Six-Fours – Six N’étoiles : Fernando TRUERA
L’Histoire d’un homme remarquable

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Colombie, années 80.
Hector Abad Gomez (Javier Càmara, magnifique) est un médecin colombien.
Ce pourrait être un homme comme les autres s’il ne se dévouait corps et âme pour son prochain, entre autres les habitants de son village, Medellin, qu’il veut sortir de la misère, combattant tout ce que le gouvernement et la mafia leur fait subir de détresse, de misère… Il refuse de se taire au péril de sa vie. C’est de plus, un homme jovial, heureux de vivre avec une famille nombreuse, aimante et soudée, où l’amour et l’humanité sont les maîtres-mots.
Cet homme a réellement existé.
Son fils, Hector Adad Faciolince, lui voue une admiration sans réserve. Au point que, lorsqu’il décèdera, il lui rendra hommage en écrivant un livre qui deviendra un bestseller mondial et aujourd’hui un magnifique film signé du grand réalisateur espagnol Fernando Trueba.
Un film à multiples facettes, d’abord un film choral où il nous fait entrer dans cette famille lumineuse entourant un homme charismatique à la fois bon, fort, idéaliste, au sourire perpétuel à croyant en l’homme avec un optimisme quelquefois un peu naïf.
C’est aussi la photographie de l’histoire d’un pays, d’un peuple marqué par la violence, la pauvreté, les inégalités qu’Hector défendra bec et ongles jusqu’à la fin de sa vie.
Les images sont belles, avec une lumière qui transpire de beauté et de sérénité.

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Lelia Saligari, distributrice de Nour Films, Dominique Gioanni de Rigal, Amnestie International, Fernando Truera, Noémie Dumas, directrice du Six N’étoiles

Rencontrer ce magnifique réalisateur qu’est Fernando Trueba est un véritable plaisir, tant il est ouvert, volubile, simple, avec une belle dose d’humour. C’est grâce à l’association Amnistie International et à Dominique Gioanni de Rigal, qui a choisi ce film pour son festival, que nous avons eu la chance de le voir venir présenter son film au Six N’Etoiles.
«J’avoue – nous dit-elle – que je ne connaissais pas Fernando. Son film nous a été adressé par le distributeur de Nour Films et il nous a beaucoup touchés pour de multiples raisons, par l’histoire, le héros et parce qu’il entre dans le droit fil des idées que nous défendons, la Colombie étant un pays de violations majeures et nous sommes là pour défendre les droits humains».
Et Fernando d’ajouter qu’il est heureux que la France, qui pour lui est le pays du cinéma, l’ait accueilli avec autant de chaleur.

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«Fernando, il semble qu’au départ vous ayez refusé de faire ce film ?
Oui, il vous semble bien – dit-il en riant – car j’ai découvert ce livre en 2007 et j’avoue qu’il m’a terriblement touché, ému aux larmes et c’est un livre que j’ai offert à toute ma famille, à tous mes proches amis car c’est un livre qu’on offre aux vrais amis, aux gens qu’on aime. Ce n’est pas un cadeau anodin. Mais je n’avais alors pas la moindre idée d’en faire un film.
Quelques années plus tard, je suis approché par l’auteur et le producteur qui me proposent d’écrire le scénario et la réalisation du film. J’avoue avoir été flatté mais j’ai refusé…
Pourquoi ?
D’abord, parce que l’histoire se déroule sur vingt-cinq ans et qu’il est difficile de concentrer une telle période en une heure et demi. Et puis, cette histoire est tellement intime que je me voyais mal me l’approprier. De plus, il n’était pas question que j’en fasse un biopic, j’ai horreur de ce genre de cinéma. J’ai donc refusé.
Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
Tous les deux sont revenus à la charge et le producteur m’a dit de prendre le temps de relire le livre avant de dire non. Je l’avais déjà lu plusieurs fois, je l’ai relu pour lui faire plaisir… ce qui ne m’a pas fait changer d’avis !
Malgré tout, j’ai commencé à y penser. Je ne me voyais pas réaliser un film politique mais plutôt une grande histoire d’amour entre cet homme et sa famille et entre un père et son fils. Et la douleur de ce fils face à la perte de son père. Et puis…. (Silence)
Et puis ?
Je me suis dit qu’on faisait tellement de films sur des types méprisables, car les méchants ça fascine toujours. J’avais là l’opportunité de faire un film sur un homme décent.

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Javier Càmara et sa famille cinématographique – Nicolas Reyer qui joue le fils jeune et Juan Pablo Urrega qui joue le fils adolescent

Qu’appelez-vous décent ?
Un homme qui est à la fois conservateur, autoritaire mais aussi tendre et gai, rêveur et idéaliste. Un homme à la fois courageux, complexe, solaire, qui vit pour les autres, pour sa famille. Chez lui, je me sentais chez moi.
Ce n’est pas un héros mais un homme qui fait de belles choses dans sa vie. Son histoire d’amour est formidable, entre une femme chrétienne et un homme athée qui se complètent et fusionnent totalement…
Est-ce que son fils à voulu un droit de regard sur le scénario, sur le tournage, sur le casting ?
Rien de tout cela car il est d’une telle élégance !
Il était très désireux de voir se réaliser ce film mais il n’a voulu se mêler à rien. Le scénario, il l’a lu une fois fini et n’y a rien changé. Quant au tournage, pour ne pas y venir, il est parti en Italie. Le rêve pour un réalisateur !
A noter qu’il est journaliste, romancier et a traduit nombre d’auteurs italiens.
Le choix de Javier Càmara, qui incarne le père ?
C’était le comédien prédestiné ! Il avait tourné dans mon film «La reine des neiges» et j’ai aussitôt pensé à lui. J’ai quand même fait un casting mais en définitive, je suis revenu très vite à lui tellement je le voyais dans ce rôle. Je trouve qu’il lui ressemble à tous points de vue. Et quel plaisir de tourner avec lui car c’est tout le temps le cirque ! Tout en étant très professionnel, avec lui c’est la rigolade du matin au soir. Il est toujours joyeux et j’adore ça… même si ça a pu en exaspérer certains !
Mais cette façon de toujours rire et s’amuser correspond exactement à Hector».

 Ce film a reçu le Goya 2021 du meilleur film hispano-américain, sélectionné au festival de Cannes 2020 avec un grand succès, après toutes ces péripéties que le cinéma a traversé, voilà qu’enfin vous pourrez découvrir ce magnifique film qui sort le 9 juin.
Ce sera certainement l’un des films-phares de cette «rentée» cinématographique estivale !

Jacques Brachet