50 ans…
Non, ce n’est pas son âge ni le mien puisqu’il et de 1949 et moi de 1946.
Mais ça fait 50 ans qu’on se côtoie et ça a commencé avec Claude François et les disques Flèche en 72.
Il était en tournée avec lui et moi je suivais la tournée en tant que journaliste. Et je travaillais avec Claude sur les chanteurs qu’il produisait. Dont Alain.
Durant toutes ces années, nous nous sommes souvent croisés et rencontrés, reprenant à chaque fois notre conversation où elle s’était arrêtée.
De Clo-Clo à Gainsbourg en passant par Véronique Sanson, Lio, Jacques Duvall, Boris Bergman, Dick Rivers, Jacques Dutronc, Michel Pelay, Etienne Roda-Gil, et bien d’autres, Alain a tracé une carrière originale avec des hauts et des bas, comme beaucoup d’artistes mais toujours là avec de belles mélodies aussi différentes que celles enregistrées chez Flèche (Dans les ruisseaux, signe de vie, signe d’amour, l’amour en France) ou que les chansons écrites avec Gainsbourg (Bambou, Manureva)
Plus musicien que chanteur au départ, il fut dans les chœurs de Séverine pour l’Eurovision, Séverine avec qui il chanta sur scène.
Après le Liberté à Toulon où il est venu chanter en piano-voix, le voici qui reviendra le jeudi 21 juillet à Sanary, sous les étoiles, toujours en piano-voix.
Retrouvailles avec Alain.
« Comment sera composé ton récital, Alain ?
Je suis en train d’y mettre les dernières touches. Ce sera un mélange de mes anciennes et de mes nouvelles chansons, afin que le public toutes générations puisse y prendre plaisir. Des chansons connues, d’autres moins connues mais je pense que tout le monde s’y retrouvera.
Ton dernier album est tout différent puisque fait avec un orchestre symphonique !
Oui, ça s’est passé durant le Covid. La directrice de l’Opéra de Montpellier m’a proposé de faire un concert avec son orchestre symphonique. Ça a été un long travail de préparation, un travail excitant. Et le concert a été déprogrammé car il devait se jouer le premier jour du second confinement !
Il s’est donc quand même fait sans public. Il y a eu une captation dont on a sorti un DVD puis un double album « live » intitulé « Symphonique Dandy ». Ce concert devait être suivi d’une tournée, tout a été annulé mais nous sommes en train de la remonter pour 2023.
Comment ça va se passer ?
Je jouerai avec à chaque fois l’orchestre symphonique des villes où je passerai, avec un chef d’orchestre qui sera le même sur chaque date. Il n’y aura pas de section rythmique mais des arrangements classiques qui seront en cohérence avec les mélodies.
Tu es compositeur et un magnifique mélodiste, tu as travaillé avec beaucoup d’auteurs de talent et, à part pour Claude, tu as écrit pour nombres de femmes : Lio, Jane Birkin, Viktor Lazlo, Dani, Vanessa Paradis, Line Renaud… Pourquoi pas les hommes ?
Parce que personne d’autre ne m’a demandé de chansons ! Tu sais, je ne vais pas proposer mes chansons, ce sont les chanteuses qui viennent m’en demander. Je compose à la demande. Alors si on ne vient pas vers moi, je ne compose pas ! J’ai travaillé avec le groupe Toxic Advanger qui est un groupe électro. Mais pour l’instant je n’ai pas de demandes !
Surprise : tu as enregistré « La décadanse » de Gainsbourg. Inattendu, non ?
(Il rit) oui, nous avons fait ça au départ pour la télé avec Héléna Nogueira. Puis l’idée m’est venue de l’enregistrer. A ce moment-là Héléna n’était pas libre et je l’ai fait avec une jeune chanteuse Mylène Champenoy.
Tu l’as fait de façon originale, d’abord très suggestive et tu as inversé les rôles : ce que chante Gainsbourg c’est Mylene qui le chante et vice-versa !
Oui, j’ai trouvé ça à la fois drôle et intéressant puisqu’aujourd’hui, avec l’évolution de la femme, elle prend de plus en plus le pouvoir il y a plus d’équité et j’ai voulu participer à cet équilibre.
Tu es apparu dans « The voice » en tant que coach avec Jenifer… C’était nouveau pour toi !
Remettons les choses en place : c’est Jenifer qui était le coach et la production a voulu pimenter l’émission en faisant assister les coaches par des invités. J’ai fait partie de ceux-là. Mais ce n’était pas pour coacher. C’était juste une présence, une idée de la prod, qui a été sans lendemain.
Tout petit, tu as été attiré par la musique…
Oui, j’ai appris le piano dès 4 ans et je devais à 12 ans entrer au Conservatoire. Mais alors, j’ai été attiré par d’autres musiques. Nous étions en 62/63, plein de groupes naissaient tout comme d’autres musiques venues d’Amérique. J’ai été attiré par ce milieu où je me sentais plus à l’aise que dans le milieu plus guindé de la musique classique. C’était une autre forme de musique qui m’a beaucoup excité.
Et pourtant tu reviens aujourd’hui à la musique symphonique !
Oui, j’ai évolué, tout a évolué et comme je compose des musiques plutôt « classiques » beaucoup se prêtent à cet habillage. Grâce à des harmonies plus riches, elles prennent une autre forme et sont mises en valeur.
Pour en revenir à Claude François, c’est lui qui t’a fait chanter…
Pas vraiment. J’avais fait des essais en 68 grâce à Dick Rivers qui avait produit deux ou trois 45 tours de moi dont on n’a jamais entendu parler. Du coup j’ai renoncé et décidé d’écrire pour les autres. C’est la parolière Vline Buggy qui m’a fait rencontrer Claude et Claude entendant ma voix, a décidé de me produire en tant que chanteur. Et l’ai intégré la maison.
En fait, tu n’as pas beaucoup écrit opur Claude.
Non, j’ai dû lui faire deux ou trois chansons dont une qui a une histoire.
Paul Anka, qui avait fait la version américaine de « Comme d’habitude », (« My way »), passe un jour par Paris et vient faire un tour chez Flèche pour trouver des chansons. Il tombe sur une de mes musiques qui lui plait et en fait « Do I love you ». Claude est content mais aussi vexé car il avait refusé la mélodie… qu’il s’est empressé de faire sous le titre « Plus rien qu’une adresse en commun » !
Ça c’est du Claude pur jus ! Que te reste-t-il ce ces années Flèche ?
Des souvenirs très mêlés. C’est un moment de ma vie très hystérique ! Nous enchaînions les galas et les trajets de 500 bornes, il y avait toujours un musicien à remplacer, un costume à changer, enregistrer un disque tous les six mois, nous vivions dans un tourbillon de folie mais c’était malgré tout une époque chouette, excitante. Tu le sais, avec Claude ce n’était pas toujours facile, il pouvait être très désagréable, très jaloux. Mais j’étais à bonne école au niveau exigence.
C’était plus calme avec Gainsbourg ?
C’était, disons, une autre façon de vivre. Ce qui a été formidable avec lui c’est d’enregistrer en Amérique avec les plus grands musiciens. C’était plein d’énergie, plus affirmé, ça me sortait de la musique de variétés pure et je trouvais des musiciens qui rejoignaient vraiment la musique que je voulais faire. C’était d’une efficacité redoutable. Très rock’n’roll !
D’ailleurs, le premier album que nous avons fait s’intitulait « Rock’rose ». Il n’a hélas pas marché et après ça, Serge s’est fait tirer l’oreille pour retravaille avec moi. Il s’est contenté de m’écrire des textes… Et c’est alors qu’est arrivé le succès de « Manureva ». Du coup on a retravaillé ensemble.
Aujourd’hui, où en es-tu de tes projets ?
On reprend pied après le Covid… enfin, on l’espère. Il y aura donc cette tournée symphonique et là, je suis en train d’enregistrer un nouveau disque avec Jacques Duvall, avec qui je travaille depuis 25 ans et Pierre-Dominique Burgaud.
Avec qui tu avais fait « La vie Saint-Laurent ?
Oui, c’était son idée. C’est un ami qui a un parcours original : il était directeur artistique dans la pub jusqu’au jour où il a tout laissé tomber pour écrire des chansons. Ca a entre autre donné la comédie musicale « Soldat Rose » !
Un jour il me montre quelques textes que lui ont inspirée la vie de St Laurent. Au départ, ce n’était pas un projet forcément évident et « rentable ». Mais en deux ou trois chansons qu’il m’a faites lire, j’ai trouvé qu’il avait réussi à raconter sa vie de manière très poétique avec une possibilité de mettre ces textes en chansons.
Connaissais-tu Yves St Laurent ?
Pas du tout, je ne l’ai jamais rencontré, je savais bien sûr qui il était mais ça ne me passionnait pas plus que ça. J’ai donc lu des biographies et je me suis rendu compte de ce vrai destin exceptionnel. C’était un personnage emblématique du dernier siècle, de l’après-guerre, qui avait vécu à la même époque que moi, en parallèle, dans des sphères différentes et qu’on aurait pu se croiser. Mais ça ne s’est pas fait.
Je me suis alors rendu compte que son histoire était presque du domaine du roman, son enfance, sa trajectoire, son destin tragique malgré les apparences… Un vrai personnage de roman. Nous l’avons alors traité de la manière qui nous semblait la plus proche de l’idée qu’on s’en faisait ».
Revoilà donc Alain dans « le circuit après covid » comme beaucoup d’artistes, en espérant que « ce mal qui répand la terreur » ne viendra pas, une fois de plus, tout chambouler.
Et que nous nous retrouverons à Sanary pour fêter nos 50 ans d’amitié !
Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Christian Servandier