
David (Damien Bonnard) est directeur de travaux sur un chantier de la Défense à Paris.
Un chantier pharaonique qui va inévitablement prendre du retard, au grand dam du promoteur qui lui met une pression énorme, d’où les énervements, le stress, les coups de gueule, ce qui n’avance pas les travaux pour autant.
Et voilà que David rencontre Victoria (Jeanne Balibar), une belle et mystérieuse DRH internationale de laquelle il va tomber amoureux. A ses risques et périls peut-être car elle est tout aussi troublante qu’énigmatique et lui assène le chaud et le froid avec une apparente sincérité, chose qu’il ne voit pas au départ tant elle agit avec finesse, avec grâce, avec subtilité.
Qui est en fait, cette femme ? Une femme audacieuse et libre ? Une femme manipulatrice ?
Le film « Le système Victoria » est réalisé par Sylvain Desclous, d’après un roman d’Éric Reinhardt et dont le réalisateur a été séduit dès la première lecture. Entre thriller et film d’atmosphère, souvent dans un clair-obscur, il met face à face deux comédiens magnifiques qui semblent si loin l’un de l’autre, lui bourru, énervé, stressé, brut de décoffrage, elle, impériale, énigmatique, impénétrable, d’un calme olympien.
Film superbement maîtrisé qui nous laisse en haleine jusqu’à la fin.
Etape « régionale » pour le réalisateur qui a vécu à Toulon et est venu présenter son film au Six N’Etoiles de Six-Fours.
« Sylvain, qu’est-ce qui vous a donné l’envie de faire ce film ?
En 2011, j’ai découvert le roman d’Éric Reinhardt, il m’a tout de suite beaucoup plu, entre autre parce qu’à l’époque, il me touchait de près…
C’est-à-dire ?
J’évoluais alors dans un milieu professionnel de grandes entreprises qui ressemblait assez à celui qui est décrit dans le roman, une ambiance très business, de travail. Du coup, je lui ai envoyé un petit message lui disant que j’étais très admiratif de son livre. A l’époque, je n’avais fait que deux courts-métrages et je n’étais pas en mesure de lui proposer quoi que ce soit. Une dizaine d’années plus tard, en 2020 exactement, Éric m’en envoyé un mail pour savoir si son roman m’intéressait toujours et, si, dans l’affirmative, je serais prêt à l’adapter.
Vous ne vous connaissiez pas et il vous a fait tout de suite confiance ?
Il avait vu mon premier long métrage « Vendeur » qui lui avait beaucoup plu et nous nous étions croisés quelquefois. Il aimait bien mon regard et ma manière de travailler mais nous ne nous connaissions pas plus que ça.
Donc, confiance totale et c’est vous qui l’avez adapté ?
Lorsque j’ai pris le projet, Éric avait déjà écrit une première version du scénario. Je l’ai lu et j’ai vu qu’il y avait des modifications à faire, modifications qu’il a d’ailleurs acceptées. Donc je ne partais pas de zéro.
Combien de temps avez-vous mis pour mettre tout ça en place ?
Je me suis mis à l’écriture durant plus de deux ans, après quoi il a fallu un an pour trouver des financements, puis préparation, tournage, montage, une grosse année. Entretemps j’avais fait deux autres longs métrages « De grandes espérances » et « La campagne de France ».
Vos deux comédiens sont magnifiques. Comment c’est fait votre choix ?
Je connaissais Damien Bonnard, que vous avez peut-être pu voir dans « Les misérables ». J’ai fait quelques courts métrages avec lui. On se connaît depuis très longtemps et c’était assez évident car il avait le physique et la gueule de l’emploi. Je l’ai tout de suite imaginé en directeur de chantier. Quant à Jeanne Balibar, c’est une comédienne que j’aime beaucoup. Et, c’est ce qu’on disait tout-à-l’heure, pour être crédible Il ne fallait pas qu’on tombe dans la caricature. Ce n’est pas Cruella ! C’est un personnage assez fort qui joue sur deux tableaux. Avec elle il fallait travailler sur le fait qu’il ne fallait pas qu’elle soit trop antipathique, trop torturée et elle a fait un travail formidable pour y ramener un peu d’humour et de folie, tout en laissant le mystère jusqu’à la fin : Est-elle amoureuse ou manipulatrice ? Elle a ramené quelque chose qui n’était pas forcément dans le roman, quelque chose d’un peu vénéneux, mystérieux.
Elle a un jeu particulier, Jeanne, on ne sait jamais sur quel pied danser avec elle
Vous me disiez que c’était un peu un milieu que vous connaissiez… C’est vraiment un univers impitoyable ?
Vous savez, il y a beaucoup d’enjeux, de pouvoir, d’argent, il y a beaucoup d’ambitions, de passions… Comme dans beaucoup de métiers d’ailleurs.
Où avez-vous tourné ?
A la Défense à Paris puis deux jours à Bruxelles parce qu’il y a une co-production belge !
Et à la Défense, on trouve des lieux aussi grands et aussi vides ?
Il y a pas mal de tours vides à la Défense ! Malgré cela, il faut beaucoup d’autorisations. Ca n’est pas si facile que ça.
Vous êtes en tournée d’avant-première ?
Oui, ce soir c’est la 23ème ! Et ça se passe très bien. Par contre, il y a des questions auxquelles je ne veux pas répondre…
Ah ! Lesquelles ?
Est-ce que Victoria a une idée en tête depuis le début ? Est-ce qu’elle est vraiment sincère ? La possible emprise de l’un sur l’autre… Je pense qu’il ne faut pas trop déflorer le sujet et que les spectateurs doivent se faire leur propre idée.
Parlez-moi un peu de vous, de Créteil où vous êtes né à Aix-en-Provence où vous avez fait vos études…
De Créteil, je me suis très vite retrouvé à… Toulon où, de 4/5 ans à mes 18 ans j’ai fait mes études jusqu’au bac… Vous connaissez le lycée Dumont d’Urville ! J’y ai de bons souvenirs. Après je suis parti à Aix faire mes études. Puis il y a eu le service militaire et je suis « monté » à Paris.
Et vous aviez déjà dans l’idée de faire du cinéma ?
Non ! J’étais donc à Paris à 24/25 ans. Ça a commencé doucement à germer. Comment c’est venu ? Je ne sais pas. J’ai toujours aimé le cinéma…
Moi aussi ! Mais ce n’est pas pour ça qu’on en fait son métier !
(Il rit) OK, disons que ça me titillait très fort, j’aimais l’écriture, la création, j’ai vu des fenêtres s’entrouvrir, je m’y suis faufilé. Je voulais dépasser le statut de spectateur… Et je ne le regrette pas !
Comment avez-vous choisi les comédiens qui gravitent autour de ce duo ?
Je connais certains pour avoir déjà travaillé avec eux. Puis je suis beaucoup les acteurs. Il y en a que j’aime beaucoup, d’autres que je repère car je vais beaucoup au cinéma
Est-ce qu’Éric Bernhardt a vu le film ?
Oui, il en est très content. Il a toujours été tenu au courant des différentes étapes. Il connaissait en gros le scénario puisqu’il en avait écrit une première mouture et les changements que j’en ai faits ne l’ont pas fait tomber de sa chaise ! D’abord, c’était le deal du départ, je lui avais expliqué comment je voulais procéder. S’il avait dû imposr des choses, que ce soit par exemple à 100% fidèle au roman, je n’y serais pas allé.
Dans quel état êtes-vous à quelques semaines de la sortie du film ?
Il y a encore un peu de temps, de travail mais je suis content qu’il sorte et je commence déjà à penser à la suite.
Qui est ?…
A l’étude ! C’est assez embryonnaire mais j’espère revenir vous la montrer dans quelques temps.
Ici vous êtes un peu chez vous !
Bien sûr, j’y reviens souvent, j’ai encore mes parents à Toulon et ils seront là ce soir, avec plein de gens que je connais.
Dans ce cas, cela vous met-il une pression ?
Pas plus que ça. Je ne l’ai encore jamais montré à des gens que je connaissais dans une salle mais ça ne change rien. Je ne dirai pas que je m’en fous, j’ai bien sûr envie que ça se passe bien mais je ne suis pas spécialement angoissé… Je pense qu’ils le sont plus que moi !
Ils connaissent le sujet ?
Oui, nous en avons parlé, ils ont vu la bande-annonce, ils ont lu les quelques articles qui sont sortis. On n’arrive jamais vierge sur un film.
Après sa sortie, le 5 mars, vous serez à nouveau vierge ?
Oui, c’est l’objectif. Il faut que je réfléchisse et que je m’active un peu car quatre ans c’est long. Il ne faut pas trop attendre… pour pouvoir revenir vous voir !
Propos recueillis par Jacques Brachet
