Retrouver Macha Méril est toujours un réel plaisir.
Rencontrer Nathalie Dessay était un grand désir.
Voilà qui est fait puisque les voilà réunies dans une pièce inédite de Setfan Zweig «La légende d’une vie» et pour notre grande joie, les voici au festival de Ramatuelle entourées de Bernard Alane, Gaël Giraudeau et Valentine Galey.
« La pièce de Stefan Zweig – nous confie Macha Méril – est un événement, d’abord, c’est la seule pièce de théâtre qu’il ait jamais écrite, les autres pièces étant des adaptations de ses livres. Elle date de 1919 mais ressemblait tellement à ce qu’il vivait avec sa seconde épouse que celle-ci la fit disparaître à son décès. On ne la retrouva que bien après sa mort et les 100 ans qui font qu’elle est tombée dans le domaine public. Et c’est une première mondiale ! »
Cela se passe à Vienne en 1919 où un jeune homme (Gaël Giraudeau) est pris dans le carcan du souvenir de son père décédé, grand poète, entretenu par sa mère (Natalie Dessay) qui a créé une légende autour de cet homme. Jusqu’au jour où réapparait le premier amour de celui-ci (Macha Méril) qu’il a quittée pour une femme très riche qui a su lui faire un enfant.
Ainsi le fils découvre-t-il tout un pan de la vie son père beaucoup moins idyllique que le lui peignait sa mère. Peut-être que ce retour va lui permettre d’être délivré d’un lourd fardeau afin qu’il ne puisse plus vivre sa vie dans l’ombre du grand homme. Peut-être aussi qu’à travers les souvenirs qu’elles ont de cet homme, les deux femmes pourront se réconcilier.
C’est une pièce très forte émotionnellement, où chacun s’affronte pour défendre sa façon de vivre à travers cet homme. La distribution est formidable. Macha, on le sait, est une grande comédienne, Natalie Dessay, qui monte pour la première fois sur une scène pour jouer la comédie, y est incroyable de vérité. C’est une grande voix mais aussi une grande comédienne qu’on découvre. Quant à Gaël Giraudeau, digne fils de ses parents, Bernard Giraudeau et Anny Duperey, il y est prodigieux.
Macha me confie que, lui aussi, en lisant la pièce, y a trouvé des réminiscences de sa propre vie. Et lui qui ne voulait pas faire de théâtre malgré ses velléités, pour ne pas être dans l’ombre de son père aujourd’hui disparu, il a souhaité ardemment interpréter ce rôle.
Première scène donc, pour lui aussi et il nous a prouvé qu’il pouvait être à la hauteur du père.
Ce fut donc une soirée chargée d’émotion et une très belle découverte.
Auparavant, j’ai pu réunir ces deux belles comédiennes que sont Macha et Nathalie.
«Macha, Nathalie, comment vous êtes-vous rencontrées ?
Macha : J’étais allée voir Natalie dans l’opéra «Lucie de Lamermoor» avec Isabelle Huppert. La rencontrant, je lui dit que j’ai un copain qui voudrait lui écrire des chansons. Ce qui l’a surprise. Ça a été notre première rencontre et nous sommes devenues amies.
Je savais qu’elle avait envie de jouer la comédie et un jour, je tombe sur cette pièce et je me dis que c’est pile la pièce et le rôle qu’il lui faut.
Natalie : J’étais prête à faire ce saut dans le vide et ce, depuis longtemps : avant de chanter, j’avais fait du théâtre au conservatoire de Bordeaux. Et si j’ai fait du chant c’était pour pouvoir jouer un jour au théâtre car j’aime par-dessus tout raconter. C’est grâce à Macha que j’ai pu réaliser ce rêve.
Il y a également Michel Legrand qui vous lie…
Natalie : Toute petite, j’étais tombée amoureuse de « Peau d’Âne » de Jacques Demy ? Je connaissais toutes ses chansons par cœur. Je ne vous dis pas l’effet que m’a produit la chanson «Amour, amour» lorsque je l’ai entendue pour la première fois. Puis il y a eu «Les parapluies de Cherbourg» et toutes les autres musiques. Je me suis dit alors que c’était ça que je voulais faire.
Macha : Quelle joie qu’elle ait pu faire ces deux disques avec Michel. Il me disait qu’il avait enfin trouvé sa voix. En France il ne trouvait pas l’équivalent d’une Barbra Streisand pour qui il avait écrit les chansons de «Yentl» et qu’elle a beaucoup chanté. Enfin il la trouvait et de ce jour ils ne se sont plus quittés.
Natalie, vous êtes très éclectique dans vos choix ?
C’est vrai et c’est pour cela que je me sentais un peu étriquée dans l’opéra uniquement. J’aime varier les plaisirs. C’est pour cela que j’ai chanté avec Michel, que j’ai fait un disque de chansons brésiliennes «Paris-Rio» avec Agnès Jaoui, Héléna Noguera, Liat Cohen. Et je prépare un disque consacré à Claude Nougaro.
Et toi Macha… la chanson ?
Ce n’est pas mon truc mais j’ai retrouvé plein de musiques de chansons que Michel m’a laissées. J’ai donc décidé de sortir tous les ans un disque d’inédits. Le premier sera fait des musiques de Michel et j’ai confié les paroles à de grands écrivains : Modiano, Amélie Nothomb, Keffelec, Michel Onfray. C’est incroyable comment ils ont compris la musique de Michel».
D’ailleurs, avant la présentation de la pièce, Macha a proposé à Michel Boujenah de rendre hommage à notre grand compositeur de manière à la fois originale et émouvante. On a pu retrouver, dans un halo de lumière sa voix dans une chanson inédite «Ensemble» qui de plus, se rapproche de son vécu avec Macha. Ce fut un moment intense dans un recueillement magnifique. Beau cadeau qu’elle nous a fait là. C’était une chanson qui avait été écrite pour Yves Montant dans film de Jacque Demy « Trois places pour le 26 » et qui n’a pas été retenue.
«C’est une chanson que je sortirai en disque et j’y mettrai ma voix dessus». Beau duo en perspective !
«Revenons à cette pièce…
… Macha : que nous avons jouée 118 fois, en grande partie au théâtre du Colombier.
Natalie : C’est la 119ème ce soir ! Et le théâtre du Colombier a été un véritable écrin pour cette pièce.
Macha : Nous la reprenons en tournée. Nous la jouerons au Théâtre Tourky le 20 novembre.
Macha, on connait ta carrière cinématographique. Et vous Natalie, ça vous tente ?
Évidemment ! je suis ouverte à toute nouvelle proposition. Mais à mon âge, je ne me fais pas trop d’illusions. Les réalisateurs ont du mal à monter des films sans de grands noms. Alors qu’au théâtre, il y a beaucoup plus d’ouvertures.
Macha : La loi des chiffres est inexorable. Tu sais que j’ai eu la chance de pouvoir démarrer dans ces années où tout était possible. Aujourd’hui, c’est devenu très difficile.
Tu as fait aussi une jolie carrière en Italie ?
C’aurait pu être mieux mais là, j’ai démarré au moment des Brigades rouges et le cinéma s’en est beaucoup ressenti. Tu sais, lorsque la société est trouble, le cinéma l’est aussi. Mais le théâtre est en fait plus intéressant que le cinéma, tous points de vue. D’abord, les relations au théâtre sont beaucoup moins superficielles qu’au cinéma où il y a une concurrence terrible…
Natalie : Je pense que cela vient du fait qu’on est ensemble à longueur de journées, pour les répétitions, pour se retrouver tous les soirs sur scène et encore plus en tournée. Des liens, des familles se soudent. Les relations sont moins fragiles qu’au cinéma.
Alors aujourd’hui ?
Macha ; Il y a la tournée, qui nous permettra de rester encore ensemble. Et puis tu sais que j’ai le projet de ce festival de musiques de films qui se déroulera en juin 2020 dans la propriété de Michel qui compte 250 hectares et un petit château, magnifique écrin pour lui rendre hommage».
Nous en reparlerons bien sûr en temps utile, tout comme nous allons suivre la nouvelle voie que prend avec bonheur et succès celle qui fut une magnifique soprano et que nous retrouverons sur la route de la tournée.
Jacques Brachet
Photos Christian Servandier