Olivier BOHLER : « Le cinéma italien a le soleil pour lui ! »

Pascale Parodi, Olivier Bohler, Noémie Dumas

Un trio de choc : Noémie Dumas, responsable du Six N’Etoiles, Pascale Parodi, présidente de l’association « Lumières du Sud » et leur invité Olivier Bohler.
Tous trois nous nous ont concocté une semaine du cinéma italien où se côtoyaient Francesco Rosi, Elio Petri, Mario Martone et deux réalisatrices, l’une, Francesco Comencini, fille d’un célèbre réalisateur prénommé Luigi, et dont on découvrait en avant-première « Prima la vita », émouvant hommage tout à la fois à son père et au cinéma italien. Et une belle découverte de deux magnifiques comédiens : Fabrizio Gifuni qui joue le rôle de Comencini et Romana Massiora-Vergano, qui joue sa fille tous deux fort émouvants, tout en finesse, en regards chargés à la fois d’amour, de tristesse, de détresse. Une avant-première pour débuter ce cycle mais aussi une avant-première pour le clore, avec le film de Maura Delpero « Vermiglio ou la mariée des montagnes ». Deux femmes pour célébrer cette fameuse « journée de la femme » et donc des réalisatrices, hélas pas assez nombreuse dans cet art.
Nos deux amies avaient donc invité le réalisateur Olivier Bohler, qu’on avait déjà rencontré en octobre dernier, venu présenter un documentaire cosigné avec Céline Gailleurd « Italia » un montage de films du cinéma muet italien qui fut très prolixe mais dont beaucoup ont disparu, le tout raconté par la sublime voix de Fanny Ardant.
Oliver est une encyclopédie du cinéma, ses icônes étant Pasolini et Melville et sa passion le cinéma italien.
On a toujours plaisir à rencontrer Olivier, tout autant passionné que passionnant.

« Le choix de ces films, Olivier ?
Dans les années 60, nous sommes dans un tournant du cinéma italien. Il était intéressant de pouvoir se questionner sur le changement ‘un cinéma mais aussi d’une ville, Naples donc, puisque les films de Francesco Rosi « Main basse sur la ville » et celui de Mario Martone « Nostalgia » s’y déroulent. Il y a des choses qui reviennent comme le questionnement du politique d’un film à l’autre. Après, il y aurait pu y avoir une programmation radicalement différente mais selon les disponibilités car on a voulu  éviter le néo-réalisme qui est beaucoup trop connu. On voulait montrer des choses un peu différentes comme le film d’Elio Petri « La classe ouvrière va au paradis ». C’est un peu un pari auquel, j’espère, le public adhèrera. Par ailleurs, il a fallu faire une programmation avec les films qu’on pouvait avoir car certains sont bloqués pour différentes raisons pour des histoires de restauration, de diffusion, de droits, de technique… ou même d’oubli. Donc on a fait avec… ou sans !
« Prima la vita » est donc une avant-première…
Tout à fait. C’est grâce à Pascale que je l’ai découvert. Il est sorti le 19 février et c’est une très belle découverte, un film d’une grande intelligence, d’une grande sensibilité, réalisé par la fille de Luigi Comencini, qui parle à la fois du cinéma italien et des rapports qu’elle a eus avec son père. Un film très autobiographique chargé d’émotion et de tendresse.
Et vous, passionné de Pasolini, vous n’en proposez pas un ?
Ça s’est déjà fait avec le centenaire Pasolini, mais cette programmation nous permet d’aller ailleurs et je trouve chouette de ne pas être dans des classiques absolus. Mon mémoire de maîtrise a été sur Pasolini. A l’époque, il était difficile de voir ses films, certains étaient interdits, plein de films n’étaient pas diffusés en VHS. Il fallait aller les acheter en Italie, enregistrés en mauvaise qualité. En 94,  j’avais proposé une intégrale à Aix et les gens venaient d’Avignon pour voir les films. On a refusé du monde à chaque séance parce que les gens ne les avaient pas vus depuis des années. Trouver tous ces films a été un énorme travail. Ça a été une aventure ! Du coup, aujourd’hui, on n’a plus besoin de créer un événement autour de lui.
Je pense que pouvoir parler de Comencini avec un film de sa fille était très intéressant. Et puis, parler de la classe ouvrière est aussi intéressant. Je suis curieux de voir la réaction du public !

Et la seconde avant-première ?
C’est la prolongation de ces deux journées mais qui est due à Pascale.
Alors Pascale ?
En fait, avec « Lumières du Sud », on voulait commencer à imaginer de faire un mini-festival pour tendre à un festival plus important. L’idée est de montrer le cinéma italien dans sa diversité. « Vermiglio » a été primé à la Mostra de Venise, réalisé par une femme, et ça me tenait à cœur que des femmes soient suffisamment représentées, qu’on puisse faire découvrir des réalisatrices italiennes. Le film sortant mercredi, ça tombait parfaitement avec cette programmation. On commence et on finit avec une femme !
Olivier, d’où vous vient cette fascination pour le cinéma italien ?
A l’époque où j’étais étudiant, on voyait surtout le cinéma français et le cinéma italien. Il y avait d’autres cinémas étrangers comme le cinéma grec, le cinéma espagnol, le cinéma portugais, le cinéma anglais mais à l’époque c’est le cinéma italien qui primait. Il fallait avoir vu les Rossellini, les Visconti. Je me souviens avoir vu quatre fois dans la même semaine « Ludwig » de Visconti… qui durait quatre heures et demi !
Par contre, nous avions alors beaucoup de réticences avec le cinéma américain contemporain, des années 70/80 ce qui était une erreur, je m’en suis aperçu plus tard.
Mais le cinéma italien c’est un cinéma unique en soi, d’une ampleur fabuleuse, du cinéma muet, au néo-réalisme. C’est le pays qui a le soleil pour lui. Au temps du cinéma muet, si on n’avait pas de soleil, on ne tournait pas ! C’est aussi un cinéma de la foule, Ca a toujours existé dès les premiers temps du muet.

Prima la vita

C’est aussi un cinéma politique et de société ?
Incontestablement, la politique en Italie est quelque chose de très fort, qui se transmet, qui continue d’irriguer le cinéma italien. C’est sans doute une spécificité italienne du fait de l’Histoire du pays. L’Italie est un pays qui a « inventé » le fascisme et qui a une histoire extrêmement violente autour de ça, qui importante pour les Italiens. Les cinéastes italiens l’ont pris à bras le corps et c’est toujours vivant dans la société italienne. C’est donc une réflexion toujours brûlante même aujourd’hui.
Votre autre passion : Melville… On est loin du cinéma italien !
(Il rit) Oui, il y a un pont avec les films qu’on va voir ! Mais dans « Le cercle rouge » on retrouve Gian-Maria Volonte c’est une coproduction franco-italienne. D’ailleurs dans les années 70 il y a beaucoup de coproductions franco-italiennes. Les comédiens étaient importés des deux côtés. Il y a eu de belles rencontres entre les deux pays.
Aujourd’hui, quels sont vos projets ?
(Il rit encore !) Je suis sur un projet… de science-fiction ! Et ce sera certainement une coproduction avec l’Italie ! On devrait tourner dans les Alpes, à la frontière italienne où des décors nous intéressent. On a entre autre besoin d’un vieux fort et historiquement, entre la France et l’Italie, il y a beaucoup de fortifications, chacune pour se protéger l’une de l’autre. Le film se passera dans un futur proche.
Et ça  se fera quand ?
Dans un futur proche !!!

Propos recueillis par Jacques Brachet