Coup de cœur
Janine BOISSARD : Toi, Pauline (Ed Fayard – 251 pages)
A chaque sortie d’un roman de Janine Boissard, c’est un plaisir, une gourmandise qu’on va s’apprêter à déguster. Et en fait de dégustation, dès la première page, on sait qu’on ne va pas s’arrêter en si bon chemin et qu’on va se régaler jusqu’à la dernière.
L’auteure de « L’esprit de famille » dont les quatre premiers tomes ont fait l’objet d’une série télévisée à succès sur TF1 dans les années 80 et qui racontait l’histoire de la famille Moreau qui était, comme « Les quatre filles du Dr March », composée de quatre filles, a toujours eu du mal à quitter celle-ci et entre deux romans, elle y revient comme si c’était sa propre famille…
Qui est devenue la notre !
Après donc « Les quatre filles du docteur Moreau », voici la suite racontée par l’une des fille, « Toi, Pauline ». (Chacune des autres filles a déjà pris la plume dans d’autres tomes). Pauline a grandi, ses autres sœurs Claire, Bernadette Cécile aussi, elles ont eu des joies et des chagrins d’enfants, d’adolescentes et les voici devenues femmes, tout autant attachantes, toujours très près de leurs adorables parents.
C’est en fait une chronique des années qui passent, dans une famille qui pourrait être banale si la personnalité de chaque fille n’était autant singulière et si attachante.
L’écriture est d’une belle simplicité, chargée de drôlerie et d’émotion. Car on ne peut s’empêcher d’être souvent ému par leurs aventures, leurs amis, leurs amours, leurs emmerdes si joliment racontés, cette fois par Pauline qui recherche à la fois l’amour et l’assurance, l’affirmation de ce qu’elle veut être : romancière. Peut-être que l’un fera éclore l’autre.
En lisant, on peut imaginer que dans Pauline il y a un peu, peut-être beaucoup de Janine.
En tout cas, elle aime ses personnages qu’elle nous fait aimer et lorsqu’elle avoue que ce livre va clore la saga, on ne peut que le regretter, tant on a de plaisir à retrouver au fil des ans cette famille attachante.
Allez Janine… ne quittez pas la famille Moreau !
Lionel ABBO : Pour que le jour de votre mort soit le plus beau (Ed Plon -170 pages)
Dans ce premier roman, Lionel Abbo met en scène Adolphe Goldstein, juif ashkénaze de 39 ans qui après avoir réalisé une enquête journalistique sur le business de la mort décide d’ouvrir une boutique de pompes funèbres, Activité qui lui parait un marché florissant. Mais attention, Adolphe n’a pas l’intention d’être un croque- mort comme les autres.
« Death Planner », tel est le nom de son métier.
« Faites de vos funérailles le bouquet final de votre vie », tel est son slogan.
Les cercueils seront à l’image du défunt, auront la forme de la passion du défunt, seront décorés par les dessins de ses petits-enfants. Les épitaphes seront rédigées par des publicitaires. Les cérémonies seront retransmises sur Facebook. Une puce connectée au cercueil permettra de lire des vidéos de la vie du défunt ou son dernier message.
Puis Adolphe, convaincu que l’homme doit pouvoir choisir le moment et la façon dont il veut mourir, va faire de nouvelles propositions à ses clients.
Jusqu’où ira-t-il ?
Lionel Abbo cherche à répondre par le biais de l’humour noir à la question de la fin de la vie, de plus en plus débattue par nos contemporains.
Un livre drôle et glaçant qui se lit d’une traite.
Clélie AVIT : L’expérience de la pluie (Ed Plon – 295pages)
L’autisme est un sujet qui préoccupe désormais notre société. Une récente émission policière télévisée a mis en scène une autiste. Voici un roman qui s’inspire de ce mouvement d’intérêt sur ce handicap.
Camille, et Arthur son fils de six ans, sont autistes Asperger hypersensoriels Tout contact physique est une épreuve : une main qui attrape, une bousculade dans le bus, l’eau qui sort du pommeau de la douche, les gouttes de pluies sur le visage. Camille tente d’organiser sa vie pour protéger son fils et lui permettre de s’adapter autant que possible au monde extérieur.
Alors qu’ils sont dans un parc, un jeune homme nommé Aurélien est attiré par le dialogue entre la mère et l’enfant. Quelques jours plus tard, Aurélien les retrouve dans un bus et les protège du contact de la foule agglutinée dans le véhicule. Il est totalement attiré par cette femme et cet enfant dont il ressent l’attachante différence mais aussi la vulnérabilité.
Le roman sur un mode choral donne tour à tour la parole à Aurélien et Camille pour finir par un dernier chapitre dans lequel c’est Arthur qui s’exprime. D’autres personnages évoluent dans le récit : Eloïse la garde d’enfant, Lucile, amie d’enfance d’Aurélien, la voisine revêche, l’agent des affaires sociales qui voudrait placer l’enfant en institut spécialisé.
Le récit de la relation entre ces trois êtres qui s’apprivoisent mutuellement va se dérouler dans une romance un peu fleur bleue et sans doute éloignée de la réalité du quotidien des autistes. Mais il y a beaucoup de bonté, de patience et d’humanité dans ce roman et sa lecture est l’occasion de se laisser toucher par le nécessaire accueil des êtres différents.
Stéphane CARLIER : Le chien de Madame Halberstadt (Ed Le Tripode -174 pages)
Jeune auteur , le fils de Guy Carlier publie son sixième roman ou plutôt une novella comme indiqué en première page.
Cet ouvrage, dont la page de présentation mentionne la phrase d’Hemingway « Décris la douleur, sans effet ni détour » met en scène Baptiste, un jeune écrivain de quarante ans, qui nous raconte ce qu’il est en train de vivre.
Son dernier roman est un flop. Sa compagne vient de le quitter pour aller vivre avec leur dentiste. Bénéficiaire du RSA, il est logé dans un studio appartenant à sa mère. C’est de cette dernière et de son ami Gilles qu’il reçoit ses seuls soutiens. Sa voisine de palier va se faire opérer de la cataracte et lui demande de garder son chien un carlin nommé Croquette pendant son absence. Baptiste accepte à contrecœur.
Mais bien lui en a pris car sa vie se transforme dès qu’il accueille cet animal. Croquette est-il un chien miracle ou n’est ce qu’une illusion passagère ?
Un récit alerte et amusant qui fait passer un moment agréable mais qu’il est difficile de qualifier de roman tragi-comique comme le fait l’éditeur.
Dominique FORTIER : Au péril de la mer (Ed les Escales – 191 pages)
Le Mont Saint-Michel a fasciné Dominique Portier dans sa jeunesse, elle le redécouvre trente ans plus tard avec désormais sa petite fille à qui semble-t-il, elle s’adresse dans ce roman. C’est une lecture étonnante jalonnée d’explications, d’étymologie, d’Histoire, l’histoire de ce rocher sur lequel deux ermites ont trouvé refuge au VIIème siècle.
La trame du roman se passe au XVème siècle. Un jeune peintre portraitiste a perdu une jeune femme aimée emportée brutalement par la maladie. Le travail minutieux de recopie des textes anciens par les frères devrait apaiser sa douleur. La transmission du savoir dans cet espace malmené par le temps mais toujours reconstruit plus majestueusement est un travail qui glorifie le Seigneur et justifie la taille de la bibliothèque de l’abbaye. Aussi attire-t-elle la jalousie, pourquoi cet îlot serait-il plus important que l’abbaye de Saint Ouen ? Dans le silence et l’humilité, les frères copistes ou le frère bienheureux jardinier poursuivent inconditionnellement leur travail généreux et solitaire.
Dominique Fortier renforce la qualité de son roman par de très nombreuses explications de termes tels que « croire » ayant la même racine que « cœur » et « croix » appartenant à la famille de « courbe », ces deux mots en étant venus à n’en faire qu’un avec le temps, la foi chrétienne ayant la croix pour symbole et le Credo en étant sa forme épurée.
Ce roman parle de livre, de cette abbaye qui protège les livres, des hommes qui ont besoin des livres et des bibliothèques qui tout comme les jardins mourront si on cesse de s’en occuper. Ce n’est donc pas sans raison que la transmission a lieu au Mont Saint Michel avec les Maristes puis les Bénédictins, dans ce lieu coupé du monde deux fois par jour par les marées et les sables mouvants, tout cela au péril de la mer.
Pierre SIMENON : L’enfant de Garland road (Ed Plon – 330 pages)
Dédié à Georges Simenon son père, le dernier roman de Pierre Simenon nous transporte aux États Unis, dans le Vermont où séjourne l’auteur. L’intrigue policière à l’origine de ce récit est un exercice risqué mais réussi, hommage d’un fils à son père.
Kevin, un veuf, écrivain raté semble-t-il, s’est retiré du monde en Nouvelle Angleterre. Il envisage d’en finir avec la vie quand suite à l’assassinat de sa sœur Georgia et Brian son mari, il se voit confier l’éducation de son neveu David en devenant son père adoptif.
A Garland Road les circonstances du meurtre sont violentes et mystérieuses. L’enquête est confiée à Jim Malone chef de la police locale qui bénéficie de l’aide de la police scientifique du FBI. La thèse du cambriolage raté et du malfaiteur qui panique est évoquée mais ne satisfait personne. Kevin s’allie alors la compétence de Fran une ancienne amie shérif.
Beau roman, très bien construit où alternent confidences sur le passé du veuf inconsolable, les liens d’amitié qui se construisent avec la vielle copine shérif qui l’aide dans ses investigations et les liens familiaux tissés auprès du jeune neveu ainsi que de sa fille.
Un roman prenant avec des personnages attachants dans un cadre très Amérique profonde. Certaines scènes relatives au prédateur n’étaient peut être pas indispensables mais le climat général est bien rendu.
Bon second roman
Karen VIGGERS : Le bruissement des feuilles (Ed Les Escales – 426 pages)
Traduit de l’anglais (Australie) par Aude Carlier
Miki, 17 ans, vit, coupée du monde depuis l’incendie qui a coûté la vie à ses parents, sous le joug de son frère Kurt, un protestant évangéliste. Elle travaille comme serveuse dans leur petit restaurant et le soir se rêve en héroïne de roman.
Elle fait la connaissance, lors d’une escapade en forêt, de Léon, garde forestier tout juste installé en Tasmanie. Elle va s’éveiller à la vie à travers les livres qu’elle lit en cachette et découvrira qui est réellement son frère.
Une grande épopée romanesque où se côtoient les grands problèmes écologiques d’aujourd’hui et que l’auteur se complait à développer avec fougue et connaissance étant elle-même vétérinaire et zoologue.
Roman qui parle d’écologie, mais aussi des relations familiales et filiales. Histoire d’amitié et de solidarité. L’auteur essaie de sensibiliser ses lecteurs au problème des femmes battues, de la déforestation, du monde des bûcherons et au sauvetage des « diables ».