Il nous vient de Bourgogne mais il faut le suivre à la trace… Si, durant dix ans, il a porté haut sa cuisine de chef au Five Seas Hôtel de Cannes, il a aussi sévi dans la Maison Lameloise à Chagny en Bourgogne, puis est allé chercher ses étoiles en Asie, en Indonésie, à Singapour, dans le Maghreb, en Russie, dans la jungle de Bornéo avec l’Ambassade de France, Bornéo qui – m’avoue-t-il – était un rêve de gosse mais qui l’a quelque peu désappointé vu la pauvreté et l’état de la planète.
Il n’a qu’une trentaine d’année mais depuis quinze ans il est baigné dans la gastronomie.
Un long périple pour se retrouver… à Toulon !
Drôle de mec à la barbe rougeoyante, au sourire avenant, au regard plein de malice, très accueillant et ne mâchant pas ses mots.
D’abord, Arnaud, pourquoi la cuisine et pourquoi devenir chef ?
C’est grâce à mon frère qui était sommelier, que je voyais côtoyer un monde qui m’attirait et puis, parce que, dès 15 ans, j’aimais la cuisine… et les voyages ! J’ai donc allié les deux pour connaître d’autres horizons, des coutumes, des cuisines différentes.
Et comment se retrouve-t-on à Toulon ?
Tout simplement parce que je voulais faire une pause, que je suis venu voir mon ami François Veillon, directeur de ce beau lieu de culture qu’est le Télégraphe, avec qui nous partageons les mêmes valeurs et… qu’il m’a proposé d’y rester.
Et alors ?
Alors j’ai trouvé là un lieu de partage, ouvert d’esprit et j’avoue que je suis tombé amoureux de Toulon. Je trouve que c’est une ville très rock, où j’ai retrouvé mes valeurs humaines et culturelles. Je lui trouve un côté un peu londonien. Ça me change du côté lisse et coincé de Cannes !
J’adore le cœur de Toulon, il est vivant, débordant d’énergie, plein d’humanité. C’est une ville très populaire dans le bon sens du terme… Et je m’y sens bien !
Revenons donc à la cuisine… Après avoir travaillé dans des lieux étoilés, tu as dû t’adapter à quelque chose de très différent !
Déjà je m’y sens plus «moi»… Quand tu vois ma dégaine, tu peux imaginer que je me sens plus à ma place ! A cannes, je dénotais un peu… Ce qui n’était pas pour me déplaire – dit-il avec un œil qui frise – Ici, je suis dans mon élément, un lieu chaleureux, et je n’ai pas eu de peine à m’adapter.
Au niveau de ce que tu proposes…
J’ai d’abord une carte très courte. Je ne propose pas dix plats différents, parce que je tiens à offrir des produis frais, bio, de saison. Je travaille avec les artisans de la région, il n’y a rien d’industriel. Mes plats sont donc peu nombreux mais de qualité. Je ne me vois pas, par exemple, travailler des moules de Bretagne alors qu’il y en de grande qualité a Tamaris à côté de chez nous ; ou préparer des carottes sous plastique alors qu’il y a le potager de Gaia à Evenos. Il y a une multitude de produits magnifiques et en plus, il y a ce rapport humain avec les producteurs, ce qui est très important pour moi ainsi que de rester le plus écologique possible.
As-tu des spécialités à proposer ?
Ma devise est : «Être dans l’assiette au bon moment». Je ne m’empêche rien à condition que ce soit local, de qualité et de saison. Je préfère dire à un client «Y a pas» parce que ce jour-là le paysan n’a pas pu assez me fournir et offrir le bonheur de manger des produits sains.
Carnivore, végétalien, végane… Où te situes-tu ?
Partout ! Je suis végétarien mais je conçois qu’on aime la viande, le poisson ou tout autre aliment.
Je ne veux pas entendre ici un client me préciser : je suis végétarien. Il a le droit d’être ce qu’il veut et n’a pas à me le préciser. Il choisit ce qu’il veut manger. Je veux que tout le monde y trouve son compte, sans devoir se justifier.
Je pense à l’avenir et je trouve que chacun d’entre nous a ses responsabilités. Il n’y a pas que le gouvernement qui en a et il fait quelquefois des choses aberrantes. On retire du marché des pailles en plastique pour ne plus les jeter… et on fait des masques jetables qu’on trouve partout ! On marche quelquefois sur la tête et c’est pour cela que nous devons tous nous battre avec nos moyens et à l’échelle locale.
Quel a été l’accueil à ton arrivée ?
Très bien… presque trop bien car j’ai été très vite submergé et qu’avec les mesures de distanciation il a fallu composer avec. Mais j’ai déjà des habitués. Je suis donc globalement content.
Au-delà de la cuisine, c’est une façon de faire que les clients viennent chercher.
On a plaisir à écouter parler ce chef voyageur et philosophe, si respectueux du bien manger et du bien vivre.
Vous pourrez apprécier son accueil et sa cuisine dans ce lieu devenu aujourd’hui incontournable qu’est le Télégraphe, tous les midis, du mardi au vendredi et les jeudis, vendredis, samedis en soirée.
Jacques Brachet