Elle est, comme nombre de métiers du théâtre et du cinéma, une femme de l’ombre puisqu’elle est créatrice de costumes.
Véritable artiste elle-même, elle habille comédiens et comédiennes mais elle a sa manière bien à elle de le faire puisqu’elle les vêt des impressions que lui donnent les mots, les histoires, selon leur rôle, leur personnalité, selon l’histoire personnelle que lui inspire le personnage. Avec la tête, avec le cœur comme l’aurait dit un chanteur mal aimé !
Elle fut la complice de réalisateurs comme Jean-Michel Ribes, Patrick Timsit, Jean-Luc Moreau, Didier long au théâtre… Aucinéma avec Pierre Granier-Deferre, Robert Guédéguian, Mathieu Amalric, Bruno Podalydès, Charlotte de Turkheim…
Et c’est grâce à la présidente de « Lumières du sud » Pascale Parodi, que Juliette Chanaud est venue nous parler de sa passion… Même si aujourd’hui elle est en train de passer à autre chose.
Sa passion, elle nous l’a communiquée et j’ai passé un moment magnifique avec cette artiste volubile qui a mille anecdotes à raconter, ce dont les adhérents de « Lumières du Sud » ont bien profité !
« Juliette, comment vous est venue cette passion du costume ?
J’ai d’abord travaillé dans la mode, la haute couture, le prêt-à-porter. Mais en fait, ça ne me plaisait pas du tout.
Alors, pourquoi y être allée ?
J’ai passé un bac publicitaire, passé le concours des Beaux-Arts de Paris. J’avais alors 18 ans et plutôt envie de faire la fête. Mais comme nous n’avions pas beaucoup d’argent, je faisais moi-même mes robes. Mon père qui, voyant que j’allais de moins en moins aux Beaux-Arts et de plus en plus dans des fêtes, m’a inscrit à l’école de la Chambre de haute couture parisienne. De ce fait, j’ai dû retourner à l’école et je suis entrée dans ce métier que je n’avais pas réellement choisi. Mais je pleurais tout le temps car ça ne me plaisait pas.
Et le théâtre est venu comment ?
J’ai commencé à aider de petites troupes qui avaient peu de moyens. Grâce à elles j’ai appris le métier. Je n’ai pas fait d’école du costume, même si, après ça m’a manqué. Mais j’avais alors 35 ans et j’étais déjà dans le métier.
Qu’est-ce qui vous a plu ?
Je me suis très vite rendu compte qu’en fait la mode, c’est une industrie et je n’étais pas faite pour ça. Ce que j’aimais, c’était les textes, les mots et créer autour d’eux. Je pouvais alors mettre mon savoir-faire au service de quelque chose que j’aimais. Parallèlement à mon métier de styliste, je pouvais m’exprimer grâce aux textes, aux comédiens. Je me sentais à ma place. Je commençais à avoir des contacts.
Un jour, il a fallu choisir… Et j’ai choisi !
Et vous avez rencontré Jean-Michel Ribes !
Oui, c’est lui qui m’a donné ma chance professionnellement en travaillant sur des textes. C’étaient ceux des « Brèves de comptoir » de Jean-Marie Gouriou. J’ai fait trois spectacles avec eux et créé 130 costumes pour six comédiens. J’ai trouvé ça très amusant d’habiller ces petites phrases, chacun des comédiens devant se changer en trente secondes.
Comment travailliez-vous avec lui ?
En toute liberté et avec la chance d’avoir des idées qui arrivaient malgré moi. Je créais, j’achetais, je modifiais à ma convenance et ça marchait. Puis j’ai travaillais sur un film de Jean Benguigui à qui j’avais fait des costumes pour « Brèves de comptoir ». C’était « Hôtel des Caraïbes » avec Didier Boudon.
Et le cinéma ?
Encore grâce à Jean-Michel Ribes.
J’ai un ami d’enfance qui est le frère de Charlotte de Turkheim. Elle m’a proposé de travailler sur son film mais en même temps Jean-Michel me proposait de travailler sur « Bataille », une pièce de Topor. J’ai choisi ce dernier mais un jour, je dis à Jean-Michel : « Tu sais que j’ai raté mon entrée au cinéma à cause de toi ? ». Il me répond alors : « Je ne savais pas que ça t’intéressait. Je fais un film en septembre. Fais-le ! ». Et là, c’était dingue. Le film était « Chacun pour toi » avec Jean Yanne et Dupontel, il y avait mille figurants à habiller, on a tourné en France, en Allemagne, en Tchécoslovaquie et partout j’amenais des tonnes de costumes ! Pour mes débuts au cinéma, j’étais gâtée ! Mais ça a été une chance et tout a démarré.
Et il y a eu entre autre votre rencontre avec Robert Guédéguian.
Oui, j’ai travaillé sur un film avec Ariane Ascaride et elle me racontait en riant que son mari voulait tout faire sur ses films, même trouver les costumes. Et elle m’a proposé de travailler avec lui. La première fois, ça a été épique, c’était pour « Mon père est ingénieur » : Je suis allée aux Galeries Lafayette où j’avais repéré quelques costumes. Robert me propose de venir avec moi, ce qui était rare pour un réalisateur. D’autant plus rare qu’il est arrivé avec Ariane, Darroussin et Meylan ! On aurait dit une maman qui venait habiller sa famille !
Comment travaillez-vous avec le réalisateur et les comédiens ?
D’abord, je lis le scénario, puis je rencontre le réalisateur, je lui fais des propositions, il me dit ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas et lorsque nous sommes tombés d’accord, je rencontre les comédiens avec qui, en général, ça se passe bien. J’ai eu quelques problèmes avec certains qui n’aimaient mon choix ou qui ne voulaient pas essayer le costume. Mais en général c’est sans problème.
Et Charlotte alors ?
Elle ne m’en a pas voulu et j’ai travaillé avec elle sur « Qui c’est les plus forts ? » avec Audrey Lamy.
Vos projets aujourd’hui ?
Tourner la page !
C’est-à-dire ?
J’ai décidé d’arrêter. J’ai 65 ans et j’ai envie de faire autre chose et peut-être de m’accorder un troisième métier. J’ai plein d’envie dont, depuis longtemps, créer des rideaux ! (elle rit) Et puis, j’ai des petits-enfants dont j’ai envie de m’occuper, d’autant que j’ai perdu mes parents cette année. Par contre, ce qui est étonnant, c’est que du jour où j’ai pris cette décision, j’ai commencé à oublier le nom des gens avec qui j’ai travaillé !
Là, je termine deux pièces de théâtre : « Berlin, Berlin » de Patrick Haudecoeur et « Une idée de génie » de Sébastien Castro, deux gros succès. Après, je me dis que tout peut s’arrêter et que j’ai envie de profiter de la vie. J’ai une maison à Palma de Majorque où j’ai une vue éblouissante et j’ai envie de la retrouver. Je suis d’un naturel optimiste, je suis facile à vivre et je suis heureuse. »
Ce sera le mot de la fin… En attendant de découvrir ses rideaux !
Propos recueillis par Jacques Brachet