Daniel GONZALES : « Les feux du printemps » (Ed de Borée)
Giuanin est Piémontais. Comme beaucoup d’Italiens, la guerre et la politique, la pauvreté et le manque de travail, l’ont obligé à courir les routes vers la France d’où il revient après avoir fait plein de petits boulots dont le dur travail des chantiers à la Seyne. Mais il ne revient pas seul : Ercole, un autre Italien rencontré dans son périple l’accompagne. Homme rustre et ambigu, qui ne dit jamais un mot et dont on ne sait rien, est devenu son ami. Du moins le croit-il parce qu’il lui a rendu quelques menus services. Il s’est mis dans l’idée de lui faire épouser sa sœur Célia qui, devant frère, père et mère ligués contre elle, est obligée de céder alors qu’elle aime ailleurs.
Et la voilà partie sur les routes avec les deux amis devenus beaux-frères. Elle se retrouve seule à Toulon, sans amis, ne parlant pas le Français, avec un homme qui boit, qui court les filles et qui la bat alors que son frère est reparti travailler aux chantiers.
Seule et désespérée, elle trouve une alliée en Isotta, sa petite voisine, gaie, pétillante, qui la soutiendra dans ses malheurs. Arrivera-t-elle à se sortir de cette histoire qu’elle croit sans issue dans un pays où tout lui est étranger ?
C’est une belle histoire d’amitié et un beau portrait de femme que nous offre ici Daniel Gonzalès, ce bel écrivain seynois qui est enraciné dans sa terre et sa mer provençales et, s’il nous dépeint ce portrait touchant de cette italienne, il dépeint par la même occasion ses paysages varois qu’on sent qu’il aime profondément. De plus, il nous raconte cette histoire imbriquée dans l’Histoire et l’on apprend plein de choses sur la vie de cette région d’après-guerre mais aussi sur ce Piémont où la famine était telle que les femmes vendaient leurs cheveux pour quelques sous et les hommes partaient vers ce qu’ils croyaient être l’Eldorado : la France.
Bien évidemment, ce beau roman ne peut que toucher les gens de la région mais aussi les autres car cette femme déracinée et battue c’est l’histoire universelle de nombre de femmes et même aujourd’hui elle n’est que de trop d’actualité, hélas. C’est aussi l’histoire universelle de tous ces peuples désespérés qui partent sur les routes en espérant trouver une terre promise et qui, souvent, ne trouvent que rejet, humiliations et haine.
Un très beau roman que nous offre, une fois de plus, Daniel Gonzalès, tout en nuances, en émotion, en sobriété, sous le soleil du Midi qui, qui, sous ses aspects riants, est souvent dur aux miséreux et aux étrangers.
Arlette AGUILLON : « L’assassin est à la plage » (Ed archipel)
Arlette Aguillon est l’une des plus belles plumes de notre région.
Elle nous a entre autre offert de superbes romans historiques, de grandes épopées, l’histoire dans l’Histoire de notre région et, chose rarement faite et peut-être unique, elle a sorti simultanément « Vincent, gentilhomme galant », une saga en cinq volumes sur lesquels elle a travaillé des années.
Son inspiration, elle la prend sous ses oliviers centenaires de Néoules, un lieu on ne peut plus zen alors que ce n’est pas le cas de ses fresques chevaleresques, souvent violentes mais aussi teintées d’érotisme, choses peu courantes chez « une auteure » !
Voilà qu’aujourd’hui elle nous propose un polar tout à fait contemporain et très méditerranéen puisque l’histoire se situe entre Toulon et St Cyr.
Comment définir ce roman qui ne manque ni de personnages, ni de coups de théâtre, ni d’humour ? Car ce sont deux histoires, deux narrations parallèles qui tournent autour de cinq meurtres dont on retrouve les cadavres sur les ronds-points environnants. Un tueur en série opère en plein jour, à la barbe de tous, sans que ces meurtres semblent avoir des accointances.
Voilà notre jeune journaliste, Maxime, qui, tel Rouletabille, va mener son enquête de concert avec la police, encadrée de Madeleine, propriétaire du journal « Le réveil » aux 80 ans bien sonnés et Jasmine, photographe en herbe de 14ans qu’il entraîne dans ses reportages. A noter que toutes deux sont amoureuses de lui et lui… on n’en dira pas plus !
Ces deux narrations sont quelquefois difficiles à suivre tant il y a de personnages qui tournent autour de cette affaire, ces histoires qui se croisent et s’entrecroisent, mais on ne lâche pas le roman tant on veut savoir qui est ce tueur en série !!!
Autre petite critique : est-ce qu’Arlette avait besoin d’émailler ses dialogues de tant de mots grossiers qui alourdissent la narration. Est-ce pour faire « d’jeun » ? Etait-ce vraiment nécessaire ?
Au demeurant, son écriture fluide et énergique fait merveille dans ce polar cocasse, original et bien provençal, avec des personnages bien campés et attachants.
Un excellent livre d’été.
Jacques Brachet