Line RENAUD en toute confidence

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C’est vrai qu’en ce moment, j’ai tendance à parler de mes «vieux amis» du spectacle… Je les ai connus lorsque j’avais 20/25 ans, ils en avaient déjà vingt de plus, ce qui ne m’a pas empêché de les connaître, de les aimer… de les voir disparaître à des âges canoniques comme Juliette Gréco ou Annie Cordy ou de les voir encore comme Jean-Louis Trintignant, Marcel Amont et, la plus fringante de tous : Line Renaud.
Line a toujours fait partie de mon paysage musical puisque, tout jeune, ma mère l’adorait et j’écoutais avec elle «Les enchaînés», «Que sera sera», qu’elle avait créés en français et quelques autres succès comme «Mister Banjo», «Ma p’tite folie»… Je me suviens encore d’un 25 cm qu’on écoutait en boucle : «Line Renaud au Moulin Rouge». Ça ne date pas d’hier !
Et puis, en dehors des revues qu’elle jouait à Paris, dans les années 60, elle n’a plus beaucoup fait de disques de variétés et il y a eu la grande aventure américaine.
De ce fait, étant devenu journaliste, je ne la rencontrais qu’en 1982, où elle avait décidé d’être comédienne, de reprendre le rôle créé par Jacqueline Maillan «Folle Amanda», de partir en tournée avec elle… Et de s’arrêter à l’Opéra de Toulon.
Fougue, énergie, glamour… Elle y était extraordinaire et sa reconversion le fut tout autant, lui ouvrant les portes des théâtres, du cinéma, de la télévision.
Je la rencontrai enfin et entre nous, le courant passa. Je réalisais avec elle, ce soir-là, une grande interview, très vite transformée en une conversation amicale et à la fin, elle me donna ses coordonnées pour que je lui envoie l’article.

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Même si le temps l’a abîmée, cette photo me tient à cœur car c’est notre première rencontre à l’Opéra de Toulon. Le début d’une longue amitié. Et puis, Ramatuelle, où elle reçoit les ovations… et les coussins de Ramatuelle !

C’est ainsi que commencèrent nos échanges épistolaires, téléphoniques et nos rencontres sur une scène ou sur un tournage sur lequel elle m’invitait. Très vite le «tu» est arrivé spontanément entre nous. Et ça dure depuis presque 40 ans !
J’ai gardé tous ses courriers, toutes les photos de ses chiens qu’elle m’envoyait et continue de m’envoyer, et je ne compte plus le nombre d’interviewes que je lui ai consacrées à chacun des événements de sa vie. Et Dieu sait s’il y en a eu, s’il y en a, s’il y en aura encore… Car, comme Annie Cordy, elle est une boulimique de travail, elle a toujours de multiples projets, sans quoi d’ailleurs, elle se sent perdue.
Je me souviens lui avoir un jour demandé : «Mais qu’est-ce qui fait courir Line ?». Et la réponse fut :
«C’est à la fois dans ma nature et, Dieu merci, après quelques petits ennuis de santé, je suis en peine forme. Faire ce que je fais, c’est une passion et en plus, j’ai la chance d’avoir un public fidèle et aimant. Je l’adore et il me le rend bien.
Alors… rien que pour ça, je continue !»
C’est aussi parce que, malgré un nombre d’amis qui l’entourent comme Muriel Robin, Claude Chirac, notre ami commun David  Lelait-Helo avec qui elle écrit «Mes années Las Vegas», depuis la disparition de son Loulou et de sa maman, elle comble le vide en étant tout le temps sur la brèche… Increvable, Line !

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C’est d’ailleurs ce qu’elle nous raconte entre autres choses, dans son ultime livre «En toute confidence», paru chez Denoël.
C’est en quelque sorte, le second tome de ses souvenirs, après «Et mes secrets aussi». Mais vu la longue vie d’une carrière exceptionnelle, je suppose qu’elle pourrait nous en offrir au moins un troisième tome !
Celui-ci a été écrit avec le réalisateur Bernard Stora avec qui elle a tourné plusieurs fois (Sixième classique, Suzie Berton, Isabelle disparue, la douce empoisonneuse), avec qui elle a déjà écrit «Et mes secrets aussi» et «Une drôle d’histoire» et qui a créé des liens amicaux avec lui.
Ce livre est un hymne à l’amour, à l’amitié, à la tendresse… A la vie.
Cette vie qu’elle partage avec le public ; un public qui, de décennie en décennie, lui est resté fidèle, s’est augmenté de génération en génération car à chacune d’elles, un public jeune est venu se joindre au public des débuts. «Je suis fan de mes fans» écrit-elle.
Tant d’artistes, en prenant de l’âge, ont été oubliés, n’ont pas su se renouveler, ont voulu rester jeunes à tout prix. Line, elle, traverse le temps avec la jeunesse du cœur et possède un coefficient d’amour incroyable.
Et ce n’est pas simplement pour son immense talent de chanteuse et de comédienne mais c’est qu’elle a su rester simple, humble, ouverte aux autres, abordable. Line ne joue pas : elle est.
Lorsque, depuis des années, elle se bat contre le Sida, c’est avec toute sa force, toute son énergie, tout son courage alors qu’au début de son virus, il n’était pas bien venu de s’occuper de ces «pédés qui l’avaient bien cherché». Mais elle a foncé et a emmené avec elle, les artistes, les politiques, elle a fait de ce virus sa préoccupation majeure et continue contre vents et marées à poursuivre ce combat, soutenue par l’amour et la reconnaissance de toutes les générations confondues. Et de tous les sexes aussi, car le Sida n’est pas qu’une affaire d’hommes… Oh !

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Elle revient sur ses années américaines, dans ce pays où peu de français ont réussi à s’imposer, côtoyant les plus grandes stars, de Sinatra à Presley, d’Elton John à Quincy Jones, de Liz Taylor à Grégory Peck et puis elle nous parle de son filleul, Johnny Hallyday dont elle déclare avec peine qu’il aurait été dans l’ordre des choses, qu’elle parte avant lui, de ses deux «filles de cœur» Muriel Robin et Claude Chirac, mais aussi de Dany Boon, son ch’ti préféré, de Jean-Claude Brialy dont elle fut la dernière partenaire,, de Dominique Besnhérard qui l’a guidée dans sa nouvelle carrière de comédienne, de Dalida qui était son amie et qui fut la première à se joindre à elle contre le Sida…
Mille anecdotes, mille portraits de gens qui l’ont aimée, qui l’aiment et qui l’aimeront.
Enfin, elle dévoile cet AVC qui, durant des mois, l’a tenue dans l’ombre d’un hôpital sous le nom de Mme Fleur, qui a failli lui coûter la vie mais qui, comme chaque épreuve dont sa vie est aussi pavée (car il n’y a pas que les étoiles et les paillettes !), avec une incroyable énergie, une force de tous les instants, un optimisme né, elle en est venue à bout en silence, hormis avec quelques intimes, sa garde rapprochée, entre autres ses deux filles de cœur, qui ont été là au jour le jour pour la soutenir.
Ce livre est à la fois bouleversant et drôle car Line ne se départit jamais de cet humour que j’aime chez elle, et elle a l’habitude d’appeler un chat un chat.
Bien sûr, il est toujours question de sa maman et de son Loulou, car ils vivent toujours dans son souvenir et d’ailleurs, elle reconnait les signes que lui envoie Loulou lorsqu’elle a une décision à prendre.

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Des trophées, des prix, des médailles, elle en a reçu des tonnes, le dernier prix en date, qui a fait beaucoup rire Muriel Robin, c’est l’an dernier, lorsqu’elle obtint le prix de la femme la plus optimiste de France !
A propos de la France, de de Gaulle à Macron, elle a connu tous les présidents avec des fortunes diverses car elle ne s’est pas entendue avec tous les dirigeants de France, hormis son grand ami Jacques Chirac et le dernier en date, Emmanuel Macron et sa femme Brigitte qu’elle aime et admire.
Peut-être, nous confie-t-elle à la fin de ce pavé de 455 pages, en connaîtra-t-elle un dernier avant de disparaître, en espérant que Macron soit réélu… Ça nous mènera en… 2027, elle aura 99 ans !
Aujourd’hui, en conclusions, elle nous dit d’abord qu’elle tourne pour le cinéma et la télévision (quand je vous dis qu’elle est increvable !), elle a mis ses affaires en ordre a créé un fonds de dotation Line Renaud-Loulou Gasté dont Muriel et Claude prendront la suite lorsqu’il sera temps.

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«A partir de maintenant, tout ce qui m’arrivera sera à ranger dans le chapitre «bonus» nous dit-elle en conclusion de ce beau livre à la fois nostalgique, plein de joie et de sérénité.

Jacques Brachet