Notes de Musique

ESPRIT JAZZ 01 – France Musique – Wagram 3425992 – Coffret 5 CD
Laurent Valéro anime l’émission « Repassez-moi le standard » tous les dimanches à 19h sur France Musique, émission dans laquelle il propose plusieurs versions du même standard. Il y a parfois plusieurs dizaines de versions. Pour ce coffret « Esprit Jazz » il a choisi des thèmes pour l’excellence de leur interprétation, parmi les centaines qu’il a présentés.
En 5 CD on a un florilège des standards les plus joués et les plus célèbres. C’est à dire 100 interprétations exactement. C’est un magnifique panorama permettant d’entendre quelques unes des riches voix du jazz moderne. On y retrouve des grands noms mais aussi des seconds couteaux qui brillent par leur excellence et ont leur part dans l’histoire du jazz. Ce sont ceux qui, pour différentes raisons, n’ont pas connu la célébrité, mais qui ont œuvré dans leur coin pour l’évolution et la gloire de cette musique.
C’est un éventail époustouflant. La majorité des tendances, des expressions s’y retrouvent, du lyrisme feutré de Ben Webster à la modernité de Richard Galliano, en passant par toutes couleurs de l’arc en ciel du jazz du XX° siècle.
Que vous soyez amateur confirmé, musicien, ou simple curieux, ce coffret est pour vous. C’est plus qu’une compilation, c’est un trésor du jazz dans le meilleur de son esprit. Et à petit prix.
AUREN IL S’EST PASSÉ QUELQUE CHOSE – 9 titres
Auren fut d’abord pianiste et guitariste, avant de se consacrer au chant. Elle fut marquée par le groupe Calexico, qui lui réalisa son deuxième disque « Numéro » à Tucson (Arizona). La voici à la tête de son troisième album, réalisé en collaboration avec Nicolas Dufounet, et dont elle a écrit et mis en musique les textes ;  le tout arrangé par Romain Galland. Elle dit « qu’elle s’adresse à la Terre comme à une putain qu’on écrase dans un Monde fini ». Dommage, les paroles des chansons ne sont pas du tout le reflet de cet engagement, si on excepte « Monde fini », très aéré, où elle chante la désespérance :« On aura vu la beauté du monde ». Ajoutons, ce n’est pas rien, qu’elle a fait les premières parties de Vanessa Paradis, Olivia Ruiz et Benjamin Biolay.
Une voix très sage, souvent nostalgique, avec quelque chose de Vanessa Paradis ;  des arrangements simples avec une rythmique mécanique de poids pour entourer  le chant d’Auren.
Elle chante la nuit, l’ennui, le souvenir. « J’ai eu mon heure, on m‘a aimée ». Par contre « Vivante » en duo avec Jeanne Cherhal chante l’espoir, sur des tenues efficaces de l’orchestre « Vois-tu comme je suis vivante…j’ai fain en moi ». Voilà un gage d’avenir pour cette jeune chanteuse.

BT93 – BT2033 – Dragon Accel / Modulator – 11 titres.
BT93 c’est Bernard Tanguy qui a d‘abord passé 10 ans dans le cinéma, il fut même nommé aux César. Dans ce disque il décrypte le milieu du cinéma, et il n’est pas toujours tendre, ni fair play, avec cependant des hommages comme celui à François Truffaut, « François, I miss You », morceau dans lequel il joue avec les titres des films de Truffaut, avec au piano Patrick Goraguer (qu’on trouve sur d’autres morceaux, également batteur et compositeur), le fils d’Alain qui fut l’un des premiers à composer et jouer du rock en France : « Fais moi mal Johnny » avec Boris Vian et Magali Noël.
Bernard Tanguy possède une voix bien timbrée, du charme, il chante parfaitement en place, entouré, encadré par des synthés, quelques effets de chœurs menés par Sainte Victoire, qui a aussi réalisé cet album, et chante agréablement en duo sur « Tu m’as aimé », le plus « chanson » du CD. La rythmique, plutôt basique et mécanique, est du genre Dance-Hall – DJ, mais colle au propos. L’auteur s’en prend au « CNC » pour ses tonnes de papiers avant d’obtenir quelque chose, ou rien. Et au « Boulet de l’art et essai », en en faisant un clan de l’entre soi (Mais les salles d’art et essai protègent le cinéma et donnent les films en V.O). On traverse divers atmosphères musicales, on se promène à travers des sentiments parfois contradictoires. Tout cela est sérieux mais ne m’enthousiasme pas.
JEAN-MICHEL PILC – SYMPHONY – Justin Time Records JTR 8632-2 – 10 titres
Jean-Michel Pilc est né à Paris en 1960, maintenant Américain. Il s’est mis au piano après avoir été impressionné par Martial Solal. Il joue et a joué avec une foule de grands noms, dès le début, avec Michel Portal, François Moutin, puis avec Roy Haynes, Michael Brecker, Dave Liebman, Marcus Miller, Biréli Lagrène, John Abercrombie, pour ne citer que les plus connus
En 2021, c’est après avoir assisté au Portugal à l’enregistrement de « Contradicto » du saxophoniste espagnol Xose Miguelez que Jean-Michel Pilc fut inspiré par les conditions parfaites des Studios OJM et la vue d’un magnifique Steinway qu’il se dit qu’il était temps pour lui de réaliser son nouvel album en piano solo. Jean-Michel Pilc : « Uniquement porté par la musique j’ai alors commencé. Lorsque l’inspiration s’installe, vous quittez le monde réel et la musique vous entraîne dans un nouvel univers totalement unique ».
Nous voici avec dans les oreilles un album digne des solos de Keith Jarrett, la même faculté d’improvisation sur le vif. Jean-Michel Pilc est un pianiste brillant, prolixe d’une grande invention rythmique et harmonique, avec une sonorité claire, des notes bien détachées même dans les traits les plus rapides. Il sait laisser respirer la musique, jouer du silence, comme sur les romantiques « The Encounter », ou « Understanding ou « Just Get up » assez impressionniste, relevé de coups de tonnerre. Il déclare explorer aussi les possibilités orchestrales du piano, comme par exemple dans « Discovery » ou « Not Falling This Time ». A noter un bel hommage à Xose Miguelez, « Waltz For Xose », qui est une sorte de valse fuguée.
Magnifique. Cinq étoiles, pour tout amateur de piano, jazz ou pas.

Serge Baudot