La Compagnie le Bruit des Hommes, qui, depuis plus de 30 ans, fait vivre le théâtre dans l’aire toulonnaise et au delà, propose sa nouvelle création : « Appelez moi George Sand .» Au départ ils voulaient simplement l’intituler « Appelez moi George », mais ce titre aurait été trop ambigu. Spectacle conçu et mis en scène par Yves Borrini avec deux comédiennes, Maryse Courbet et Flore Seydoux, et une harpiste, Elodie Adler
Yves Borrini, pourquoi et comment ce choix ?
On cherchait un projet pour la saison. Le nom de George Sand s’est présenté à nous car elle avait des liens avec Toulon, Tamaris, le Revest, ayant séjourné ou s’étant promené dans ces lieux qu’elle trouvait splendides. Nous nous sommes plongés dans l’œuvre immense, et la vie de George Sand (1804-1876). Nous avons découvert une littérature, belle et très forte. Une personnalité extraordinaire, bonne, intelligente, engagée politiquement. Une femme magnifique. Une féministe exemplaire, avec une vie qui est un vrai roman. Tout le monde connaît, ou du moins a entendu parler de ses amours avec Chopin, Musset, et d’autres. Il y avait là un personnage parfait pour la scène.
De plus dans son « Journal d’un écrivain » Dostoïevski lui consacre 20 pages d’éloges, disant qu’elle tient la première place parmi les écrivains nouveaux. On oubliera les calomnies de Baudelaire et de Barbet d’Aurevilly.
Vous avez repris la formule avec une harpe comme avec « Harpoe, l’étrange Monsieur Edgar Poe » ?
Oui, cela nous permet d’intégrer de la musique, d’autant que Flore Seydoux est non seulement comédienne mais chanteuse lyrique. Nous avons choisi un large éventail d’extraits d’œuvres musicales, Chopin bien sûr, mais aussi Couperin, Debussy, Mozart, Kurt Weil, Séverac, un compositeur du début du XX° siècle, Germaine Taillefer et même un air de la Traviata de Verdi que nous massacrons. (Sourires.)
Comment avez-vous conçu votre montage ?
Je n’ai pas voulu faire une biographie exhaustive, ce qui risquait d’être très ennuyeux. J’ai eu l’idée de progresser par portraits, en puisant dans l’œuvre, dans la biographie et dans son immense correspondance. Ce qui me donnait une grande liberté de choix et de mise en scène. J’ai écrit certains passages, me voilà plagiaire de George Sand !
Sur la scène la harpe trône dans toute sa beauté côté cour, une table côté jardin, une valise au centre, des paravents noirs en fond ; un décor minimaliste mais suffisant pour matérialiser les différentes scènes, avec aussi l’aide de déplacements d’objets. Ces scènes sont courtes et s’enchaînent sans hiatus. Maryse Courbet campe George Sand avec charme et bonheur, ainsi que d’autres personnages. Eléonore Seydoux habite avec fougue et vérité une foule de personnages, se révélant parfaite chanteuse et soprano lyrique en divers styles et diverses langues. Quant à la harpiste, elle aussi allie ravissement et intériorité dans ses différentes prestations.
On va partager de nombreux moments de la vie de l’écrivaine. Ses rapports conflictuels avec Musset, l’amour avec Chopin, Franz Liszt, Marie d’Agoult, ses révoltes contre la morale bourgeoise de l’époque, le mariage, la position de la femme, son engagement républicain et socialiste, la défense des pauvres, des laissés pour compte, ses voyages, Venise, Majorque, son amour des oiseaux, des plantes, etc…
Les portraits sont ponctués ou séparés par l’intervention de la harpe, ou de chants par Elodie. Elle chantera même en duo avec Maryse. La pièce se termine par les réflexions de George Sand sur les beautés de notre région : Le Revest, Toulon, le Gapeau, et surtout Tamaris. Le tout entrecoupé de lectures d’extraits ou de lettres de l’auteure ou de certains de ses correspondants, ainsi que de textes de liaison. Les trois comédiennes musiciennes jouent cette pièce avec une joie et un plaisir évidents et communicatifs.
«Appelez moi George» est un spectacle à la fois littéraire et musical avec une qualité de musique et d’interprétation tant des comédiennes que de la harpiste qui emportent le spectateur sur les rives du plaisir partagé. Voilà une remarquable façon de raconter une auteure avec une légèreté qui n’exclut pas la profondeur, au contraire ! Et aussi l’occasion de se plonger, ou de se replonger, dans l’œuvre de « La bonne dame de Nohant ».
Serge Baudot
*La pièce sera donnée à l’auditorium de la Médiathèque Louis Aragon à la Garde le jeudi 19 décembre 2019 à 18h 30. Entrée libre.