Il était une fois…
Le nouveau film de Clovis Cornillac, scénariste, réalisateur et comédien, pourrait débuter comme un conte de fée.
Pierre (Clovis Cornillac) à 40 ans, ne vit que pour ses hibiscus, ses abeilles et son miel. Garçon solitaire, sinon autiste, du moins naïf, candide, intelligent Il vit avec ses parents, il n’est jamais sorti de son paradis, n’a jamais connu que cette vie heureuse. Jusqu’au jour où ses parents sont écrasés par un arbre. En dehors de sa peine, il apprend qu’il a été adopté.
Il va partir à la recherche de ses origines, n’ayant aucun nom, aucun papier découvrant Lyon une ville qui est loin de son paradis.
Heureusement, il va rencontrer Anna (Alice Paul) fille paumée, ex alcoolique sortant d’une cure de désintoxication qui l’a privée de sa fille, qui recherche désespérément à trouver du boulot, un toit pour pouvoir récupérer sa fille.
Clovis, gentil et innocent lui propose de venir habiter avec lui sans arrière pensée (Il n’a jamais connu de fille) et elle lui propose de partir avec lui sur les traces de ses vrais parents.
Le chemin est bourré d’espoir, de déceptions et à chacune d’elle, Pierre se décolore… Jusqu’au jour où…
Clovis Cornillac signe là un film inattendu, original, entre conte pour enfants sans l’être vraiment et une espèce de road movie plein d’humour, d’amour, de tendresse auquel on se laisse prendre, charmer, dans des paysages merveilleusement filmés du vieux Lyon et d’un jardin qu’aurait aimé Charles Trenet. Mais c’est un autre chanteur qui chante le générique du film au titre éponyme, « C’est magnifique » : Dario Moreno !
C’est un peu aussi une histoire de famille puisque Clovis s’est entouré de sa femme, Lilou Fogli qui joue et cosigne le scénario, sa mère Myriam Boyer et son père Roger Cornillac qu’il emploie pour la première fois et Alice Paul que l’on retrouve souvent dans ses films.
En fait c’est une belle fable, loin des polars, des films d’action dans laquelle nous entraîne Clovis, avec ce personnage attachant, que l’on retrouve avec plaisir pour parler de cet OVNI. Film dont il nous avait parlé lors de notre dernière rencontre aux Six N’Etoile de Six-Fours dont une salle qui porte son nom , où il était venu présenter « Si on chantait ».
Mais pris par la promo (Toulon – Draguignan – Nice le même jour !), Six-Fours n’a pu être au programme.
« Clovis, ce joli film est un peu une histoire de famille !
Et ça n’était pas prémédité ! Ce n’est pas parce que mes parents sont comédiens que je les fais jouer. C’est d’ailleurs la première fois. Quant à Lilou, elle est comédienne et liée au projet car nous écrivons ensemble les scénarios… Enfin, je parle et elle écrit ! J’ai trop de respect pour les spectateurs pour imposer ma famille dans mes films. Ça s’est fait petit à petit et j’ai pensé à eux parce que c’était un rôle pour eux et que c’était absurde de ne pas les engager parce que ce sont mes parents. Même moi au départ je n’imaginais pas jouer car je n’écris pas pour moi. J’avais pensé à Stromaé qui, trop pris par son retour, a décliné l’offre, puis à Vincent Lacoste mais il voulait sortir des rôles d’ados qu’on lui a trop fait jouer. Chacun ayant refusé le producteur m’a dit : « Pourquoi pas toi ? ». J’ai réfléchi au fait que, si l’on m’avait proposé ce rôle, aurais-je eu envie de le faire ? Et j’ai dit oui. Quant à Alice, c’est une comédienne qui a un talent fou, qui est lumineuse et j’ai pensé que ce rôle de fille cabossée Tu filmes un Lyon presque irréel et surtout intemporel…
C’est ma ville, je l’aime et je voulais justement qu’elle ne soit pas datée et surtout que Pierre, qui n’est jamais sorti de sa campagne, la découvre avec bienveillance, malgré la violence qu’il peut y rencontrer et tout ce qu’il ne connait pas de la vie et de son modernisme. Je voulais donc la filmer au mieux, avec une certaine intemporalité.
Avec ce film qui as-tu voulu toucher… Les enfants ? Les adultes ?
Ça m’est difficile de définir ce film car c’est avant tout un film sur la bienveillance dont nous avons beaucoup besoin en ce moment. C’est aussi un film plein de fantaisie avec quelque chose de fantastique. Il pourrait faire références à des films comme « Amélie Poulain », « Zelig », les films de Jacques Tati ou « Tim Burton »… Comment appeler ce genre de films ? Et pour qui ont-ils été écrits ?
C’est en fait un conte philosophique qui génère beaucoup de choses avec l’envie de réunir des gens dans une salle. C’est un film pour les grands qui retrouvent leur enfance… et leurs enfants, même si ce n’est pas vraiment un film spécialement pour les enfants, mais qu’on peut voir en famille. Et ça parle de beaucoup de choses. C’est un film inter-générations, un film de partage, qui ressemble à tous pour diverses raisons.
Lesquelles ?
Aujourd’hui on ricane de tout, on se méfie de tous et ça diffuse sur la façon d’agir. Il y a de moins en moins de bienveillance, de confiance, de plus en plus de cynisme, même chez les gens intelligents, de moins en moins d’humour et de gentillesse, le mot « gentil » devenant péjoratif, de plus en plus d’égoïsme. Ce film est une autre manière de regarder la vie et de ce qu’elle pourrait être, d’envoyer des signaux positifs. Il faut qu’on retrouve une humanité qu’on perd peu à peu, sinon on disparaîtra.
Ce n’est pas pour rien que j’ai intitulé « C’est magnifique », la seule chanson que Pierre écoute à longueur de journée sur un électrophone.
Justement, la chanson générique « C’est magnifique » est chantée par Dario Moreno. Pourquoi ne pas avoir choisi la version de Luis Mariano ?
Dario Moreno n’est pas un chanteur de notre époque. Je l’ai découvert dans un film de John Berry (qui fut le compagnon de Myriam Boyer ndlr) « Oh que mambo » Il y jouait auprès de Magali Noël, Alberto Sordi, Poiret et Serrault). Je ne le connaissais pas du tout et j’ai été saisi par son talent, sa façon de se mouvoir, son élégance… J’ai donc découvert « C’est magnifique » qu’il chante dans le film, avec beaucoup de fantaisie et de swing, j’ai même acheté le vinyle. Puis j’ai découvert la version de Luis Mariano que j’ai trouvé plus « Cole Porter », plus précieuse. J’ai préféré la version un peu décalée de Dario Moreno.
Vous travaillez donc en équipe avec Lilou Fogli et Tristan Schulmann. Comment cela se passe-t-il ?
Je leur soumets une idée qu’ils aiment ou pas et puis je leur parle beaucoup, je leur dessine l’histoire et eux écrivent. Moi je n’écris pas, je leur soumets mes idées et peu à peu le scénario se construit. C’est un vrai travail d’équipe.
Difficile d’être à trois postes différents ?
Pour moi non car c’est une passion et je ne compte pas mes heures, ma fatigue, je suis totalement dans une bulle je n’ai aucune pression. Je l’ai déjà fait plusieurs fois. Et je ne le fais pas pour me vanter de le faire, j’aime vraiment ça et de plus, je suis entouré de comédiens, de techniciens qui me suivent, me font confiance, croient en moi.
Passer sur un plateau de comédien à réalisateur ça ne te rends pas schizophrène ?
Non car d’abord je suis bien entouré, je connais mes équipes, je travaille elles eux, je sais le film que je veux faire et eux aussi. Du coup on gagne du temps. C’est une belle aventure humaine, c’est hyper gratifiant. Je connais les deux côtés de la caméra, je sais « lire » les comédiens et je vois très vite si quelque chose ne va pas. C’est l’intérêt d’être comédien. Je les ressens, je les regarde, je les aime. Pareil pour les techniciens.
Es-tu ouvert à d’éventuelles propositions de leur part ?
Toujours et même s’ils ont une idée, on la tourne afin qu’ils s’en débarrassent et après on vérifie cette idée. Comme je ne suis pas un génie, je bosse deux fois plus. Mais je sais tellement ce que je veux faire que je me trompe rarement et que souvent ils en conviennent !
Je suppose que déjà, il y un film en préparation ?
Mieux : mon prochain film sortira le 9 novembre !
Je ne veux pas en dire beaucoup mais ce sera un film historique qui se passe dans les années 1930. Il s’intitule « La couleur de l’incendie et c’est tiré d’un roman de Pierre Lemaître ».
Ajoutons qu’il offre un magnifique rôle à sa mère, Myriam Boyer, qui est lumineuse et belle et qu’il s’offre et nousoffre un personnage attachant plein de poésie, que vous pourrez découvrir le 1er juin sur les écrans.
Propos recueillis par Jacques Brachet