Parmi les films proposés au public et au jury de ce 23ème festival, le « Diamant brut » d’Agathe Riedinger nous a permis de découvrir une incroyable comédienne qui nous vient de Marseille.
Pour son premier film elle occupe l’écran d’un bout à l’autre avec une conviction et une force extraordinaires.
Et le rôle n’était pas facile puisqu’elle joue une jeune femme, Liane, vivant avec une mère très particulière qui a du mal à gérer sa vie, s’occupant de sa petite sœur, et qui ne rêve que de devenir quelqu’un. Maquillée avec outrance, s’étant déjà fait refaire les lèvres et les seins, elle erre dans la vie, vêtue de vêtements plus que provocants, vivant de petits vols, attendant la réponse d’un casting pour une télé-réalité, pensant que cette émission lui apportera gloire, argent, amour des gens.
Si au départ elle n’apparaît pas très sympathique, peu à peu on s’attache à elle car elle est dans la souffrance d’un manqu d’amour et de considération ce qu’elle vit mal et elle pense qu’une émission pourra changer sa vie.
Le rôle est difficile car le film repose sur elle et que pour l’interpréter elle a dû changer physiquement.
Et lorsqu’on la voit arriver au Six N’Etoiles, on la découvre transformée, belle, souriante, naturelle, timide, à la fois d’une grande simplicité et d’une maturité formidable.
« Comment définiriez-vous votre personnage, Malou ?
C’est une fille qui se sent complètement oubliée qui a une quête de reconnaissance, un besoin d’amour. Pour elle, la télé-réalité est sa seule issue de secours. C’est peut-être ce qu’on appelle une télé poubelle, c’est souvent un milieu malsain. C’est peut-être assez paradoxal mais Liane n’a pas beaucoup le choix, son corps et les réseaux sociaux sont la seule arme qu’elle a pour essayer de s’en sortir. Personnellement, c’est un rôle qui m’a beaucoup fait avancer, qui m’a fait poser des questions sur mon image : Faut-il être absolument belle et sexy pour s’en sortir, s’émanciper ?
Vous êtes jeune, belle… Quelle a été votre réaction en vous voyant à l’écran, si loin de votre vraie personnalité ?
Le film a été présenté à Cannes mais ce n’est pas là que je l’ai découvert mais dans une petite salle à Paris. Pour moi ça a été un grand soulagement car j’avais évidemment énormément d’attente et j’ai été très heureuse en le découvrant et, parce que le personnage était physiquement très différent de moi mais je suis arrivée à le regarder sans problème.
« Pour votre premier film, vous jouez des scènes de nudité. Comment l’avez-vous vécu ?
J’avais déjà une chose qui me rassurait puisque l’on m’avait mis une prothèse mammaire qui me permettait d’avoir une résistance au personnage, d’y rentrer plus facilement. Agathe était très près de moi, pour répondre à toutes mes questions, m’expliquait comment et pourquoi j’allais être filmée, elle était attentive pour éviter qu’il y ait un effet vulgaire. Le personnage de Liane étant déconnecté de toute tentation. Elle va même jusqu’à mutiler son corps au nom de son image, de sa beauté. J’étais énormément bien encadrée, toujours dans la bienveillance. Toutes ces scènes étaient tournées avec des équipes réduites et avec les personnes indispensables au tournage.
Le film a été tourné dans la région ?
Oui, à Fréjus entre autres mais aussi sur la Côte d’Azur, Cannes, Grasse, Nice. C’était important pour Agathe de tourner à Fréjus, c’est une ville qui possède une fracture sociale entre elle et Saint-Raphaël l’une étant vraiment riche, l’autre beaucoup plus populaire, plus pauvre. Il y a vraiment une frontière entre les deux
C’était votre premier film… Avez-vous aujourd’hui envie de continuer dans cette voie ?
Oui, j’ai été contactée par une agence et je vais continuer. C’est devenu mon métier, il y a déjà quelques projets en cours dont je ne peux parler. J’ai tourné une série pour Netflix « Young millionnaires » d’Igor Goteman, dans la région.
N’ayant jamais tourné, comment êtes-vous arrivée sur ce film et avoir obtenu le premier rôle ?
Je travaillais dans la restauration, j’ai trouvé l’annonce du casting faite par une agence sur les réseaux sociaux. J’ai donc répondu à l’annonce sans trop savoir de quoi parlait le film, ni sans me faire d’illusions, nous avons été castées en groupe. J’ai été choisie et à partir de là il y a eu une longue préparation, deux mois et demi, faite de lectures, de répétitions, de travail sur le corps…
Qu’est-ce qui vous a motivée pour répondre à cette annonce ?
Je n’avais jamais rêvé particulièrement à devenir actrice, je me suis dit « Pourquoi pas ? ». Ça a été une envie de croire en ma bonne étoile et j’ai été heureuse en fait, d’être choisie, sans jamais penser que ça pourrait aller si loin. Je n’imaginais pas que c’était aussi sérieux, aussi professionnel et que ça aller m’emmener jusqu’au festival de Cannes en compétition ! Ça a été un choc pour la réalisatrice une grande surprise pour nous et une grande joie. Ça nous a fait du bien de voir que ce sujet pouvait intéresser un tel festival, de pouvoir mettre la lumière sur ce fait de société car la télé-réalité est souvent très méprisée et là, c’est le but de Liane d’y arriver. J’en suis très fière.
En fait, ce n’est pas un film « sur » la télé-réalité qu’on ne voit jamais. C’est juste un objectif pour Liane…
C’est vrai, c’est avant tout un film sur le besoin d’amour, le besoin de reconnaissance, d’une fille qui a de grandes blessures affectives. Le choix de la réalisatrice, justement, de ne rien montrer de la télé-réalité, ça n’était pas le but. La télé-réalité est un phénomène de société qui permet à des jeunes de rêver, de croire en quelque chose, même si c’est un peu un leurre. »
A côté de Malou, celle qui joue sa petite sœur, Ashley Romano, petit bonbon craquant est là près d’elle, mignonne, souriante, déjà professionnelle et je demande à sa maman ce qu’elle en pense : « J’ai une fierté énorme devant ma fille, je la trouve incroyable à l’écran et la voir monter les marches à Cannes a été un moment magique… Je ne vous en parle même pas ! Je suis heureuse pour elle et j’espère qu’elle va continuer si elle le veut. »
Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon