Notes de musique

STÉPHANIE ACQUETTE – Chacun pour soi – Frémeaux & Associés (FA 8599) – 13 titres.
Stéphanie Acquette entre en musique dès l’âge de 8 ans par une pratique peu courante en France : Cornemuse et flûtes irlandaises. Puis elle apprend la guitare et la basse avec des musiciens russes et tziganes, plus des études au conservatoire de Créteil. La voici chanteuse. Si on y ajoute des études à Sciences PO, cela ne pouvait donner que quelque chose de bien : une artiste complète. Elle a fait ses classes dans différents  lieux dont les 3 Baudets, l’Eden, le Volcan, etc.
Une voix vibrante, pleine de charme et de tendresse, de décontraction, ou de punch, et toujours de l’élégance. Et elle chante vraiment, de vraies chansons, avec de bons musiciens et de bons arrangements. Musiciens divers selon les morceaux.
La chanson éponyme qui ouvre l’album « Chacun pour soi » pose d’emblée les qualités de l’artiste. Musique qui coule bien sur une bonne rythmique, paroles fortes : introspection, liaisons amoureuses ou amicales (ce qui en découle), histoire contemporaine, contradictions : Exemple «A croire que seul on n’est plus personne » alors que la chanson s’appelle « Chacun pour soi ». Bravo l’artiste ! Côté paroles on trouve de belles images de poésie : On ne risque plus rien / Que d’être / Un soupir avorté / Par un pas de côté. » Au fond toutes les paroles sont à citer, qu’elles soient de Stéphanie ou de Juan Tabakovic, c’est de la littérature qui donne des images de l’humaine condition et du temps présent, et qui poussent à penser. Les mélodies sont à croquer. Quelques rythmes latinos pimentent le parcours musical. « Je m’en vais » est assez emblématique l’art de Stéphanie Acquette. Avec elle on est dans la belle tradition de la chanson française.
NOGA – Songs That Light The Night – Evidence Musique – 11 titre
Chanteuse, pianiste, auteure, compositrice, improvisatrice, pédagogue, libre penseuse, fantasque, voyageuse de l’âme, c’est ainsi qu’on définit Noga (étoile du matin en hébreu), née à Genève, de parents émigrés d’Israël, élevée en plusieurs langue, elle travaille beaucoup sur le souffle et la voix. Elle a déjà plus de 10 albums comme bagage. « Elle cherche en tout cas à rétablir le lien entre le passé et l’avenir, le visible et l’invisible, pour vivre le présent à cœur ouvert. »
La voici avec son deuxième disque en hébreu, LEV, inspiré par des poèmes, des psaumes, des chansons traditionnelles. Les mélodies s’appuient sur des modes sépharades ou ashkénazes, me semble-t-il, mêlés aux gammes occidentales. Il en va de même pour les rythmes : orientaux, africains, pop. Le choix des instruments accompagnateurs : piano, sanza, flûtes diverses, synthétiseurs, violoncelle, théorbe guitare, contrebasse, sont constitutifs de ce creuset musical. On pourrait craindre un mélange extravagant. Il n’en est rien. Quelques exemples : « Shevet Hachayot » repose sur un rythme africain lancinant, la sanza dans le rôle de la kora. « Honneni » est tout à fait oriental. Etc.
Noga chante avec une voix solide mais flexible sur les modulations, chaude avec une pointe acidulée, du charme et de la conviction. Dommage que je ne comprenne pas l’hébreu pour goûter le sens des textes.
Ce disque vous emporte en plein dans la musique et la poésie sans frontières.
(Ne pas confondre NOGA avec la jeune Noga Erez)

LEO SIDRAN – What’s Trending – Bonsaï Music  (BON230302) – 13 titres
Léo Sidran est le fils de Ben Sidran, pianiste et chanteur de jazz éminent ; voilà qui aide à l’entrée en musique. Encore au lycée il joua de la batterie dans le groupe de son père, même dans les enregistrements, et participa à des shows avec des jazzmen, Richard Davis (b), Frank Morgan (s),et Richie Cole (s). ll est chanteur et multi instrumentiste : claviers divers, batterie, percussions, basse, guitare et vibraphone. Il étudia à l’université du Wisconsin, puis passionné par l’Espagne et sa langue il étudia une année à Séville. On retrouve cette influence dans toute sa production. (Ici dans « Everybody’s Faking Too ») Il vit maintenant à Brooklyn. Il est aussi producteur. Pour son huitième disque il a fait appel à 21 musiciens utilisés à la demande selon les morceaux.
Il possède une voix assez crooner,  chaude et charmeuse, comme celle de son père, mais un peu plus nasale. A noter une diction parfaite et de la douceur dans les inflexions.
Dans l’ensemble on peut dire que c’est du jazz, tant par les arrangements, les solos, même si la rythmique est assez rock sur les quelques tempos rapides. Ecouter « There was a fire » avec Mark Dover à la clarinette solo. C’est une valse lente à écouter allongé devant la cheminée. Le groupe est excellent dans les tempos lents, toute la nostalgie du slow « It’s All Right », ou encore, « Hanging by a Thread », c’est cela, on est pendu au fil du plaisir.
CHRIS CODY – The Outsider –  Chris Cody Music (CCM012) – 9 titres enregistrés en juillet-aôut 2022
Chris Cody est un musicien de jazz australien. Il joue et enregistre dans différents pays, notamment la France où Il a souvent séjourné. Après son diplôme en jazz du Conservatoire de Sydney et quelques récompenses, Chris Cody quitte l’Australie pour jouer aux Etats Unis et ailleurs dans le monde, partageant la scène avec les plus grandes « pointures » du jazz. Il compose également pour le théâtre, le cinéma et la télévision. Il doit être à la tête d’une dizaine de disques sous son nom.
Un jeu de piano (Chris Cody) enthousiasmant, lumineux, qui respire, avec des attaques tranchantes, une main gauche en appui avec des accords très personnels, sur une main droite qui chante. Ses compositions reposent sur de belles mélodies et les arrangements qui entourent et accompagnent les solos sont basés sur les cuivres, phrases toujours mélodiques, le plus souvent en tenues, avec des voicings très proches qui leur confèrent un son d’ensemble très riche. La rythmique swingue avec un vrai batteur de jazz (James Waples) qui donne le tempo, suit et relance, et une contrebasse (Lloyd Swanton) très souvent en contrepoint du piano. Ça roule tout seul.
A noter un ténor charnu (Michael Avgenicos), très en verve, un trombone (Alex Silver) au son grave et puissant, une trompette agile au son cuivré (Simon Frerenci), un percussionniste qui sait se fondre dans le drumming, et un oud au jeu très enlevé, très arabo andalou, comme « La Goutte d’Or », une petite merveille. On n’oublie pas le blues « The Truth », oui la vérité du jazz et un court piano solo « Reflection », un Chopin en mode phrygien!
Un disque parfait pour les auditeurs fatigués des complexifications d’un jazz trop savant, ou trop Musique du Monde. Partir de la source pour arriver à la mer.

Serge Baudot