
1921. Au commencement était une grange achetée par Joseph Rosa. Et le Comédia, premier cinéma de Toulon naît.
Mais après sept ans de réflexion, M Rosa revend sa grange qui va passer dans plusieurs mains.
En 1943, en pleine guerre, une bombe le transforme en grand trou béant.
Mais il renaîtra de ses cendres en 1950.
En 1984, à l’ombre de Jacques Tati, il se dote de deux salles, trois cents places, un bar.
Et arrive André Neyton en 1991. Enseignant, fou de théâtre et de langue occitane il a beaucoup bourlingué, a créé deux chapiteaux dont l’un s’est envolé, a squatté au théâtre de la porte d’Italie qui n’était alors qu’un dépotoir, il a subi de nombreuses pressions, des revers de fortune des suspensions de subventions, des problèmes avec différents maires, dont un maire qui ne connaissait pas la culture, Maurice Arrecks, puis l’arrivée du FN…
Une grande épopée avant qu’il ne pose ses valises à ce qui deviendra l’Espace Comédia. il y créera une salle de théâtre, une salle de répétition, un atelier occitan, des pièces, monté une troupe, le Centre Dramatique Occitan et nombre d’artistes de la région vont y naître et s’y produire, de Miquèu Montanaro à Miquela e lei Chapacans, en passant par Philippe Chuyen, Yves Borrini et Maryse Courbet, Trompette et Bourguignon, et tant d’autres. Mais pas que…
Car André est ouvert à toutes les formes de spectacles, à tous les genres et c’est ainsi que nombre de troupes de Méditerranée viendront y jouer, des chanteurs, des danseurs, des musiciens, et des artistes nationaux comme Rufus, Anne Sylvestre, Romain Bouteille, les frères Belmondo, l’auteur et réalisateur Paul Vecchiali (qui est né au Mourillon) qui est venu y créer une pièce… Chez lui, Molière et Brecht se sont superbement entendus. Il y a joué Jean Siccardi, un toulonnais, Obaldia, Neruda, René Char, Robert Laffont. Il a créé une pièce autour de Gaspard de Besse et de l’affaire Dominici et encore Maurin des Maures de Jean Aicard.
On l’a traité de fou, d’utopiste… Mais il fallait l’être pour que le vaisseau vogue sur les rives de la Méditerranée.

Il faut savoir que, jusqu’à l’arrivée des frères Berling et du Liberté, Toulon ne possédait pas de théâtre hormis celui de la Porte d’Italie et le Comédia. Oui, il y avait l’Opéra avec pour seules pièces de théâtre celles du Boulevard parisien.
Grâce à des gens comme Robert Laffont qui l’a beaucoup aidé et qui a produit pour France 3 en 85 «La révolte des cascavèus» qu’il a écrit et tourné avec la troupe d’André, Jack Lang, qui a beaucoup aidé les théâtres en région, les langues vivantes et la langue occitane entre autres, à Jean-Louis Barrault qui a créé le Théâtre des Nations à la Sorbonne et où André et sa troupe y ont joué pour la première fois en professionnels.
Toujours avec cette force de persuasion, cette volonté de défendre les théâtres, les cultures, les langues, les libertés, il a monté de grandioses spectacles hors les murs à l’instar du Puy du Fou créant en pleine nature des épopées magnifiques dont tout le public se souvient encore : «Le siège de Mons», «Maurin des Maures», «Gaspard de Besse».
A noter qu’André pourrait apparaître dans un jeu de sept familles : Vous demandez le père et André aparaissait, la mère , Josyane, sa femme, comédienne, Michel le fils, technicien, éclairagiste, Sophie, la fille, comédienne, Isabelle, femme de Michel, costumière, Xavier-Adrien Laurent, dit Xal, comédien qui fut le beau-fils et reste un membre de la famille… La famille Comédia s’est toujours portée bien !!!
Voilà donc plus de 30 ans qu’André, comédien, auteur, metteur en scène, directeur de théâtre nous faisait rêver, nous faisait réfléchir et nous présentait des spectacles que nous nous n’aurions pu voir nulle part ailleurs dans la région. Qu’il invitait des artistes, des compagnies venant de Grèce, d’Italie, d’Algérie, d’Espagne… de tous les pays bordés par la Méditerranée…
Ca méritait un bel anniversaire et surtout ce film très émouvant, « Le Comédia, un théâtre dans la ville » à la fois joyeux et nostalgique et qui nous rappellent tant de beaux souvenirs de spectacles et d’événements, film que nous ont offert XAL et son complice Hervé Lavigne. Travail de recherche incroyable, témoignages d’artistes, de journalistes, de personnes ayant des liens très forts avec ce théâtre et cet homme magnifique qu’était André Neyton qui se battait corps et âme pour la culture, la nôtre, celle des autres, qui n’a jamais baissé les bras dans la tourmente qui a jusqu’au bout continué à mener les combats dont celui de taille : la vente du lieu par le propriétaire des murs pour des raisons familiales pour le vendre à un promoteur.
Comment empêcher une telle hérésie ? Détruire un tel lieu pour un simple profit de promoteurs est impensable.
André… Tu nous manques déjà
Jacques Brachet