Benjamin Biolay et Melvin Poupaud ont trouvé le titre idéal avec « Songbook »pour leur spectacle, puisque le Songbook est un répertoire de chansons. C’est donc à un florilège de chansons françaises, et des meilleures, tant anciennes que d’aujourd’hui auquel nous allons assister. Preuve que la grande chanson française ne meurt pas.
Grand piano côté jardin, batterie côté cour, un block de synthétiseurs au centre en arrière plan, deux guitares et une basse électrique posées sur leur stand, deux chaises en bois, deux micros. En fond de scène un rideau qui va capter les éclairages, doux et discrets, chaque fois en accord avec l’esprit de la chanson. Voilà pour le décor.
Entrent en scène les deux protagonistes. Benjamin Biolay en costume gris de jeune homme de bonne famille, chemise blanche col ouvert, souliers noirs. Melvil Poupaud costume gris croisé, cravate, Borsalino sur la tête, chaussures blanches et noires façon Derby. Un vrai caïd des années 20/30. Puis le pianiste-claviériste-accordéoniste tout de noir vêtu.
Contrastes vestimentaires qui vont servir très subtilement d’éléments de mise en scène.
Les deux chanteurs-comédiens, nés la même année, sont aussi des musiciens accomplis. Melvil : batterie, guitare, basse électrique et harmonica. Benjamin : piano, guitare, et trompette avec un bon son new-orleans, mais quel concerto de canards, on lui pardonne tant ceci se passe dans la bonne humeur et l’humour.
Benjamin Biolay possède une voix chaude de baryton, avec du grain et une puissance maîtrisée. Melvin Poupaud a une voix plus douce, très crooner, là encore le contraste dans les interprétations apporte des attraits supplémentaires.
Tout est donc en place pour une belle soirée cabaret, et telle fut-elle, très belle même. On se sent très proche des artistes, avec l’impression d’être assis à la première table devant la scène.
Chaque chanson est mise en scène selon son climat. Par exemple « Tu t’laisses aller » d’Aznavour est jouée d’une façon drôle et délicieuse, chacun étant à tour de rôle le mari, ou la femme. « Maman-Papa » de Brassens (chanté jadis avec Patachou) en tempo très rapide reprend une nouvelle vie. Idem avec la chanson de Léo Ferré «Jolie Môme », ils détaillent avec gourmandise et postures « T’es toute nue sous ton pull… ». Beau moment de nostalgie quand Melvin Poupaud s’accompagnant à la guitare susurre « Le jardin d’hiver » que Benjamin avait composé pour Henri Salvador. Il y aura même un hommage à Rina Ketty (seuls les plus de 70 ans doivent se souvenir d’elle, et encore !) avec son fameux tango « Pardonne-moi » de 1939, interprété avec une gentille moquerie. Gainsbourg, et d’autres ne furent pas oubliés. Etonnant qu’ils n’aient pas mis « Vieille Canaille » à leur répertoire.
Toutes les chansons, quels que soient les auteurs, sont à citer. Chacune est un bijou rutilant. Bien sûr ils en interprétèrent quelques-unes, parmi les plus fortes, de Benjamin Biolay, l’un des grands compositeurs de chansons d’hier et d’aujourd’hui. Il nous a offert pas mal de chefs-d’œuvre, et un bon nombre d’artistes lui doivent une part de leur succès.
Gros bémol à propos de la sono : trop forte pendant au moins les trois quarts du spectacle; cela empêche de comprendre les paroles et gâche la sonorité des instruments et la beauté des voix.
Fin de spectacle original, des hommes en blouse blanche viennent sur scène et emportent petit à petit les instruments, sous les huées amusées de la salle pleine à craquer ; le concert se termine en trio accordéon, caisse claire, guitare… puis plus rien.
On sent la connivence, le plaisir des trois artistes à être là, sur scène, entre eux et pour nous. Tout est fait avec légèreté, élégance et un brin d’humour. On ne peut que se laisser prendre et emporter par le charme de ce spectacle.
Serge Baudot