Notes de lectures


Christos MARKOGIANNAKIS : Omero, le fils caché (Ed Plon – 443 pages)
Christos Markogiannakis est un écrivain grec installé à Paris, spécialiste de romans policiers.
Il y a dix ans, il rencontre à Paris un certain Omero Lengirini. Ils deviennent amis puis un jour Omero disparaît. Et voilà que Christos est convoqué chez un notaire qui lui remet  une grande boîte de la part d’Omero qui vient de disparaître, cette fois définitivement.
Parmi des objets, un manuscrit : l’histoire de la vie de Romero qui n’est autre que le fils caché de Maria Callas et d’Aristote Onassis. Il lui confie ce texte en lui disant d’en faire ce qu’il veut… Mais lorsqu’on est écrivain, de polars qui plus est, Christos va découvrir une histoire extraordinaire digne d’un thriller.
Enfant joyeux mais solitaire, éloigné de tout, Omerol vivra avec un couple qu’il croit être ses parents, avec, au-dessus de lui, un parrain fantôme qui le comble de cadeaux. A la mort de celle qu’il croit sa mère, il apprend qui sont ses vrais parents avec un acte de naissance stipulant qu’il était… mort à la naissance, ce qu’Onassis avait toujours fait croire à Maria Callas.
A partir de là, il va démarrer une vraie quête d’identité, remonter à la source de sa vraie famille, essayer de rencontrer les gens qui font partie de cette famille et qui n’en savent rien ou alors, qui ont occulté et dénié cette naissance.
Ce sera une quête obsessionnelle de 40 ans, durant lesquels il va suivre les pas de tous ceux qui ont gravité autour de ses parents, ceux qui  sont toujours vivants mais qui, durant ce long chemin de croix, vont disparaître à leur tour. Il a failli rencontrer sa mère biologique, il n’a vu que qu’une fois son père biologique qu’il croyait alors être son parrain et qui l’a viré avec pertes et fracas.
Beaucoup de peine, de haine, de regrets qui, malgré l’argent que son père lui a quand même laissé et lui a permis de faire le tour du monde, a été pour lui une recherche d’identité permanente et l’a empêché de vivre.
Christos n’a eu qu’à traduire cette histoire qu’Omero écrivait en français, en italien, en grec, comme un apatride qu’il a été toute sa vie.
Une grande histoire écrite comme un thriller avec tout au long des rebondissements, des découvertes de secrets bien cachés. Un livre à la fois très palpitant et très émouvant que l’auteur a voulu faire partager aux lecteurs.
Et il a bien fait.
NB. Cette année est l’année du centenaire de la Callas.

Camille PATRICE :  la maison squelette   ( Ed Leo Scheer – 259 pages)
Premier livre de Camille Patrice, roman autobiographique dans lequel chacun peut se retrouver car l’auteure nous emmène dans un voyage intime : à 30 ans, à la mort de son père qu’elle appelle « le grand singe » elle se remémore ses souvenirs, de l’enfance à l’âge adulte, à partir des maisons dans lesquelles elle a vécu (pas moins de 12 voire 13).
C’est à travers cette introspection qu’elle s’est construite et finit par accepter la mort de ce père.
Cette recherche dans le passé est une sorte d’auto psychanalyse thérapeutique. Après un effort pour entrer dans le livre, on se laisse porter par ce texte bien raconté, littéraire, original, dans lequel sont décrits très finement des souvenirs personnels. Son parcours de vie intime est jalonné de portraits, de situations relationnelles décrites avec sincérité ou se mêlent sentiments divers (colère, joies, jalousie, rage…) et descriptions de maisons dans leur environnement particulier.
Roman d’abord déroutant car elle parle d’elle à la 3ème personne et surnomme les membres de sa famille tels « bébé sourire, bébé sœur, tante teigne, maman poupée » et attribue un qualificatif évocateur à chacune de ses maisons : « appartements des rois du silence, la cabane, la maison sale…. ».
Thème original, rythmé par la vie chaotique d’une jeune femme à la recherche d’elle- même.
Charmaine Wilkerson : Les parts oubliées ( Ed.Buchet-Chastel – 505 pages)
Le « gâteau noir » est le fil rouge de ce tentaculaire roman antillais et, surtout, celui confectionné traditionnellement aux Antilles pour le mariage d’une fille, gardé au congélateur et ressorti lors de divers anniversaires.
Ici, c’est le fil conducteur d’une longue traversée familiale sur plusieurs générations.
Benny et Beneth frère et sœur qui s’étaient un peu perdus de vue, se retrouvent dans la maison familiale après le décès de leur mère. Ils ne se sont plus vus depuis des années et vont écouter ensemble l’étrange message vocal qu’elle leur a laissé.
Va s’ensuivre un étrange puzzle avec des histoires dans l’histoire, des générations, des allers et retours dans le temps. Peu à peu des pans d’ombre s’éclaircissent et permettent aux enfants de comprendre qui ils sont, ce qu’ils sont.
Des personnages fabuleux, hors du commun, parsèment ce récit plein de problèmes, d’obstacles, mais dans un parcours plein d’amour, de rencontres, de départs.
On plonge avec plaisir dans les méandres de ce récit à tiroirs bien écrit et très vivant.

Lilia HASSAINE : Panorama (Ed. Gallimard – 235 pages)
Il s’agit ici d’un roman policier qui s’ouvre sur la piste d’une enquête banale, menée par une ex-policière qui reprend du service, partie à la recherche d’un couple et de leur fils de huit ans, disparus subitement.  Sauf que nous sommes en 2049, dans une France dystopique où l’on vit à l’ère de la transparence depuis la Revenge Week de 2029, révolution à partir de laquelle, pour se libérer du MAL, les Français doivent vivre dans des quartiers transparents, composés de maisons aux parois de verre, exposés aux regards de tous.
Comment dans ce cas trois personnes peuvent-elles disparaitre ?
C’est ce que nous suivons au travers de l’imagination de cette voisine, autrice du roman, richement documenté mais d’une lucidité terrifiante qui assure et apporte des situations hors du commun
Fort bien écrit et plein de suspense mais auquel on se laisse prendre… Ou pas…
Jonathan SIKSOU : Vivre en ville (Ed du Cerf – 208 pages)
Jonathan Siksou est journaliste et écrivain, il a reçu le prix Transfuge du meilleur essai en 2021.
Dans un monde où il est de bon ton de dénigrer la ville et d’aller s’installer à la campagne, son dernier livre redonne le sourire au pauvre citadin souvent obligé d’habiter en ville.
La ville la mieux étudiée dans ce livre est Paris, bien qu’il en cite de nombreuses autres de tous les pays du globe. C’est certain, les grandes villes ont leur lot d’inconvénients, mais il faut savoir regarder avec humour la transformation, la bétonisation de nos villes, l’excroissance indécente des centres commerciaux, les embouteillages à toute heure du jour, la foule anonyme toujours pressée dans le métro…
Alors l’auteur va nous emmener dans les musées, les jardins publics, chez les petits commerçants de quartiers comme les boucheries et les boulangeries où la boulangère fait l’admiration de l’auteur en arrivant à faire tenir dans une boîte, des éclairs, des tartes, des choux à la crème sans perdre de place, c’est du talent !
Même si Jonathan Siksou a eu la chance de parcourir le monde dans sa jeunesse, dans les plus grands palaces et de vivre aujourd’hui dans un très grand appartement parisien, il amènera régulièrement le lecteur à sourire et même à rire, car oui on peut vivre en ville et s’y plaire.

THOMAS REVERDY : Le grand secours (Ed Flammarion – 318 pages)
Comment expliquer l’explosion de colère d’une jeunesse qui, toujours en relation avec les réseaux sociaux, s’enflamme dès la réception d’une vidéo représentant un policier dans une bagarre?
Bondy, une banlieue au nord de Paris, à proximité d’un gigantesque carrefour où se croisent autoroutes et nationales.
C’est dans un lycée, qui accueille tous les jours des centaines d’élèves et de professeurs, que Thomas Reverdy retrace méthodiquement, heure après heure, une émeute sans précédent. Tout devrait se passer comme tous les jours, c’est à dire sans heurt, malheureusement une cascade de vidéos va dégénérer.
Le jeune Momo, timide poète amoureux va se transformer en délinquant, les professeurs réunis dans la salle des profs vont réagir à ce qu’ils pressentent être une émeute monumentale au fil des heures, or c’est l’heure de sortie des cours. Faut-il ouvrir les portes du lycée en grand pour libérer les lycéens enfermés dans les locaux ou au contraire les refermer bien vite et se cloisonner en attendant la libération par les forces de l’ordre ? L’auteur étudie scrupuleusement heure après heure un scénario qui pourrait un jour se présenter dans les lycées.
Le cas de Bondy est volontaire pour dénoncer le mal-être des élèves autant que des professeurs vivant dans une des banlieues les plus défavorisées de Paris.
Un livre écrit pour déranger mais aussi pour prévenir une explosion sociale qui viendrait de la jeunesse. Un danger palpable certains jours, que les autorités redoutent et le lecteur espère que tout est déjà programmé au ministère de l’intérieur pour retourner au calme une masse de jeunes prêts à tout saccage, pillage, jusqu’au meurtre si tout n’est pas maitrisé à temps.
Cri d’alarme et appel au secours de Thomas Reverdy… Qui l’entendra ?
Marie LACIRE : Atlantique (Ed Plon – 170pages)
C’est le portrait d’une femme  Anne, qui a écrit son premier roman, dont l’éditeur la presse d’en faire un second assez vite, mais l’angoisse devant la page blanche la saisit  et cela dure  …
Son compagnon, Phil, lui propose alors d’aller dans le Médoc, non loin de l’Atlantique, passer quelques jours dans la maison de son enfance.
Le jardin n’est pas entretenu, la maison n’a pas été habitée depuis trente ans, les meubles sont d’un autre âge, la vaisselle en trop grand nombre encombre les pièces et le village est tout petit.
Lui, est heureux et ne veut rien ranger et surtout ne rien jeter
Elle, c’est le contraire. Elle voudrait ranger et trier. Elle veut créer son propre présent. Le couple souffre et va ainsi passer trois étés..
Le ton est vif, peu de dialogues, mais des chapitres courts et même très courts, ce qui est original et augmente l’intérêt du lecteur.
Se présente  alors, dans ce village si petit, un deuxième écrivain. Il est célèbre et a déjà écrit  une vingtaine de livres.
Va-t-il lui faire douter de son talent ? Elle pense que lui, a choisi sa vie et qu’elle, subit la sienne. 
Mais est –on vraiment libre de ses choix ?
La fin du livre nous éclairera.