Marcel AMONT :
85 ans, bon pied, bon oeil, bonne plume, bon humour !

Il est né le 1er avril 1929… Après ça, l’on comprend son esprit facétieux !
Il traverse les décennies comme l’amie Annie Cordy, avec une pêche d’enfer. Les années glissent sur lui, il est toujours beau, svelte, ses cheveux sont blancs depuis si longtemps qu’ils font partie de cette silhouette longiligne qui devient, sur scène, un de ses atouts. D’autant qu’ils saute, danse et virevolte comme lorsqu’on l’a connu voilà…plus de 50 ans !!!
Il fait tellement partie de notre beau paysage de la chanson française que même nos grands parents parlent de lui. Lui, il rigole et à chaque concert il fait un malheur, tout comme lors de la tournée Age Tendre où il était plus jeune que nombre d’autres artistes qui avaient 20 ans de moins que lui. Il faut dire que, si sur scène il ne se ménage pas, il suit un régime draconien,
 condition sine qua non pour continuer cette vie trépidante…

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« Ordre de mon médecin après une petite alerte cardiaque… Mais rassurez-vous, tout va bien ! »
Il est disert, volubile et très heureux de vivre, de chanter, chose qu’il n’a jamais arrêté de faire, même durant « sa traversée du désert », où on ne le voyait plus à la télé, poussé par… ceux avec qui il partagea la vedette sur la fameuse tournée et qui, à leur tour, furent poussés par des petits nouveaux… qu’on retrouve aujourd’hui sur la tournée !!! Il en a beaucoup ri :
« J’ai trouvé ça très amusant que l’on se retrouve tous sur un même programme… C’est un clin d’œil du destin !
Ce qui me fait rire c’est lorsque j’entends des gens dire : « Oh la la… il a pris un sacré coup de vieux, celui-là » ! Mais finalement c’est le principe même de cette tournée : que sont-ils devenus ? comment sont-ils ? faire entendre aux gens les chansons de leur jeunesse. Sans compter que ce qui disent ça ont pris le même coup de vieux que nous !

Mais pourquoi vous ?
Et pourquoi pas moi ? Michel Algay, le créateur du concept m’a proposé ça parce qu’il voulait élargir son spectacle au départ simplement basé sur les années 60. Peu à peu tous ceux qui pouvaient passer l’ont fait. Du coup Annie et moi sommes arrivés, alors qu’on a passé les 80 ans et d’autres comme Herbert Léonard ou Catherine Lara, s’y sont ajoutés alors qu’ils sont arrivés bien après les années 60. Et ça donne un beau panel où plusieurs générations se retrouvent avec leurs 20 ans !

Vous avez commencé quand, exactement ?
Je suis « monté » à Paris en 51. J’avais un peu plus de 20 ans et je me destinais à un métier « honorable », quelque chose comme enseignant . Mais très vite j’ai l’appel du théâtre puis de la musique et à 20 ans on me voyait plus sur les planches du conservatoire que sur les bancs de la fac. J’ai donc décidé de quitter Bordeaux où il ne se passait à cette époque et de tenter Paris. J’ai eu quelques années un peu dures mais j’ai commencé à percer en 56, date de mon premier Olympia, et je suis vraiment devenu une vedette reconnue avec quelques tubes (qu’on appelait alors succès populaires !)… en 60 ! Voyez, on n’en est pas si loin. Et voyez pourquoi ça m’a fait drôle de chanter aux côtés de ceux qui nous ont chassés !
En 60, je n’avais quand même que 30 ans mais avec leur arrivée j’ait fait office de « vieux briscard » ! Tout est relatif !

Et aujourd’hui, vous paraissez l’un des plus jeunes… Comment faites-vous ?
J’ai toujours fait attention à ma santé, à ma façon de vivre, de boire et de manger, à entretenir mon corps. Sans une certaine hygiène de vie, on ne tient pas longtemps dans ce métier et lorsque vous dites cela de moi ou d’Annie, ça prouve qu’il n’y a pas de secret ! Je ne citerai personne mais lorsque je vois comment, sur cette tournée, certains se bâfraient et buvaient, je me dis qu’ils n’arriveront pas à faire ce qu’on fait à notre âge ! Ils n’arriveraient même pas à le faire aujourd’hui !

Justement, que pensez-vous du métier aujourd’hui ?
Il a complètement changé, c’est évident et je doute que nombre de tous ces chanteurs qui fleurissent en ce moment fassent de longues carrières Il y a une grande partie d’entre eux qui sont interchangeables et donc, ceux qui s’en sortiront, sont ceux qui ont une réelle personnalité, un réel talent. Il faut savoir que dans ce métier il n’y a pas de place pour tout le monde et qu’on ne peut pas lancer un chanteur comme un produit ménager, ce qui est aujourd’hui souvent le cas.
J’ai quatre enfants dont le plus jeune a 30 ans. Il veut faire de la musique et, si je ne l’en empêcherai jamais, je lui dis : « Sois sûr de ton coup sinon, tu rejoindras le banc des oubliés ».

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Vous n’avez jamais arrêté ce métier ?
Non, jamais et j’ai eu du bol car, lorsque les contrats se sont mis à se faire rares en France, j’allais chanter en Allemagne, en Italie et beaucoup plus loin car je chante en huit langues. J’ai animé des émissions et fait beaucoup de galas et de disques ailleurs, entre autres en Italie. J’ai beaucoup parcouru la planète. Même aux jours les plus difficiles, j’ai pu résister et subsister avec ce métier. Je n’ai jamais arrêté de vivre de la chansonnette et puis, j’avais un autre violon d’Ingres : écrire. J’ai toujours écrit des chansons, des textes, des livres, même si je ne me considère pas comme un écrivain. Si je n’avais pas chanté j’aurais peut-être pu être écrivain ou journaliste ».
Il aurait pu mais il l’est, écrivain, après avoir écrit six livres il a écrit chez Didier Carpentier : « Il a neigé… ». Une biographie qu’on attendait depuis longtemps !

Vous avez mis du temps à sortir votre autobiographie !
Oh la la… Ça a été un long travail… C’est que je n’ai pas dix ans de carrière, mon bon monsieur !!! J’avais quelque deux mètres cubes de doc à compulser !
Lorsqu’il a été question que je fasse mes papiers pour ma retraite et faire valoir mes droits, ma femme a fait des recherches entre disques, programmes, articles de presse, documents divers… Après, il a fallu tout trier. Bien sûr que je ne raconte pas tout, il faudrait plusieurs volumes mais… il a fallu faire un choix ! Sans compter qu’il n’était nullement question que je raconte mes galipettes car ce n’est pas mon genre, même si je sais que ça plait au public »

Aujourd’hui, il sort encore un livre aux éditions Chiflet et Cie. Un livre fort original tout simplement intitulé « Lettres à des amis ». Comme son nom l’indique, il nous offre, sous forme épistolaire, des bouts de vie partagés avec des artistes comme Serge Lama qui était en tournée avec lui lorsqu’il a eu son terrible accident, Michel Drucker, Pascal Sevran, qui ne l’ont jamais laissé sur le bord du chemin lorsque les télés ne l’invitaient plus, Georges Moustaki avec qui il fit ses débuts, Alain Souchon avec qui il a « souchonné » et qui lui a écrit une chanson,  Brassens, vieux complice qui lui a offert « Le chapeau de Mireille », Jacques Brel qu’il a vu débuter… Evidemment, quelques-uns ont aujourd’hui disparu… Mais ça, c’est l’effet de l’âge car, mon bon monsieur, si le Marcel sautille comme un jeune homme, il n’en a pas moins 80 ans passés et certains de ses amis l’ont quitté. Mais le joyeux drille n’est jamais dans le pathos. Tout dans l’émotion, lorsqu’il s’adresse à ses parents, ses enfants, sa femme, l’amitié, la fraternité. Souvent aussi dans l’humour et le dérisoire comme cette lettre à JFK ou celle, soit-disant écrite à George Sand par un amoureux de la langue française qui – et c’est un euphémisme ! – ne la maîtrise pas.
On pourrait toutes les citer car toutes ont leur originalité, leur clin d’œil, leur style et le Marcel, il a du style et il manie la langue française avec un rare bonheur. C’est un livre qu’on peut prendre, quitter, reprendre et reprendre encore car chaque lettre est une courte nouvelle, un conte, un portrait. on choisit donc de lire ce livre dans la continuité ou en choisissant les personnes à qui il s’adresse. Et on passe un merveilleux moment de littérature.
A noter que Marcel Amont signera son livre à la fête du livre de Nice du 14 au 15 juin.
Mais revenons au bonhomme :

Lorsqu’on vous voit sur scène, on se rend compte de tous les succès que vous avez fait !
Pas tant que ça vous savez. Bon, c’est vrai, j’ai plus de 60 ans de carrière mais peu de grands succès populaires. J’ai sorti mon premier disque à 27 ans et il se trouve que j’ai eu, avec Gainsbourg, le grand prix du disque… sans tube ! le premier « Tout doux, tout doucement » est arrivé après, suivi de quelques-une comme « Bleu, blanc, blond », « Le Mexicain » que m’a écrit Aznavour, « Le chapeau de Mireille » que m’a écrit Brassens, « Dans le cœur de ma blonde », « L’amour ça fait passer le temps »…. Je n’ai jamais fait « la chanson qui tue » mais je me suis toujours plus considéré comme un homme de scène. Lorsque j’ai vu Montand pour la première fois, j’ai été sidéré et je me suis dit : C’est ça que je veux faire »

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Envisagez-vous de faire un nouveau disque ?
Si je continue à écrire des chansons c’est bien dans ce but mais surtout de pouvoir les chanter sur scène car aujourd’hui, qui achète les disques ? les croulants comme moi qui se rabattent sur leur jeunesse… Les jeunes achètent de moins en moins de disques et de plus, il n’iront pas acheter Marcel Amont. Mais mon désir de faire de nouvelles chansons vient du fait que je n’ai pas envie de toujours tourner en rond avec les mêmes succès que je chante depuis des décennies. C’est pour cela que je n’ai pas continué la tournée Age Tendre. Je ne crache pas dans la soupe, je suis très heureux d’avoir fait cette tournée mais j’ai besoin d’une autre nourriture et, sinon de remplir des Zéniths de cinq mille personnes, de remplir une petite salle de mille personnes. D’autant que j’avais un marché avec Michel Algay : si je faisais cette tournée il m’avait promis de produire un vrai spectacle sur scène… Promesse tenue !
Mais je préfère chanter dans un théâtre ou en tournée seul, avec mon répertoire et non finir ma carrière sur un pot-pourri de quelques succès. C’est mon but ultime ».
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Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Christian Servandier