unis, pour mieux revenir « plein d’usage et raison, vivre entre ses parents le reste de son âge »… ou peut-être pas !
Aujourd’hui il vit à Aubenas où l’on ne pouvait pas ne pas se rencontrer, étant tous deux ardéchois, et s’il continue son boulot de comédien, il anime un atelier-théâtre à Lanas et vogue entre ses métiers d’artiste.
Nous nous retrouvons donc sur le marché d’Aubenas, où il a ses habitudes et son marchand de pain entre autres. Nous l’avons découvert dans la série « Demain nous appartient », où il joue un homme au passé trouble venu rechercher ses enfants et son ex-femme, Louise qui l’a fui.
Sombre et barbu, il est le contraire de ce premier rôle qu’on lui a proposé en France.
C’est dans l’intimité du café de France qu’il me raconte une vie pour le moins originale.

« Frédérik, expliquez-moi comment un franco-néerlandais vivant en Ardèche, se retrouve aux Etats-Unis pour mieux revenir au fin fond de l’Ardèche ?
Je suis né en Ardèche, à Aubenas où nous sommes. J’y suis resté jusqu’à mes 18 ans, donc je suis « Un Ardéchois cœur fidèle » comme vous ! En fait, je dis que je suis franco-hollando-ardéchois, ayant vécu vingt-deux ans aux Etats-Unis !
Explication !
Mes parents sont hollandais, ils sont venus en France fin des années 70. Quand mon père avait 18 ans, il est parti faire une année d’échange saux Etats-Unis. Il y est retourné faire des études supérieures dans une grande université américaine et à part l’Ardèche, mon enfance a été bercée par ce rêve américain qu’il nous racontait en faisant briller mes yeux. Il racontait bien les histoires, mon père !
A 18 ans, je faisais un bac scientifique à Aubenas en, pensant me lancer dans la médecine…
On est loin du comédien !
 (Il rit) C’est vrai et à ma dernière année de lycée, je ne sais plus trop comment, j’ai eu envie de m’essayer au théâtre. J’imaginais pouvoir aller à Paris pour faire à la fois ma première année de médecine et du théâtre en même temps, ce qui était une idée saugrenue. J’avais même appelé l’Académie pour savoir s’il était possible de faire les deux à Paris. L’on m’a répondu qu’étant en Ardèche, c’était soit Montpellier, soit Grenoble… Et je me suis dit que, puisque c’était comme ça, j’allais faire comme mon père, une année d’échanges au Etats-Unis. Je me suis inscrit dans une université en Californie, en option principale biologie, en option secondaire théâtre et au bout d’un mois j’ai su que je serais acteur !
Et alors ?
L’université où j’étais était à une heure au nord de Los Angeles, à partir de là j’ai vécu l’aventure hollywoodienne sans faire marche arrière. J’ai obtenu deux diplômes de théâtre, un master de théâtre, équivalent d’un bac + 6. J’ai déménagé à l’université de Los Angeles.
Et ça a duré…
17 ans à Los Angeles, En tout 22 ans aux Etats-Unis !

Gary Lanon et son ex-femme, Louise…
… Avec son fils, Justin

Et alors, pourquoi le retour en France ?
C’était juste avant le premier confinement, je suis revenu en France et j’ai eu un problème pour renouveler mon visa. Je me suis alors retrouvé coincé en France pendant trois/quatre mois. Du coup, j’ai eu envie d’aller à Paris pour voir ce qu’était la vie d’acteur. J’ai commencé à démarcher quelques agences. J’avais obtenu quelques touches et lorsque j’ai eu mon visa, je suis reparti aux Etats-Unis avec quand même l’idée de revenir en France. L’Ardèche me manquait tous les jours, ma famille me manquait. Mon vol était le 4 mars et le 7 mars les frontières fermaient pour le premier confinement.
Comment avez-vous pu vous en sortir ?
Plutôt bien car pour vivre je faisais de la livraison de bouche, les gens ne pouvant plus sortir. J’avais donc beaucoup de travail, c’était extrêmement rémunérateur et en plus, dans cette ville fantôme de Los Angeles c’était d’une poésie incroyable. J’ai vécu une expérience assez remarquable durant un mois et demi et j’ai gagné beaucoup d’argent. A la fin du confinement, je suis revenu en France.
Comment s’est fait ce retour ?
J’ai démarché les agences et l’une d’elles m’a pris dans son équipe et assez rapidement je me suis retrouvé sur la série « Demain nous appartient ». Après ce tournage je suis revenu m’installer en Ardèche.
Et après ?
Il ne s’est pas passé grand-chose. Mais comme souvent, dans ce métier, il faut se réinventer
Mais faire ce métier en s’installant en Ardèche, ça n’est-il pas risqué ?
D’abord il y a eu le second confinement et nombre de corps de métiers de Paris ont voulu aller vers la campagne, entre autre beaucoup d’acteurs. L’idée de m’installer en Ardèche n’était pas si folle car aujourd’hui les castings se font beaucoup par vidéo, ce qui ne m’empêche donc pas de passer des castings. Le plus délicat est que, arrivant des Etats-Unis, je manquais de réseaux en France et la difficulté était de rencontrer des gens avec qui partager des affinités artistiques. Mais… Je suis bien en Ardèche ! Ça me fait du bien.
Et voilà que vous prenez un autre chemin !
En 2024 j’ai mis en scène une pièce à Avignon « Noir est une couleur qui a besoin de lumière ». Et puis, j’ai lancé un cours de théâtre. On va essayer de monter une pièce avec certains des élèves. La mise en scène est quelque chose que j’aime énormément. Je pense qu’il est tout à fait possible de monter une pièce qualitative avec peu de moyens.

Revenons aux Etats-Unis où vous aviez une carrière ?
Sans être très connu, j’avais mon réseau, je m’étais fait une place qui me permettait de faire mon job  mais sans vraiment percer car le métier est difficile.
Mais vous avez quand même été nommé pour les Oscars !
Oui… Avec un dessin animé sud-coréen « Blanche Neige, les souliers rouges et les sept nains »! J’y jouais un petit prince français en anglais, avec un accent français et le film a été pré-nominé aux Oscars
C’est grâce à mon agent de voix off qui m’a toujours obtenu de très bons jobs. Grâce à lui j’ai aussi fait une voix off pour un jeu vidéo « Medal of honor », avec des budgets faramineux. Mais ce n’est pas parce qu’on travaille sur des projets d’envergure, qu’on a pignon sur rue.
J’ai tourné également dans « Mes meilleures amies » de Paul Feig. Qui a été un des plus gros cartons de ces vingt dernières années aux Etats-Unis… Et a fait un flop en France ! Je jouais un serveur français.
Après « Demain nous appartient » n’y a-t-il pas eu de retombées ?
Oui, il y a eu quelques castings mais qui ne m’intéressaient pas vraiment. Les rôles, il faut les ressentir et avec mon agent, nous n’avons jamais eu cette alchimie. J’en cherche un autre, d’ailleurs !
Du coup, j’ai un agent à Londres, un autre à Los Angeles mais pas en France.
Par contre, je viens de faire mon premier job sur un long métrage (sans agent !), le film s’intitule « Les gendarmes », avec Arnaud Ducret, Fred Testot, Alice David, Julien Arruti,  basé sur la BD éponyme.
Par ailleurs, la télé semble être un circuit dans lequel, je ne sais pas pourquoi, je ne suis pas entré. Mais en fait, ai-je vraiment envie d’y entrer ? Etre dans une quotidienne, c’est un rythme de travail où on ne peut pas donner le meilleur de soi-même. Je préfère faire du théâtre. Alors, je me pose la question : est-ce que je me bats pour entrer dans ce circuit ou est-ce que je me concentre sur le théâtre ? Même si je gagne moins bien ma vie, au moins je serai épanoui. Et surtout, dans quel circuit vais-je être accueilli ?
Mais en fait je ne sais pas si j’ai envie qu’on vienne me chercher.

Tournage au Pont de l’Arc
La grotte Chauvet

Pour travailler, il faut bien qu’on vienne vous chercher !
Mais je continue à frapper aux portes et si l’on monte ici une pièce, j’aimerais aller la jouer à Paris. Mais est-ce que c’est possible avec des acteurs « du coin ». Je ne sais pas mais c’est le but que je me donne et j’essaie de donner tout ce que j’ai à ces amateurs et voir où ça va nous mener.
Alors, l’Ardèche, c’est définitif ?
Non, c’est une étape qui me permet de faire cette transition de retour en France, qui permet de me ressourcer, humainement, en tant que cadre de vie, de faire ce pas vers la mise en scène, car je viens du théâtre, même si j’aime le cinéma, la télé mais, chaque fois que je vais moins bien, je reviens au théâtre et je ne me soucie pas de savoir qui je dois fréquenter pour « réussir »
Le star system ne vous intéresse pas ?
Il y a longtemps que j’ai abandonné cette idée. J’ai bossé avec des stars, je les ai côtoyées, j’ai encore les étoiles dans les yeux mais ce sont des étoiles d’épanouissement, pas d’envie.
En attendant, que faites-vous en Ardèche ?
Je retape une maison !
Mais je viens quand même de tourner un film avec un ami d’enfance que j’ai retrouvé : Laurent Krief. C’est un docu-fiction sur la grotte Chauvet « Préhistoires » qui sera présenté au FID de Marseille qui se déroule du 8 au 3 juillet. Les deux petits ardéchois que nous sommes avons réalisé quelque chose de magnifique et c’est la chose dont je suis le plus fie et le plus heureux d’avoir refait du kayak dans les gorges.
Mais théâtre, télé, cinéma, il faut que ça prenne ! Et ça peut prendre en restant là ?
Pourquoi pas ? Ici, la semaine dernière, j’ai passé un casting pour le prochain film de Martin Scorsese ! Si j’ai le rôle, je vais tourner en Italie. Vous voyez ! Pourquoi les portes me seraient fermées parce que je vis en Ardèche ? Je suis en train de vivre un retour aux sources qui est la chose la plus importante pour moi ». Propos recueillis par Jacques Brachet

Sur le pont d’Aubenas où à côté de son bras droit, l’école où il a étudié, et dans le feuillage,
à droite, la maison de ses parents cachée par les arbres