Macha la belle.
Macha l’impériale.
Macha la fantasque.
Depuis «Les années nouvelle vague», Macha Méril nous subjugue, nous charme, nous fait rire ou pleurer. Sa voix-musique, son visage de madone slave, sa grâce hiératique, son élégance et son talent font mouche au théâtre comme au cinéma ou à la télévision.
«Sorcière». Voici un titre qui lui va bien, titre tiré de textes de Marguerite Duras, l’une des plus brillantes romancières du XXème siècle, qu’elle défend seule en scène, avec l’aide de Stéphan Druet et de Michel Legrand dont elle fut l’épouse, qui sertit ces mots ciselés de sa musique somptueuse.
Au demeurant, on ne peut imaginer deux femmes, deux artistes plus dissemblables et pourtant, les mots de l’une dits par l’autre, sont en totale osmose… Elles se connaissaient.
C’est un spectacle à la fois original et surprenant.
Une femme parle, quelquefois dans la souffrance, quelquefois exaltée ou ironique et passe d’un sujet à l’autre comme l’enfant mort, l’algérien sans papier à qui on enlève son maigre gagne-pain, les sorcières, premières femmes qui veulent être libres mais sont brûlées, la femme qui fait les bébés, les élève, les change, les mène à l’école, entre deux lessives, trois courses et la cuisine mais qui «à part ça», ne travaille pas… tout tourne souvent autour de la femme, de l’enfance, de l’amour maternel et puis voilà un texte iconoclaste sur… la mouche ! Qui, à part Marguerite Duras, peut écrire un tel texte et qui, à part Macha Méril, pourrait nous l’envoyer avec un tel humour ?
Avec ces deux femmes, l’on passe du rire au drame dans un décor on ne peut plus dépouillé (2 tapis, une chaise) au milieu duquel évolue Macha avec grâce, entre deux images et la sublime musique de Michel Legrand.
C’est à la fois du théâtre, du cinéma, de la littérature, de la musique et une sacrée performance d’actrice qui, comme une funambule, se déploie sur des textes pas toujours faciles mais qu’elle dit avec une facilité renversante… apparemment du moins.
Macha rayonne et nous subjugue.
C’est avec joie que je retrouve mon amie Macha au Théâtre des Bernardines de Marseille, pour une série de représentations jusqu’au 16 octobre. L’on ne compte plus les années d’amitié mais c’est avec un évident plaisir que je la retrouve, volubile, et passionnée, comme toujours.
«Macha, comment est venue cette idée d’un tel spectacle ?
Après la disparition de Michel, Philippe Terron, directeur du Théâtre de Poche, m’a proposé de monter un spectacle-hommage autour de son œuvre «Michel for ever». Noud étions en 2019 et nous avons juste eu le temps de le jouer avant le couvre-feu. C’est Stéphan Druet qui en avait fait la mise en scène et j’avais adoré son travail. Du coup, lorsque Phlippe a proposé un spectacle autour des œuvres de Duras, j’ai tout de suite dit oui à condition que ce soit avec Stéphan
L’œuvre de Duras est énorme. Comment en expurger ces textes ?
Tu sais, elle écrivait romans, textes, articles de presse, réflexions et elle gardait tout. Nous avons alors pensé à «La mer écrite» mais nous nous sommes très vite rendu compte que ça n’allait pas. J’ai aimé la phrase de Stéphan : « On est à marée basse» ! Puis nous avons trouvé ce texte bouleversant «L’enfant mort» et tout est parti de là. Stéphan a fait un travail d’orfèvre.
Ca ne doit pas être facile de monter un tel spectacle !
C’est vrai, mais il a eu l’idée de lier les textes avec des images, qu’on a tournées dans les bois, qui s’adaptaient parfaitement et on y a ajouté des musiques de Michel qui viennent s’immiscer entre deux scènes.
Le texte est colossal, tu as d’infimes respirations et tu fonces !
Effectivement et c’est là que je me suis rendu compte que j’étais une grande actrice !!! (me dit-elle en riant).
J’ai horreur des spectacles où, des acteurs derrière une table, lisent un texte. C’est emmerdant au possible. Nous, nous avons fait un vrai spectacle théâtral, visuel, musical, avec des apparitions, des disparitions, je dois me mouvoir dans le noir et être à la seconde près, raccord avec les images, la musique… Je risque à chaque fois de me casser la gueule ! Mais Stéphan a fait un travail magnifique. Désormais c’est décidé : je ne fais plus rien sans lui ! C’est Michel qui nous a réunis».
Stéphan vient nous rejoindre, timide, discret et souriant à ce que dit Macha. Et il approuve !
«Pourquoi le titre «Sorcière» ?
Le spectacle tourne autour des premières femmes qui ont voulu être libres, indépendantes, qui ont bravé les hommes ont été brûlées et c’est un texte de Marguerite Duras qui l’évoque, à la fois symbolique et d’actualité hélas. Marguerite, dans son genre, était une sorcière et je crois que je le suis aussi !
Et il y a la musique de Michel Legrand, indissociable de toi aujourd’hui !
Evidemment, Michel est omniprésent et je trouve que sa musique, à la fois classique et très peu connue, ajoute une puissance évocatrice tangible.
Alors justement, on a déjà beaucoup parlé ensemble de tous tes projets autour de Michel. Où en sont-ils ?
Ça avance, mais avec le Covid, tout a été stoppé ou tout le moins ralenti. Mais, pour marquer le coup, j’ai voulu lancer cette année, le prix Michel Legrand qui s’est fait hélas sans public. J’y ai convié dans le jury des amis, Jacques Perrin, Mathilda May, Jean-Claude Petit, Stéphane Lerouge et nous avons remis le prix à Gabriel Yared. Ça a été en fait l’année zéro. Le festival aura lieu l’an prochain dans le château de Michel dans le Loiret, autour de la fondation Michel Legrand afin d’aider les jeunes musiciens. Il s’y passera beaucoup de choses autour de la musique et de sa musique. Il y a de telles possibilités ! Avec sa maison de disques, nous allons éditer ses œuvres classiques, j’ai retrouvé deux comédies musicales que je vais tenter de monter, il y a plein de chansons que je vais proposer à des chanteurs… Tu vois, j’ai plein de projets joyeux !
Je tiens à honorer Michel de façon vivante. Je repars donc à la charge et je crois qu’il en serait très heureux.
Propos recueillis par Jacques Brachet
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