1964.
J’avais 18 ans et partais pour la première fois en tournée d’été avec Michèle Torr, Christophe, Hervé Vilard… Les trois idoles du moment.
Si Michèle et Hervé sont devenus mes amis au fil des années, ça n’a pas été le cas pour Christophe qui était un loup solitaire, malgré «Aline», son immense succès .
Il est vrai que, je l’ai déjà raconté, la tournée n’était pas tous les jours au beau fixe.
Durant des années nous ne nous somme donc plus croisés. Une fois au festival de Cannes dans une émission où Drucker m’avait invité, où je retrouvais mon amie Nicole Croisille, et où Christophe, beau comme un Dieu dragua honteusement ma femme ! Et une fois à Toulon où je l’interviewais pour RTL Toulon à la sortie d’un disque.
Alors, quel plaisir de renouer avec cet artiste hors norme, qui avait gardé une belle simplicité et qui, loin de caméras et autres objectifs, était un être volubile et passionné.
J’avais sollicité une interview lors de son passage au théâtre Galli de Sanary. Interview qui m’avait tout de suite été accordée. Ça nous changeait des tergiversations de nos «idoles» d’aujourd’hui !
La rencontre se ferait après le spectacle.
Ce fut un bien beau spectacle et le retrouver quelques minutes après dans sa loge, nous fait remonter le temps, l’époque des années «Age Tendre» où l’on s’était connu… Lui qui a l’air si sombre, malgré quelques plaisanteries qui détendent l’atmosphère sur scène, le voilà souriant, volubile et parlant de son spectacle comme si l’on s’était quitté hier…
Et pourtant, 50 ans ont passé !
Je le retrouvai, donc très disponible derrière ses lunettes bleues et la conversation fut on ne peut plus cordiale. On se souvenait de cette tournée pas banale qui réunissait trois artistes émergents, lui, Michèle Torr et Hervé Vilard et… en coulisses, une certaine Nicole Grisoni qui servait d’habilleuse à Hervé et deviendrait, peu de temps après… Nicoletta !.
Tout démarrait alors pour nous et l’on était tous sur un pied d’égalité. Il n’y avait entre nous ni producteur, ni attaché de presse, ni agent pour jouer les senseurs, nous interdire les photos, «protéger» les artistes des journalistes. Bien au contraire.
On fait une photo ? OK ! tu veux une interview ? Pourquoi pas ?
C’est vrai que c’était Christophe le plus difficile à convaincre, d’autant qu’il vivait une période plutôt bizarre avec Michèle Torr, qui allait rentrer de tournée enceinte de Romain, qu’il ne reconnut pas. Mais c’étaient leurs affaires et à part les journaux à scandales (déjà), nous n’en parlâmes jamais.
Noud n’en avons d’ailleurs pas parlé ce soir là qui fut notre dernière rencontre.
Il m’accordada un long entretien dont voici un extrait.
Ce qui est formidable, Christophe, c’est qu’aujourd’hui, comme Johnny, tu es devenu un «classique» avec qui tout le monde a envie de collaborer !
C’est très touchant mais je ne pense pas avoir changé. Je suis ma route… Je suis toujours en suspension et je ne me pose pas trop de questions. Moi, je vis de musique, elle me nourrit et c’est le principal. Le reste, je m’en fous…
Tout de même, «Les mots bleus», c’est vraiment une chanson inter-générations !
Bien sûr, je ne suis pas un sauvage comme on le croit, la preuve ! Et ça fait toujours plaisir de savoir qu’on t’aime, qu’on apprécie ce que tu fais. Ça permet d’avancer, d’évoluer…
Sais-tu que la musique des «Mots bleus», je l’ai écrite en dix minutes ! J’adore la version de Bashung, celles aussi de Thierry Amiel et Soan… Et je ne compte pas les versions étrangères !
C’est ton plus gros tube ?
Non, bizarrement c’est «Aline» qui a le plus de versions à travers le monde !
Elle est d’ailleurs ressortie en 79, c’est à dire 15 ans après et l’on en a vendu 1 million 500 mille !
Des regrets, Christophe ?
Non, aucun… si ce n’est celui de ne plus avoir 20 ans !»
Il en avait Aujourd’hui 74 et il nous a quitté à, cause de ce sale virus… Il avait 74 ans.
Adieu l’ami
Jacques Brachet
Photos Christian Servandie