Annabelle COMBES : La Calanque de L’Aviateur (Ed Héloïse d’Ormesson – 381pages)
Ce roman sortira le 22août 2019. C’est le second roman écrit par Annabelle Combes, qui a remporté le prix littéraire des Rotary Clubs 2018 pour son premier livre « La Grâce de l’éclat de rire ».
Leena, jeune femme ne portant que jean et tee shirt blanc, achète une propriété délabrée dans un bourg du Cotentin proche de l’Océan Atlantique. C’est une ancienne mercerie avec un appartement au-dessus, un hangar et un grand jardin. Cette personne veut créer une librairie d’un genre particulier : la maison des phrases qu’elle a tirées des romans qu’elle a lus et qu’elle a écrites dans des cahiers.
Les habitants du village vont vite adopter Leena et l’aider dans son projet. Au cours des travaux dans cette maison, Leena découvre un trésor. Elle va alors chercher à renouer avec son frère, parti aux Etats Unis après la mort de leur père pour comprendre leur histoire familiale.
Par chapitres courts, mélangeant prose et petits paragraphes poétiques, l’auteure dresse le portrait de ces deux jeunes gens, originaux et attachants et raconte leur parcours vers la renaissance après les douleurs de leur enfance. Elle les entoure de personnages variés et bienveillants qui soutiennent l’intrigue.
Un agréable roman qui rappelle que la littérature est un trésor.
Théophile BOYER : Mort d’un requin-pèlerin –(Ed Alma) 343p
Né en 1994, Théophile Boyer a interrompu ses études de droit pour se consacrer à l’écriture. Cet ouvrage est son premier roman.
Professeur de français en poste à Rangoon, Roland est venu passer quelques jours de vacances dans la propriété familiale « Le Sémaphore » dans un petit port du Finistère. Il est accompagné de son amie Ariane, correspondante de presse dans la capitale birmane, avec laquelle il vit depuis trois mois.. Mais il voit avec stupeur sur la plage où il a l’habitude de se baigner son ancienne compagne Irène, écrivain à succès depuis la parution de son livre « Amour Austral », récit de son amour passionné avec Roland.
C’est poussée par son éditeur qu’Irène est là. Elle n’arrive plus à écrire. Elle espère retrouver une atmosphère et le déclic qui lui permettra de donner une suite à ce roman en racontant cette fois sa rupture avec Roland.
Le couple va-t-il se reformer ? Ces deux êtres s’aiment-ils toujours ? Irène ne recherche-t-elle que l’inspiration ? Le passé peut-il s’oublier ou être pardonné ?
Telle est l’intrigue de ce roman, un texte dense écrit dans un style soutenu, avec quelques fantaisies linguistiques et moult imparfait du subjonctif. L’auteur fait intervenir Irène de façon originale par manuscrit interposé.
A noter quelques jolies pages sur le travail de l’écrivain, sa difficile mais fructueuse place entre imaginaire et réalité au service d’un récit de qualité.
Didier DELOME : Les étrangers (Ed Le Dilettante – 253 pages)
Un livre étrange qui frappe le lecteur dès la première ligne. « Ma mère était gouine et je ne souhaite pas à mon pire ennemi d’endurer mon adolescence après d’Elle ».
Didier Delome s’est fait remarquer à la parution de son premier livre » Jours de dèche », parcours épique et astreignant d’un homme ruiné, tâchant de remonter la pente grâce à une dévouée assistante sociale. Dans ce deuxième roman, l’auteur décrit sa famille ô combien atypique, à l’occasion du baptême de sa petite-fille qui porte le prénom de sa mère honnie : Françoise. Une Françoise d’origine gréco-turque au profil androgyne, qui a toujours vécu dans le milieu des cabarets homosexuels des années cinquante, une femme qui ne s’occupera que d’elle et de ses intérêts.
La parole est donnée successivement au fils, à l’ami intime Lou, tout ce petit monde se croise, s’aime, se déteste, se trahit, se retrouve, se prostitue. Un roman dérangeant car on situe mal le degré de vérité, la froide indifférence transmuée en haine du fils pour la mère, l’argent volé sans l’ombre d’un remords, et toujours ce fond de prostitution.
On peut vraiment s’interroger sur la teneur du troisième roman de Didier Delome en espérant qu’il s’inspirera d’autres aspects de sa vie, une vie dominée par un vide d’amour abyssal que seule la littérature semble combler aujourd’hui.
Didier Delome – James Lee Burke – Jorge Comensal
James Lee BURKE : Robicheaux (Ed Payot Rivages – 494 page)
Vingt et unième roman de cette série, on retrouve le célèbre duo de vieux potes associés qui naviguent dans les tripots où l’alcool coule à flots dans les bayous de Louisiane dans une ambiance pleine de mystères. Dave Robicheaux personnage récurent et policier chargé de l’enquête lutte contre les fantômes du Vietnam qu’il revoit dans ses cauchemars et contre le la douleur causée par le décès de sa femme Molly. De plus il pense qu’il pourrait être le meurtrier de l’homme qui a tué Molly. Difficile de mettre de l’ordre dans ses pensées d’autant que dans ces tripots les mafieux véreux côtoient les belles de nuit déjantées, les ripoux inclassables et même un malade mental innommable.
En fait bien qu’il relate par le menu les arcanes des dessous troubles de cette belle région qu’il adore il nous fait partager en un style émouvant, à la fois son amour des valeurs familiales et sa lutte incessante contre ses vieux démons, l’alcool et ses amitiés indéfectibles parmi ses bons et moins bons amis. Plus que la poursuite des brigands c’est une profonde empathie qui nous gagne pour cet homme remarquable.
Jorge COMENSAL : Les mutations (Ed Les escales – 206 pages)
Traduit de l’espagnol (Mexique) par Isabelle Gagnon
Comment réagit-on à l’annonce d’un cancer de la langue, surtout quand ce cancer atteint Ramon, brillant avocat de cinquante ans, père de deux enfants. D’où vient la série de mutations de cellules qui entraînera l’amputation de la langue, organe indispensable à tout avocat ? L’auteur décrit en détail le cheminement des cellules malignes, chacune renfermant des centaines de mutations pernicieuses. Le traitement de l’oncologue qui croit détenir la solution à cette terrible maladie, le suivi par une psychothérapeute ayant elle-même subi l’ablation d’un sein après un cancer du sein et experte en soin par le cannabis, la présence de Benito, perroquet au vocabulaire très étendu en grossièretés, cadeau de la très attentionnée Elodia, employée de maison, fidèle parmi les fidèles, sont les thèmes graves de ce roman malgré tout teinté d’ironie, car, oui, ça peut être drôle. Et que dire de cette querelle entre Ramon et son frère, petit voyou à qui il doit une coquette somme, raison pour laquelle il veut protéger sa femme en la suppliant de divorcer pour échapper à la dette !
Ce premier roman surprend, déroute mais ne lasse jamais le lecteur. Privé de la parole, Ramon ne peut qu’écrire, mais rapidement le dialogue perd de sa vivacité et devient de plus en plus monosyllabique. Il y a de l’émotion, de la dérision, un vocabulaire médical technique et difficile à suivre mais qu’importe, il y a toujours les injures du perroquet, compagnon insolite mais témoin de l’évolution de la maladie, un témoin qui sera là jusqu’à la dernière ligne mais qui ne révèlera jamais le fin mot de l’histoire car ce perroquet ne sait que jurer.
Un auteur à suivre, qui manie les contrastes avec bonheur.