Il y en a qui disent, qu’Edith serait un homme… on dit ça !
Et elle-même le dit qui, au bout de 40 ans, un mari, trois enfants, Edith (Catherine Frot) décide de devenir… Eddy !
Au grand dam de Jean (Fabrice Luchini), son mari et maire de sa commune qui voit sa vie d’homme totalement chamboulée et sa vie d’édile menacée. D’autant qu’il n’a rien vu venir, qu’il ne s’est rendu compte de rien lorsqu’elle lui avoue qu’elle a toujours pensé être un homme dans sa tête et dans son corps.
A partir de là, le réalisateur Tristan Séguéla nous offre un film déjanté « Un homme heureux », film à la fois drôle et bouleversant sur un sujet délicat et d’actualité : le transgenre.
Toujours sur le fil entre rire, émotion, tendresse, notre couple est irrésistible, Catherine Frot royale dans sa force tranquille (n’est-ce pas Monsieur Séguéla fils ?) mais aussi combative et résolue, et Fabrice Luchini sur qui le monde tombe sur la tête et qui, pour une fois, n’en fait pas des tonnes pour être à la fois énervant en maire quelque peu réac et attendrissant homme ayant peur de tout perdre.
A leur côté, irrésistibles, Artus et Philippe Katerine, la garde rapprochée du maire.
Catherine Frot et Tristan Séguéla étaient les invités du Pathé la Valette.
Tristan Séguéla, d’où est venue cette idée ?
Ce n’est pas moi qui l’ai eue, ce sont Isabelle Lazard et Guy Laurent qui ont écrit le scénario et me l’ont proposé. Je l’ai brillant, original mais pas que… car j’ai aussi pensé que ce pouvait être un sujet casse-gueule. J’ai eu un grand plaisir à le lire et j’ai pensé que si le public pouvait éprouver ce plaisir, ça pourrait marcher. J’ai donc eu très envie de le réaliser en voyant tout de suite le couple que pouvaient former Catherine Frot et Fabrice Luchini, sans penser que, grâce à moi, j’allais les réunir à l’écran pour la première fois ! D’autant qu’ils ont tout de suite plongé !
Catherine Frot, on doit vous dire monsieur ou madame ???
(Elle rit de ce rire cristallin qu’on lui connaît et qu’on aime) C’est au choix du client !
C’est vrai que c’est la première fois qu’on me propose un rôle aussi original. Cela m’a plu d’autant plus que je viens du théâtre et que j’ai toujours aimé me transformer en personnage loin de moi. Au théâtre, Shakespeare et Marivaux ont souvent joué sur cette ambigüité homme-femme. Et j’avoue que cette proposition m’a émoustillée ! D’autant que ça a souven été l’homme qui se transformait en femme, au théâtre comme au cinéma.
Ça a été difficile de devenir un homme ?
Non, j’ai trouvé ça très amusant d’autant qu’avec mon visage rond, il fallait malgré tout que je sois crédible, dans la voix, dans la démarche, les poses, dans la façon d’être habillée. On a trouvé cette coiffure qui, je trouve, me va bien et… j’ai laissé pousser la barbe !!!
Je voulais que ce soit le plus vrai possible et surtout ne pas tomber dans la caricature. J’aime jouer ces rôles extrêmes, loin de moi car c’est à chaque fois une aventure.
Avez-vous rencontré des transgenres ?
J’en ai connu dans ma vie et je sais que c’est pour eux une rupture énorme qui vient du plus profond de soi. C’est un combat difficile. Mais une fois la transformation faite, il y a un homme ou une femme. Point barre. Je voulais qu’on y croit et j’ai pris conscience de plein de choses. Et surtout je ne juge pas. Je trouve que le film est à la fois drôle et bouleversant
Tristan, lorsque vous avez accepté le scénario, qui vous a fait penser à ces deux acteurs ?
Je ne sais pas, une intuition. Leurs deux noms me sont tout de suite venus à l’esprit sans savoir alors que j’allais exaucer leurs désirs, depuis longtemps, de jouer ensemble, ce qu’ils n’avaient jamais fait.
– C’est vrai – reprend Catherine Frot – qu’on se connaît depuis longtemps, qu’on s’est souvent dit que ce serait bien de jouer ensemble, au théâtre ou au cinéma. Mais l’occasion ne s’était pas présentée et Tristan a réalisé cette envie.
C’est aussi un film sur la tolérance…
Tristan : Bien sûr et c’est surtout un sujet qui est resté longtemps tabou. Il y a encore du travail mais aujourd’hui on peut l’aborder, non pas en se moquant mais en faisant passer des choses par la comédie.
Catherine : C’est surtout la jeune génération qui s’ouvre à ce genre de sujets, qui les aborde, qui peuvent le comprendre. C’est vrai que notre génération était plutôt fermée à ces problèmes qui étaient considérés comme honteux, comme une maladie.
Tristan la fin du film est symbolique puisqu’elle se passe durant le carnaval de Dunkerque…
Oui car c’est un festival où les hommes se déguisent en femmes et vice-versa. J’ai beaucoup hésité sur la fin du film, tout au long du tournage car il y avait plusieurs fins possibles. Et sans divulguer comment ça se termine, j’ai choisi cette fin pleine de rires, de couleurs, de musique, de mélange des genres.
Catherine, à l’âge qu’a Edith, n’est-ce pas un peu tard pour opérer cette transformation ?
Je ne crois pas qu’il y ait un âge pour ça. Dans sa tête, Edith a toujours été un homme mais les conventions d’alors ont fait qu’elle assumé d’être une femme, une épouse, une mère. Et elle ne le regrette pas car ses sentiments pour ses enfants et son mari restent inchangés. Les enfants ont grandi, ont fait leur vie et les deux garçons sont des adultes qui comprennent, même si la fille est un peu réticente. Son mari, elle l’aime toujours et elle a l’intention de continuer à former un couple avec lui, même une fois devenue homme. C’est surtout difficile pour lui et c’est compréhensible pour diverses raisons.
Mais elle est décidée et rien ne la fera dévier de sa décision.
Je vais vous faire un aveu : personnellement, je me préfère en homme !!!
Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Monique Scaletta
Sortie dur le écrans le 16 février