La Crau, domaine de la Navarre
Anthony JOUBERT… avé l’accent !

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Notre ami Jérôme Leleu s’exporte de plus en plus et, contre vents, marées et Covid, le voici qu’il continue à nous proposer, avec Fantaisies Prod, des spectacles d’humour où il reçoit des pointures de cet art qui prend de plus en plus de place dans le spectacle vivant, et donne la chance à des talents nouveaux.
Ainsi cet été, à la Crau, exactement au Domaine de la Marseillaise, a-t-il installé ses tréteaux pour un «Festival des p’tits bonheurs», en fait de grands bonheurs et de jolies surprises.
Ainsi, Smaïn, Gérald Dahan, Anthony Joubert, Eric Collado, Benjy Dotti, Jovani se sont-ils retrouvés en pleine canicule mais dans un cadre idyllique entre vignes et piscine et c’est là que j’avais rendez-vous avec Anthony Joubert… que je retrouve à poil (ou presque !) dans la piscine.
Cet arlésien qui a gardé l’accent que l’on garde en naissant du côté du Midi, n’arrête pas de monter depuis son passage dans l’émission «La France a un incroyable talent» et aujourd’hui, comme Rastignac, le voici qui monte sur la capitale.
En attendant, le voici qu’il plonge dans la piscine, revient se sécher, discute avec moi, prend un coup de fil, reçoit la visite de son pote Jovany qui est passé la veille au festival*, fait quelques photos avec Patrick Carpentier… Interview à épisodes qui a duré plus de deux heures à l’ombre d’un soleil écrasant, bouffé par les moustiques !

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Alors l’Arlésien, avant cette émission de télé qui a mis le feu aux poudres, qu’est-ce qui t’a fait devenir humoriste ?
Petit, j’étais d’une timidité maladive. Je passais mon temps à observer les autres, surtout les humoristes dont j’enviais l’aisance. Je m’amusais à imiter Eric Collado, Elie Kakou et je me suis rendu compte que ça faisait rire les gens, que je devenais intéressant. Du coup, je n’ai pas eu besoin de thérapie, je l’ai trouvée et maintenant, je n’ai plus peur de rien !
Humoriste, c’est devenu une vraie passion, je travaille 14 heures par jour, c’est du boulot mais j’aime ça.
Et alors ?
Alors, j’ai commencé à me présenter dans des festivals : 17 festivals, 28 prix… Pas mal non ?
Et puis j’ai eu la chance de rencontrer Eric Collado que j’admirais et c’est lui qui m’a aidé à trouver ma voie… Et surtout ma voix !
J’avais alors 17 ans, il en avait vingt de plus et il m’a conseillé d’adapter mon écriture à mon âge : «Tu ne peux pas jouer un père de famille à 17 ans, ce n’est pas crédible. Adapte tes textes à ton âge.»
Il m’a aidé à les écrire. A partir de là, j’ai décidé de me lancer. Je n’avais rien à perdre. Personne ne me connaissait, si je faisais un bide, personne ne le saurait !
C’est difficile de faire rire ?
C’est comme un matador qui doit driver le taureau et qui doit surprendre le public.
Là, devant le public, tu dois faire rire sinon tu es cuit. Pour ça, il faut foncer, bien écrire et surtout attirer la sympathie du public. Tu livres chaque soir un vrai match. Mais j’aime les défis, j’aime prendre des paris.
Ta rencontre avec Collado, en fait, a été le déclic !
Complètement. Il m’avait vu au Chocolat Théâtre à Marseille et m’a proposé de m’aider en m’écrivant vingt minutes de spectacle.
Il m’avait donné rendez-vous à Toulon, nous sommes arrivés chacun de notre côté, un peu comme Roger Moore et Tony Curtis dans «Amicalement vôtre» ! Il était déjà dans le groupe «Nous c’est nous» avec entre autres Jean Dujardin et Bruno Salomone. Il nous a écrit «Entre père et fils». C’était crédible car il a vingt ans de plus que moi et il est devenu mon père du spectacle !

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Et puis il y a eu «Incroyable talent»
Où j’étais perdu entre danseurs, trapézistes, prestidigitateurs ! Un humoriste au milieu de tout ça, c’était un peu décalé. J’étais dans mon coin quand un type m’a demandé ce que je faisais. J’ai dit : «Je jongle avec des chiens nains». Tout le monde s’est marré, on m’a mis aussitôt un micro, le producteur a aimé ça et même si je n’ai pas gagné, il m’a proposé de co-animer l’émission de l’année d’après avec Jérôme Anthony.
Et tout s’est enchaîné !
Oui et j’ai eu la chance de ne pas avoir à taper aux portes, je n’aurais pas su faire. On m’a proposé beaucoup d’émissions de télé dont «On ne demande qu’en rire» et j’ai monté mes propres spectacles.
Et tu as même fait du cinéma…
J’ai fait… un film, «Vive la France» ! C’est vrai, je reçois des scénarios mais c’est toujours pour jouer un policier ou un facteur avec l’accent qui est fan de l’OM ! Mais là, la demande est venue de Michaël Youn et même si c’était un rôle de policier, ce qui m’a intéressé c’est qu’il était homo !
Et puis il y a eu le web…
Là encore, le hasard : J’entends un parisien qui a fait une chanson sur l’OM. Je trouve ça mauvais et sans humour et je lui réponds sur sa propre chanson. Je la publie et en deux heures j’ai 800.000 vues !
Je n’y croyais pas. Du coup j’ai continué à en faire et aujourd’hui j’en suis à cinquante millions de vues et 500.000 abonnés !!! En plus il y a eu le Covid, le confinement et je m’en suis bien servi.
Tu chantes aussi !
Oui, je fais le chanteur de temps en temps, je reste dans l’humour.

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Avec son pote Jovany et… avec moi et la chemise de son père !

Tu as fait un clip avec Alex Dana ex L5.
Oui, elle est marseillaise, on se connait et elle voulait faire un duo avec moi sur la chanson «Si on devait mourir demain» de Pascal Obispo, qu’il chante avec Natasha St Pier. On a pensé, puisqu’on était en période de confinement, à ce qu’on pouvait faire si tout à coup on devait ressortir. Et ça a donné «Si on devait partir demain». On a tourné le clip à Marseille, à Carry le Rouet et à Cabriès.
En fait, tu es toujours dans le Midi «Arlésien cœur fidèle» !
Je t’avoue qu’ en ce moment je vis plutôt dans le train ou dans ma voiture. Ma voiture est devenue mon épicerie !
Mais c’est vrai que je suis fidèle à Arles. J’ai récupéré la maison de mes parents, tous les deux ont aujourd’hui disparu mais j’y ai tous mes souvenirs d’enfance, c’est la maison de mon père et je l’ai rachetée avec beaucoup de difficultés car j’ai eu des problèmes avec ma sœur qui est en fait la fille de ma mère et pas de mon père.»
Là un petit blanc au souvenir de son père… mais l’humour revient vite alors qu’il me dit : «Tu sais, mon père avait la même chemise que toi. Ça m’a fait un choc lorsque tu es arrivé !»
J’ai failli la lui donner mais comme je n’avais rien d’autre, je l’ai finalement gardée.
Aujourd’hui, notre ami se partage entre spectacles et web car il continue ses petits tournages qui ont un succès fou et il se prépare à affronter la capitale.
«Je suis un micro comédien, je suis en bas de la ligue 2, il va falloir que je m’accroche pour monter en ligue 1 – me dit-il en riant – car Paris ce n’est pas encore gagné, il y a encore beaucoup d’à priori sur les artistes avec accent mais je tiens à le garder… Et je n’ai pas dit mon dernier mot !»

Jacques Brachet
Photos Patrick Carpentier
* On retrouvera Jovany au théâtre Daudet de Six-Fours  le samedi 26 février à 20h30 et 22h et au Centre Culturel Marc Baron de St Mandrier le dimanche 27 février à 17h et 18h30