HI-Han

Immergé dans tant de qualités vantées de l’Intelligence Artificielle (IA) je décidai de lui faire écrire un poème, étant à court d’inspiration. J’allai vers une IA gratuite de base. Mais fallait-il la tutoyer ou la voussoyer. J’optai pour le tu, plus simple dans la conjugaison.
– IA, veux-tu avoir l’obligeance de m’écrire un poème.
– Qu’est-ce qu’un poème ?
– La façon d’écrire de la poésie.
– Très bien. Qu’est-ce que la poésie ?
Moi, très érudit, pour lui en mettre plein la vue.
– C’est un art du langage.
– Je ne suis pas qualifié en art. Je n’ai pas eu de formation. Allez voir un ancien, ChatGPT. Il pourra certainement combler votre attente.
Surpris par sa courtoisie je le remerciai chaleureusement. Faut être humain, après tout.
– Serviteur, me répondit-il. Diable, il avait la notion de classe sociale.
Je dis « il », faute de neutre, car les machines n’ont pas de sexe, du moins jusqu’à maintenant. Que n’avons-nous pas dans notre langue un pronom neutre comme « it » en anglais, ou encore « es » en allemand. A défaut j’ai choisi « il », car « elle » est trop poétique pour une machine.
Donc même demande à ChatGPT, qui m’avait reçu fort courtoisement, car ces machines ont du savoir vivre.
– Cher ChatGPT, écris-moi un poème.
– Je ne connais pas ce mot.
– C’est un texte poétique.
– Ah bon ! Donne moi un exemple. (Lui aussi me tutoyait)
– L’été, l’oiseau cherche l’oiselle ;
Il aime — et n’aime qu’une fois !
Qu’il est doux, paisible et fidèle,
Le nid de l’oiseau — dans les bois !

Je ne lui dis pas que c’était de Gérard de Nerval dans ses Odelettes.
– C’est joli. Je vais essayer.
– Ce matin il faisait beau
-Les oiseaux chantaient très faux
– J’étais si content très haut-
De produire un fabliau

–  Pas mal, lui dis-je, pour un débutant. L’avant dernier vers, très fort, très chargé de connotations.
Il se montra modeste. Je vis des lumières s’animer. Il ne semblait pas satisfait.
– Essayer peut-être le chinois, DeepSeek. Il vous fera des haïkus.
– Les haïkus c’est japonais.
– Personne n’est parfait (Nobody’s perfect).
Dommage qu’il ne sache pas sourire. Connaissait-il le film « Certains l’aiment chaud » dont c’est la dernière réplique ?
Me voilà chez DeepSeek. Moins accueillant, plus terne.
– C’est quoi un poème ?
Il parlait le français vulgaire, peut-être pour se mettre au diapason de ses utilisateurs.
Je lui donnai le même exemple.
Il répondit aussi sec :
– Bla bla bla bla bla
– Bla bla bla bla bla
– Bla bla bla bla bla
– Bla bla bla bla bla

Certes il connaissait la métrique : quatrain de cinq syllabes, rimes très riches. La structure de son poème était parfaite, mais il restait quand même plutôt sibyllin.
Devant son air supérieur et sa mimique moqueuse, j’allais arrêter mes recherches, quand il me lança :
– Hé ! C’est bien l’IA.
Avec son accent chinois il prononçait « Hi-Han ».
Serions nous tous des ânes?

Serge Baudot