J’étais un petit toulonnais de dix ans lorsque le jeudi, jour alors sans écoles, je partais faire le marché avec ma grand-mère, nous descendions le marché du cours Lafayette, vrai marché de Provence chanté en partie par Bécaud (Je dis en partie car il m’avait avoué que c’était un mélange du marché de Toulon où il était né et de Nice où il était parti vivre avec sa famille !). Et l’on se retrouvait invariablement aux halles municipales où mille odeurs nous assaillaient et où chaque commerçant nous accueillait avec cet accent «que l’on garde en naissant du côté de Toulon !».
Et puis j’ai grandi, les halles ont vieilli, les commerçant ont quitté le pont pour aller se ruer sur les grandes surfaces qui étaient alors le nec plus ultra.
Ainsi les halles ont fermé, les revendeurs du marché se sont raréfiés, les habitants du centre de Toulon, appelé «la basse ville» comme le rappelait Hubert Falco, maire de la ville, ont émigré, les magasins se sont raréfiés… jusqu’à l’avènement du maire qui a décidé, avec tout son amour pour sa ville, toute sa volonté, toute son énergie et son acharnement de faire revivre sa ville, d’y faire revenir des familles, des jeunes et pour cela, il s’est dépensé sans compter, créant une université, un théâtre national, un cinéma, une médiathèque, un hôtel des Arts, rénovant le Musée, faisant tomber des immeubles vétustes, recréant le jardin public et en en créant un autre, faisant revivre des rues, des places, des lieux de rencontres, une place de la Liberté rénovée… Bref, refaisant de Toulon une ville de laquelle aujourd’hui tout le monde parle, étrangers, médias comme une ville avec son port, qui a retrouvé un art de vivre.
Quelques chiffres : 80.000 mètres de dallages remis à neuf, 100 immeubles détruits afin que Toulon retrouve son soleil, 3.000 logements rénovés, 80 rues et places entièrement réhabilités.
Lors de de son élection à la mairie, il y a déjà vingt ans, il avait défendu ces halles de Toulon fermées et menaçant d’être détruites, alors que le bâtiment style Arts Déco datant de 1929, est une pure merveille.
Il a dû se battre et il aura mis vingt ans pour que revive ce lieu que vont retrouver les vieux toulonnais, que vont découvrir les plus jeunes et les vacanciers toujours plus nombreux.
Et en ce vendredi 10 septembre, il était le plus heureux des maires en inaugurant ce magnifique bâtiment qui a retrouvé sa superbe, ses commerçants et son public.
Il a rappelé que ce lieu se nomme depuis 1956, les Halles Esther Poggio, en hommage à cette héroïne de la Résistance, qui fut une jeune vendeuse des Halles fusillée par les Allemands en 1944 à l’âge de 32 ans.
Des travaux de rénovation commencés en 2019, et ralentis par la crise du Covid, sont nés 1000 mètres carrés de surface, réunissant 25 commerçants de bouche de très haut niveau (Epicerie fine, boulangers, charcutiers, cavistes, poissonniers, pâtissiers, confiseurs, fabricants de pâtes, restaurateurs, traiteurs, rôtisseurs, fromagers régionaux, l’Espagne, l’Italie, le Mexique, sans oublier la Corse, le café Biltoki, Biltoki étant une entreprise du Pays Basque qui a déjà créé ou rouvert six halles en France, Toulon étant la 7ème, inaugurée auprès de son maire par Romain Alaman, cofondateur et directeur général de l’entreprise.
Biltoki signifie en basque «L’endroit qui rassemble» et les halles en sont un bel exemple.
Il aura fallu six millions d’investissement pour adapter le bâtiment aux contraintes actuelles, défi technique assumé brillamment par l’architecte Etienne Peneau et en dehors des commerces installés au rez-de-chaussée, une immense terrasse de 180 mètres carrés installée sur le toit, permet d’avoir une belle vue ensoleillée sur les toits de Toulon et l’on peut à la fois y boire et se sustenter. Lieu idyllique de convivialité.
Un monde fou, fou, fou pour cette inauguration ouverte à tous et l’on se pressait dans les allées pour voir, découvrir, déguster, acheter et boire un coup sur la terrasse. Inauguration dont le ruban a été coupé par Hubert Falco assisté de Liliane Bloch, petite-fille d’Ernest Bloch qui fut adjoint à la mairie de Toulon et à l’initiative des Halles en 1927, et Sabrina Rossi-Amouroux, son arrière-petite-fille.
Inutile de dire que le bâtiment a été pris d’assaut, on avait des difficultés à y naviguer mais ce fut une bousculade joyeuse, bon enfant avec le plaisir de tous de s’y retrouver et de promettre d’en devenir des habitués.
Nous avons enfin retrouvé – pour les moins jeunes dont je fais partie ! –les odeurs, les parfums de notre enfance qui faisaient dire au maire, à l’instar de Proust, que c’était sa petite madeleine. Une madeleine qui va faire revenir les toulonnais sur les lieux de leur enfance, de leur jeunesse et venir les plus jeunes qui n’ont pas connu cette époque.
Souvenirs, souvenirs… Quand tu nous tiens !
Jacques Brachet