NOTES de LECTURES

1 3 Författaren Marie Hermansson.

Rachid BENZINE : Dans les yeux du ciel. (Ed du Seuil – 168 pages)
C’est une femme nommée Nour qui parle dans ce livre. Elle vit dans une capitale d’un pays du Maghreb, non cité. Sa mère, belle et pauvre, était une prostituée de garnison qui est morte pendant un énième avortement pratiqué par Nour alors âgée de 12 ans. Orpheline, Nour devra faire le même métier que sa mère. A quarante ans, elle est une pute indépendante, qui travaille ainsi pour assurer l’éducation de sa fille Selma à laquelle elle cache soigneusement son activité. Elle choisit ses clients mais doit satisfaire leurs fantasmes. C’est une femme courageuse, intelligente, priant Dieu.
Nour a tissé une relation très amicale avec Slimane, un poète homosexuel, qui vit lui aussi de la prostitution. Ensemble, ils voient monter la révolte dans le pays et assistent au printemps arabe dont Slimane est un membre actif. Mais les élections amènent au pouvoir les frères musulmans qui imposent un régime pire que le précédent.
L’auteur dénonce dans ce roman quasi politique une société patriarcale, corrompue, impitoyable pour les plus faibles et pratiquant les violences sexuelles sur les femmes. Dans la seconde moitié du livre relatant le printemps arabe, il prône la démocratie, la tolérance, y compris sexuelle, et un islam apaisé. Le sort final des deux personnages donne  un ton  désespéré à cette condamnation de l’idéologie islamiste.
Xabi MOLIA : les jours sauvages (Ed du Seuil – 288 pages)
Roman de circonstance ? Roman de pure fiction ? Certainement généré par la pandémie actuelle et qui fait froid dans le dos.
Une grippe mortelle s’abat sur la planète. C’est le désastre, la fuite éperdue. Nous allons suivre une centaine de personne embarquée sur un ferry pris d’assaut afin de chercher le salut. Pour où ? Nul ne le sait. Lorsque qu’ils échouent sur une île vierge  au milieu de nulle part c’est un monde à rebâtir, à organiser à partir de rien. Deux groupes se forment par affinités, par âges, mais les dissensions s’installent : construire un radeau et partir à l’aventure ? Rester et réinventer une nouvelle société ? Les conflits s’installent. Les groupes s’épient, se combattent. On y retrouve à la fois du « Robinson Crusoé » et du »Paul et Virginie » mais là, le nombre crée le désordre et nous avons du mal à suivre les déambulations des protagonistes embarqués dans l’aventure. Créer une nouvelle société, la tentation est forte mais c’est la confusion et l’échec qui s’ensuivent.
L’idée aurait pu être bonne mais le lecteur se perd vite dans la multitude de personnages et de situations. Dans un style clair et simple l’auteur nous entraîne vers une situation accrocheuse au départ, l’espoir d’un monde nouveau mais l’arrivée est plus complexe, avec une impression de mal fini.
Nous nous sommes un peu perdus en route.
Marie  HERMANSON :  Le pays du crépuscule (Ed  Actes  Sud – 277 pages)
Traduit du suédois par Johanna Chattelard-Schapira

Matina vient de perdre son boulot et son logement. A vingt-deux  ans, sans diplôme, ni réelles perspectives, elle est sur le point de  retourner chez ses parents lorsqu’elle rencontre une ancienne amie du  lycée. Elle lui propose de travailler au service d’une riche retraitée  qui n’a plus toute sa tête et qui est persuadée de vivre dans les  années 1940. Elle convie tous les soirs à des diners imaginaires, tant sur le plan  physique que matériel, les membres d’une  société secrète.
Martina deviendra sa secrétaire personnelle profitant des largesses et  des absences pathologiques de la vieille dame, vivant dans le manoir  décrépi, en pleine campagne. Le stratagème marche jusqu’au jour où le  manoir offre refuge à trois naufragés de la vie qui échafauderont un plan  pour s’assurer l’héritage de la propriétaire.
Le lecteur se laisse porter avec plaisir dans ce thriller  psychologique mais, sur la fin, il a du mal à croire à ce conte  fantastique, à ce huit clos qui démonte nos rapports avec la réalité et  les subterfuges que l’on invente pour l’appréhender.

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Anne PAULY : Avant que j’oublie (Ed Verdier- 132 pages)
Premier roman de cette jeune femme qui obtint le Prix Inter 2020 avec cette grande confession dans laquelle elle vide son cœur. Le décès de son père, sera la dernière page que cette jeune femme tourne en quittant l’hôpital accompagnée de son frère.
Père unijambiste mort d’un cancer, personnage difficile, acteur d’une vie gâchée par l’alcool, les médicaments et les violences qui s’ensuivent. Violence envers leur mère décédée depuis quelques années et qui les laisse seuls elle et son frère pour veiller sur cet homme irascible et perturbé qu’elle n’abandonnera jamais assumant la maladie, la solitude et la mort, entourée de son frère présent/absent et de sa compagne qui l’aide à survivre.
C’est en rangeant, classant, jetant, vidant le logis familial qu’elle découvre l’homme sensible et aimant qu’il a été. Les écrits, l’amie d’enfance retrouvée,  les petites manies lui font découvrir l’homme caché qu’elle commence à comprendre puis à aimer. Ce n’est pas tant sa mort qu’elle regrette mai l’impossibilité à communiquer, à dire son amour qui les a séparés. Maintenant elle comprend, elle peut tourner la page et retrouver la sérénité qu’elle se refusait, elle peut enfin aimer cet improbable père.
Écrit avec beaucoup de passion et de justesse ce roman très intime est un beau premier roman.
Laurent GRAFF : Monsieur Minus (Ed le dilettante – 157 pages)
L’héritier unique de la première fortune de France refuse  catégoriquement le monde des affaires et passe sa vie à marcher sur les  chemins de grandes randonnées. C’est sa façon de vivre et son plaisir.
Seule concession qu’il avait accordée au conseil d’administration: était  de se faire implanter une puce électronique dans le bras au cas où…
Pour la logistique? pas de problème !  Martial, ancien  infirmier militaire qui a purgé une peine de quinze ans derrière les  barreaux,  assure. En plus de soigner délicatement les ampoules de son  maitre, il doit chercher le gîte et le couvert pour chaque étape ce  qu’il fait comme un jeu  entre deux grilles de loto. Les deux compères  parcourent ainsi campagnes, vallons et bords de mer sur plusieurs  centaines de kilomètres allant d’hôtel en maison d’hôte.
Deux ans d’une amitié fraternelle au-delà des rôles tenus.
Jusqu’au jour où Martial entre dans un bar pour cocher quelques grilles  du loto.
Parallèlement le climat de la planète se dérègle, les esprits s’échauffent. Tout bascule.
Avec de sobres mais fort belles descriptions de la natur, bretonne et et bords de mer en particulier, le lecteur,  même s’il n’est pas marcheur, prendra beaucoup de plaisir à ce roman distrayant et agréablement écrit.

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Juliette JOURDAN : Procédure Dublin (Ed Le Dilettante-189 pages)
L’héroïne de ce roman dont on ne connaitra pas le nom est une sexagénaire,retraitée,divorcée qui est devenue bénévole dans une structure d’accueil pour femmes à la rue.
On la découvre se rendant dans un centre de détention dans la banlieue de Rouen pour aller rencontrer une seconde fois Aminata Traoré, une malienne qui a fait l’objet d’un arrêté portant remise d’un demandeur d’asile aux autorités italiennes responsables de l’examen de sa demande d’asile.
C’est la procédure Dublin.
Cette femme, est arrivée par bateau en Sicile depuis la Libye. C’est en Italie que sa demande d’asile doit être examinée. Une obligation de quitter le territoire français lui a été notifiée et elle est en détention en attendant son expulsion.
Ce roman n’est pas qu’une réflexion sur l’accueil réservé aux migrants africains par l’Europe, c’est aussi l’histoire d’une femme qui, à travers le bénévolat provoquant son retour dans les lieux de son enfance et auprès de sa mère, va  revoir son passé et trouver un nouvel élan pour vivre dans notre monde contemporain et les destinées tragiques qu’il engendre.
Patrice TRIGANO : L’amour égorgé (Ed Maurice Nadeau – 236 pages)
Patrice Trigano nous livre le récit romancé de la vie de René Crevel, poète et écrivain surréaliste né en 1900 et mort en 1935, qui a été édité à l’occasion du centenaire du surréalisme, révélé en 1920 par la publication du texte fondateur d’André Breton et Philippe Soupault, « Les Champs magnétiques ».
Ce long ouvrage débute en juin 1914 alors que la mère de René l’appelle pour lui montrer le corps de son père qui vient de se pendre dans le salon. Seul enfant après la mort de son frère suite à une tuberculose non soignée, René est en butte à la violence physique et psychologique de sa mère dont il ne comprend pas la haine envers lui. Il est bon élève et a peu d’amis. L’un d’eux, Marc Allegret lui fait rencontrer André Gide, affranchi de toutes formes de contraintes morales. René se laisse alors aller aux plaisirs de l’alcool, de la drogue et du  sexe. Peu après il découvre le mouvement Dada et les conflits entre Tzara et Breton pour en prendre la direction et assiste à la création du surréalisme par ce dernier.
L’auteur nous présente alors René au cours de ses rencontres avec les différents membres de ces mouvements et pendant leurs rivalités mais aussi avec Aragon, Cocteau, Eluard, Dali, Marie-Laure de Noailles, Giacometti, Buñuel. Il évoque également les problèmes psychologiques que créent sa bisexualité et les douleurs physiques et morales que deux atteintes de tuberculose provoqueront en lui.
Une lecture agréable qui permet de découvrir René Crevel et les milieux intellectuels des années vingt et trente.
Maryline MARTIN : La Goulue (Ed Le Rocher Poche – 230 pages)
Journaliste littéraire, Maryline Martin a entrepris le récit de la vie de Louise Weber,dite « La Goulue » après s’être plongée dans le journal intime de Louise que lui a confié la direction du Moulin Rouge et dans les documents détenus par la Société d’Histoire et d’Archéologie des 9 et 18èmes arrondissements de Paris. Le Vieux Montmartre.
Dès son plus jeune âge, Louise née le 12 juillet 1866 à Clichy de parents alsaciens, a la passion de la danse. Son père l’emmène dans les noces et banquets danser sur les tables le chahut, nom de l’art de lever la jambe et chanter. La guerre de 1870, la mort de son père charpentier en tombant d’un échafaudage l’oblige à travailler comme blanchisseuse et à faire commerce de ses charmes. Lorsqu’elle va danser au Moulin de la Galette, deux hommes la remarquent. Elle va devenir danseuse professionnelle en 1884.C’est le début du succès ,des rencontres avec Toulouse Lautrec, Pierre Renoir  et des Messieurs du « beau monde ».
Louise, à 26 ans, arrête le cabaret et achète une baraque foraine, créant un numéro de danse du ventre. Puis avec un de ses amants, elle sera dompteuse de fauves. Elle cherchera le bonheur dans la maternité puis le mariage, sans résultat et sombrera dans l’alcool, mourant en 1929.
A travers le récit, bien mené, de la vie mouvementée de Louise on s’attache à cette étonnante personne, libre, fantasque, qui connaitra la richesse puis la déchéance et on prend plaisir à mieux connaître cette spécificité de la vie parisienne qu’ont été  le Moulin Rouge et les cabarets  à cette époque.

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Sophie CASSAGNES-BROUQUET : isabelle de France. Reine d’Angleterre (Ed-Perrin  358 pages)
L’intérêt pour l’histoire des femmes est relativement récent en France et n’a guère porté sur les reines. Seules quelque- unes se sont vues consacrer des biographies et Isabelle de France avait peu été étudiée jusqu’ici. Pourtant son parcours est digne des grandes sagas. C’est ce que nous rappelle  Sophie Cassagnes-Brouquier.
Née en 1295, figure emblématique de la saga des « Rois maudits », surnommée La Louve de France elle est le sujet de cette biographie extrêmement riche et détaillée faite par une érudite particulièrement documentée qui évoque cette figure complexe et hors du commun dans une période marquée par les guerres civiles et la violence des hommes.
Reine bafouée, reine conquérante et reine mère toujours écoutée Isabelle de France est un personnage essentiel de l’Europe médiévale dont la vie mérite d’être connue surtout évoquée par une plume aussi pointue
Daniel SANGSUE : A le recherche de Karl kleber (Ed Favre -148 pages)
En  juillet 1997, un professeur de littérature disparait entre son domicile et l’université où il enseigne. Quinze ans plus tard un collègue se penche sur sa disparition après avoir récupéré une vingtaine de cartons chez un libraire d’occasion. A l’époque, les recherches n’ont rien donné.
L’acheteur transformé en enquêteur va se piquer au jeu et tenter de retrouver son parcours : Suicidé car dépressif ? Assassiné ? sa femme avait un amant, lui une maitresse. Ce n’est pas l’enquête qui  va intéresser le collègue mais la connaissance du personnage Karl Kléber à travers ses lectures et nous la faire partager. C’est la littérature et l’art de la découvrir à travers les parcours  du personnage, qui est le véritable thème de ce roman.
Ce roman sympathique et bien documenté est plus destiné à nous faire découvrir la littérature qu’à résoudre une intrigue policière. En fait nous ne sommes guère plus avancé à la fin du roman.
A nous de chercher.
Mary Costello : La capture (Ed le Seuil – 254 pages)
Traduit de l’anglais par Madeleine Nasalik.
Début très romantique que l’existence de ce jeune professeur de lettres amoureux de Joyce auquel il rêve en vain depuis des années de consacrer un livre.
Installé à la campagne  dans la région de Dublin il mène une vie heureuse de gentleman-farmer intellectuel accompagné de sa chère tante Ellen qui influence sa vie en lui révélant des secrets de famille. L’amour arrive aussi sous les traits d’une jeune voisine et tout pourrait devenir idyllique sans l’influence néfaste de ladite tante.
A partir de là le roman bascule vers un questionnement du héros sur tout et sur rien !
Aucune cohésion dans ses dilemmes, ses pensées errent sans fil conducteur, n’amenant ni éclaircissement ni  conclusion et laissant le lecteur décontenancé. Cette méditation nébuleuse n’apporte rien au déroulement du récit sinon d’un personnage égaré au sein de la nature et du cosmos.
D’une belle écriture l’auteur nous promène dans la verdoyante campagne irlandaise mais nous laisse un peu en plan à la croisée des chemins