Toulon – le Royal
Tom BOOTHE : L’incroyable aventure des Food Coops

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Un jour de 1975, en pleine crise économique, est né à New-York, et plus particulièrement à Blooklyn, la coopérative alimentaire de Park Slope. Un supermarché autogéré par aujourd’hui 17.000 membres qui, en plus d’être des actionnaires, donnent 2h45 de leur temps, une fois par mois, pour faire tourner ce magasin auquel personne ne croyait au départ car vu par les capitalistes américains, ce mouvement émane des socialistes donc… du diable ! D’autant que c’était aussi une mauvaise nouvelle pour la grande distribution, le but de cette coop étant d’offrir aux adhérents des produits à la fois de qualité, naturels ou bio, et bien moins cher qu’ailleurs.
Cette conception nouvelle est due entre autres à son co-fondateur Tom Boothe qui est également réalisateur et nous proposait vendredi soir au Royal, le film qu’il en a fait, invité par la coopérative varoise « Coop sur Mer » , présidée par Monique Tardy.
L’idée a depuis fait son chemin un peu partout et Tom est aussi le co-fondateur de la coopérative créée à Paris en 2016, « La Louve », de 1.500 m2 de superficie, qui possède aujourd’hui 4.400 membres.
Tom est donc venu témoigner à Toulon et encourager l’équipe toulonnaise qui n’en est qu’à ses balbutiements, puisque créée en janvier 2017, avec un local de 80 m2, Mais avec déjà 850 adhérents et 150 membres actifs. Le local est ouvert quatre demi-journées par semaine, chacun donnant à son tour trois heures par semaine de son temps.
Lorsqu’on découvre ce qu’est devenue la coop de Brooklyn on est ahuri de voir la discipline militaire qui y règne, même s’il n’y a aucun patron, aucune hiérarchie et qu’on se rend compte de l’atmosphère à la fois studieuse et amicale dans laquelle chacun évolue.
Tom nous précise qu’il en est de même à la Louve, dans une atmosphère moins drastique, plus calme, peut-être plus sereine.
« Chacun est actionnaire du lieu et aujourd’hui l’association est devenue un vrai business. Mais chaque actionnaire est libre à tout moment de revendre ses parts et de s’en aller. Ce qui, en fait, n’est jamais encore arrivé car en dehors des prix bas et de la qualité des produits venant de nombreux producteurs, il s’est instauré une vie dont le contact humain est primordial, convivial, fait de rencontres, de liens sociaux qui se créent, dont le manque aujourd’hui se fait sentir, dont les gens ont besoin et où les gens venus d’univers différents se côtoient, qu’ils soient ouvriers ou cadres. Une mixité sociale s’y est instaurée.

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C’est en fait une autre manière de consommer où l’humain a toute son importance. C’est un lien social par excellente, c’est aussi un projet éducatif et surtout pas moralisateur, sans jugement, chacun pensant et vivant le lieu à sa convenance ce qui manque peut-être un peu aux USA ».
Bien sûr, à la vue de ces deux cas, Toulon est encore une toute petite structure mais les projets sont ambitieux et pas si utopiques que certains pourraient le croire.
Monique Tardy nous explique ces projets :
« Nous espérons que d’ici un an, nous pourrons envisager de créer un supermarché, le problème majeur étant l’impossibilité de s’implanter en cœur de ville dans la mesure où nous avons besoin d’un local de 1.500m2 et d’un grand parking gratuit pour nos adhérents. C’est le premier problème. Le second est que le Var est un département essentiellement viticole et les maraîchers se font rares. Les petits producteurs quant à eux, n’ont pas assez de produits pour fournir en quantité un supermarché. Souvent, ils les vendent sur les marchés à des prix déjà intéressants, donc difficile de leur demander de faire des efforts et de les faire baisser. L’intérêt pour nos adhérents est de tout trouver sur place sans être obligé de courir d’un lieu à un autre pour trouver ces produits, à la fois naturels, locaux ou bio mais aussi à des prix attractifs ».
Tom nous précise que la Louve est locataire d’un bail social avec un loyer progressif et qu’elle est soutenue par la ville. Quant à Toulon, la coop a dû acheter le local et espère obtenir également le soutien de la ville, des approches et des promesses ayant été faites par l’élue au développement durable de la mairie de Toulon. Mais elle doit encore trouver de vraies ressources en dehors des adhésions, ce qui n’est pas aussi facile.
Mais avec le courage, l’envie, la persuasion, la Coop de la Mer voit l’avenir avec sérénité, même si elle sait qu’il y aura des obstacles à franchir.
L’optimisme est de rigueur !

CD

Jacques Brachet
Photos Monique Scaletta