C’est une bouleversante histoire familiale réalisée par Lorenzo Gabriele pour France 2.
Jean (Jean-Pierre Marielle), se sait atteint d’une maladie incurable et ne voulant pas mourir dans la souffrance, décide de mettre fin à ses jours. Ses trois enfants (Léa Drucker, François Vincentelli, Aurélien Wiik) agissent différemment devant cet état de fait qui va s’aggraver lorsque leur mère, Madeleine (Mylène Demongeot) leur avoue qu’elle ne pourra pas vivre sans son mari et décide de le suivre dans la mort.
Histoire on ne peut plus dramatique et portant sur ce sujet qui reste encore épidermique en France : le droit de mourir dignement avant d’atteindre la souffrance.
Que dire du couple Demongeot-Marielle sinon qu’ils sont tous deux bouleversants dans cet amour indéfectible qui va peut-être les entraîner vers la mort ensemble.
Les trois enfants sont également superbes et confondants d’émotion abordant différemment cette décision, avec leur caractère, leurs idées, leurs idéaux.
On a souvent la larme à l’œil, le cœur serré mais à chaque fois que ça pourrait devenir trop pesant, une petite pirouette « à la Marielle » désamorce le tout et nos deux comédiens, qui ont une longue et brillante carrière derrière eux, trouvent là un rôle à la hauteur de leur talent.
Monique Scaletta
Mylène DEMONGEOT… Le plaisir, l’envie, la passion
« Mylène, que voilà un magnifique rôle !
Oui ! J’ai tout de suite aimé le scénario d’autant plus que, depuis dix ans, je milite pour mourir dans la dignité.
Je ne comprends pas qu’on puisse s’acharner sur la souffrance de gens dont on sait pertinemment que leur sort est rédhibitoire, que la fin est inéluctable. En France ça reste un sujet tabou et, comme pour beaucoup d’autres choses, on est à la traîne des autres pays.
J’ai d’ailleurs un papier dans mon portefeuille désignant une personne qui impose, si ça m’arrive, qu’on ne s’acharne pas pour me laisser en vie.
Comment t’es venue cette »dernière volonté » ?
Il y a eu deux événements : j’ai d’abord vu ma mère mourir à petit feu. C’était absolument dramatique. Et puis, tu sais combien j’aime les animaux et j’ai eu un chien qu’on ne pouvait pas sauver et que j’ai dû faire piquer. je me suis alors dit : comment peut-on avoir le droit de faire ça pour un animal afin qu’il ne souffre plus et d’avoir l’interdiction de le faire pour un humain qui meurt quelquefois en souffrant terriblement ?
J’estime que vouloir abréger la vie de quelqu’un qu’on aime lorsqu’il n’y a plus rien à faire, ça comporte beaucoup de force morale et d’amour.
J’espère d’ailleurs que ce film pourra faire bouger les choses. J’estime que ma vie m’appartient et que j’en fais ce que je veux. C’est pour tout cela que le film m’a touchée et que j’ai foncé tête baissée.
Par contre, dans le film, l’épouse veut suivre son mari dans la mort…
C’est vrai, c’est un peu différent mais je peux le comprendre, même si cette attitude ne me ressemble pas et si ce n’est pas du tout moi. Mais c’est une femme qui a toujours été protégée par son homme, qui s’est toujours appuyée sur lui et qui ne se sent pas de vivre seule même si les enfants, qui ont chacun leur vie, sont là et, apprenant qu’ils vont perdre leur père, ne veulent pas aussi perdre leur mère. Ca peut sembler un acte égoïste mais c’est plus fort qu’elle, elle est incapable de supporter cette séparation définitive.
C’est un film dur, un sujet difficile et délicat.
Je ne dirais pas cela. C’est vrai, le thème est douloureux et il y a quelques scènes qui sont d’une violence sourde, lancinante. Mais ce n’est pas traité avec pathos. L’humour est là pour contrebalancer les situations. Et lorsque cela devient trop dramatique, il y a une phrase, un événement, qui viennent déconnecter le drame latent.
Je trouve qu’il n’y a pas beaucoup de films français qui traitent de ce sujet et je pense aussi que ç’aurait pu être un film pour le cinéma… Et même, qu’il mériterait un César !
Ta rencontre avec Jean-Pierre Marielle ne date pas d’hier !
Ça remonte exactement à 63 où je partageais l’affiche avec lui et Belmondo dans « Tendre voyou » de Jean Becker.
Je me souviens de Jean-Pierre, qui, à l’époque, était plus vif qu’aujourd’hui et qui rendait fou Jean Becker : il tournait sa scène et une fois faite, il disait à Jean : « Je te l’ai faite comme ça mais je peux la faire autrement ». Et on refaisait la scène. Et il recommençait son petit jeu trois, quatre fois ce qui déstabilisait totalement Jean !
Nous nous étions perdus de vue mais nous sommes retrouvés avec joie. Nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre et nous avons été très complices sur le tournage.
Mylène, tu as derrière toi une superbe carrière, de grands films, de beaux rôles… Qu’est-ce qui te fait aujourd’hui accepter un film ?
Ce qui m’a toujours fait avancer, même lorsque j’avais 25 ans : le plaisir, l’envie, la passion. Je n’ai jamais pensé en terme de carrière, j’ai toujours joué pour le plaisir en pensant pouvoir apporter quelque chose au rôle qu’on me proposait.
Donc, même aujourd’hui, si le sujet ne me convient pas, si je sens que je n’apporterai rien, je refuse. Et je dirai encore plus aujourd’hui que je ne mets pas ma carrière en jeu !
J’essaie de faire profiter de mon expérience, de mon vécu, de ma conception, de mon intelligence car je pense être capable de tout jouer, je l’ai prouvé, mais il faut que j’y trouve un intérêt.
J’ai toujours pratiqué ce métier comme ça et j’ai toujours envie de continuer ! »
Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Christian Servandier et Jacques Brachet