Ghislaine Lesept est un phénomène, une boule d’énergie et de gouaille provençale, avec de l’humour à revendre, ce qui prouve qu’on peut être belle et faire rire les gens.
Elle m’a toujours fait rire, ce qui n’empêche pas d’avoir ensemble des conversations sérieuses mais surtout amicales.
Elle vient à peine de terminer la tournée « Route 83 » qu’elle enchaîne déjà sur d’autres spectacles ! Et la voilà dans ce lieu magique qu’est Clairval à Carqueiranne où elle chauffé à bloc un amphi plein à craquer. Et on avait besoin de chaleur car, malgré la fin août, il faisait frisquet !
Arrivée vers 17 heures, elle va tout étudier du lieu, se faire du soucis pour le vent qui pourrait faire tomber les décors et surtout répéter, avec un débit de mitraillette, le spectacle du soir : « Gigi vous décape la tignasse ».
Le public aussi, elle l’a décapé, avec une voix tonitruante, un à-propos incroyable, même lorsque la sono fait des siennes et qu’elle retourne la situation devant un public hilare Même lorsqu’elle prend des gens dans le public qui au départ se méfient mais qui très vite entrent dans le jeu !
Mais avant le spectacle, on se retrouve dans l’intimité de la loge pour faire un peu le point car depuis le covid on ne s’était pas revu.
« Gigi, tu viens de terminer une longue tournée avec « La route 83 »…
En fait, pas si longue que ça ! Longue dans la durée puisque ça s’est passé sur deux mois mais avec seulement 12dates alors qu’avant, ce genre de tournées en faisait 40. Manque d’argent des mairies ? Public qui a changé ses habitudes ? Malgré tout, tout s’est très bien passé pour moi.
Mais tu n’as pas perdu de temps puisque tu es déjà sur scène !
Oui, j’ai repris ce spectacle que j’ai joué en tournée un peu tronqué. Du coup c’est pour ça que tu m’as vu répéter d’un bout à l’autre pour me le remémorer, me le remettre en bouche. Je le reprendrai aussi au Théâtre de la Porte d’Italie le vendredi 23 octobre, ainsi que « Noces de rouille, les débuts de l’embrouille » les 29 et 30 décembre. Avec aussi d’autres dates car on continue à me les demander.
Et puis, entretemps j’ai écrit un nouveau spectacle que je jouerai, toujours à la Porte d’Italie, du 17 au 19 novembre.
Parle-moi de ce spectacle.
Il s’intitule « Fromage de chèvre sauce thaï ». Je ne l’ai joué que trois fois au mois de juin et ça été un gros succès. D’habitude je joue avec Fabrice Schewingrober, mon éternel Jeannot marchand d’olive, qui joue mon mari. Mais là je vais jouer avec Mickaël Coinsin qui sera mon fils.
Qui est-il ?
J’ai connu Mickaël à travers les spectacles qu’il est venu jouer au Théâtre de la Porte d’Italie. Je l’ai remarqué car il est un excellent comédien qui possède un vrai sens du comique et un sens du rythme incroyables. Plusieurs fois je me suis dit « J’aimerais jouer avec lui ». J’ai fini par lui demander si ça l’intéresserait. Il me répond qu’il a vu et aimé tous mes spectacles et qu’il rêve de jouer avec moi. Tu parles que ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd !
Un jour je l’appelle et je lui demande s’il aimerait être mon fils. Je savais qu’il jouait dans plusieurs compagnies mais il me répond : « Si tu veux de moi, j’arrête tout et je viens ! »
Je me suis empressée de lui envoyer le texte qu’il a adoré en me disant que c’était le rôle de sa vie. Il avait tout compris de ce que je voulais faire passer. Et on l’a créée au Colbert à Toulon. A la fin du spectacle, la directrice me dit « J’étais très émue, ça m’a fait penser à « Jean de Florette ». Tu imagines comme j’étais heureuse !
« Jean de Florette », c’est un beau compliment mais ce n’est pas que comique !
C’est exactement le cas de cette pièce…
Raconte.
Je dois partir en Thaïlande avec Jeannot, mon mari mais il a une crise d’hémorroïdes et doit entrer en clinique. Du coup je pars avec mon plus jeune fils. Mais tout au long du voyage il me dit « J’ai quelque chose à te dire ». Il est un peu « ensuqué » et s’est toujours senti inférieur à son frère qui réussit tout. Il se dénigre tout le temps.
Il finit par m’annoncer qu’il ne veut plus travailler avec nous au magasin d’olives mais qu’il veut devenir chevrier… avec un certain Momo. Je comprends qu’il m’avoue en même temps être homo. Et là, il y a un passage entre nous où il se sent coupable, où il a peur de nous faire de la peine ou de nous mettre en colère. Je lui explique que les parents veulent avant tout le bonheur de leurs enfants et que si c’est sa vie, il faut qu’il la vive.
Il y a un tel moment d’émotion que l’on finit en larmes… Avant que ça reparte sur le rire !
Et tu sais ce qu’un spectateur m’a dit : « C’est du Pagnol du XXIème siècle » !!!
Ça va pour toi ??
Très bien ! Et on va partir avec la pièce.
Et tu continues la programmation de la Porte d’Italie ?
Oui, je le fais toujours mais moins qu’avant car je ne peux pas tout faire. Tu sais que l’an dernier j’ai fait 103 dates. C’est presque trop car lorsque tu n’es pas au bureau pour trouver des contrats, tu es sur scène, tu es sur la route… Toulon-Compiègne, ça en fait des kilomètres !
Tu n’as pas un producteur ou un tourneur ?
Écoute, j’ai rencontré deux producteurs l’an dernier à Avignon. Mais quand j’ai vu ce qu’ils prenaient par rapport à ce qu’ils me proposaient, il me semblait que j’allais faire la p…e !
Ils sont juste là pour remplir leurs propres poches et pas pour te faire plaisir. J’aurais dû travailler pour un bol de riz !
Finalement, je préfère travailler seule même si c’est plus difficile et si j’en fais moins. Mais d’abord, aujourd’hui, les théâtres me font confiance et prennent mes spectacles et surtout je suis libre de travailler en toute connaissance de cause.
Je ne suis à la botte de personne ! »
Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Patrick Carpentier