Michèle FITOUSSI : Janet (Ed JC Lattès – 426 pages)
Janet c’est Janet Flanner la journaliste américaine dont Michèle Fitoussi va s’inspirer pour nous faire revivre une vie trépidante et passionnée qui débute dans les années 1920 et nous fait traverser un quinquennat de bouleversements à travers l’Europe et les États-Unis.
Elle est née en 1892 à Indianapolis dans une famille de Quakers, d’une mère qui rêve de gloire et de reconnaissance pour ses trois filles alors qu’elle-même est une femme frustrée. Janet choisit l’écriture et très tôt fuit sa famille pour épouser son jeune camarade de lycée qui l’emmène vers un New York de rêve qu’elle fuira encore pour rejoindre Paris où elle pense se révéler, malgré ses hésitations et sa timidité, comme écrivaine et surtout lesbienne qu’elle affiche, amoureuse de plusieurs femmes qui partageront sa vie. Mais à Paris c’est la guerre ; les années folles où elle fréquente tout ce que la capitale abrite d’artistes, d’’expatriés, tels Hemingway, Gertrude Stein, Picasso, Breton. Elle tente toujours d’émerger par sa plume et devient journaliste au tout jeune »New-Yorker » pour qui elle produira régulièrement et avec peine ses portraits, ses chroniques débridées du monde culturel ou intellectuel qu’elle côtoie avant de se lancer dans la seconde guerre mondiale avec les portraits de ces figures de l’actualité que sont Hitler, Pétain, de Gaulle. Voyageant sans relâche dans les capitales d’Europe, obnubilée par son rêve d’écrivaine, elle devient la chroniqueuse de son époque à un moment où seuls les hommes l’étaient.
C’est une belle fresque que nous offre Michèle Fitoussi, en mettant en lumière une de ces premières femmes libérées intellectuellement et sexuellement mais qui n’a pas laissé de grande œuvre littéraire derrière elle. Le portrait saisissant de cette pionnière est parfaitement mis en valeur par l’auteur en phrases courtes, nerveuses qui auraient pu être un peu plus fouillées. On a parfois l’impression de feuilleter un bottin mondain qui cache un peu la femme flamboyante, la voyageuse libérée que fut Janet.
Un bon moment de lecture malgré tout
Thomas B. REVERDY : L’hiver du mécontentement ( Ed. Flammarion – 215 pages)
Candice, vingt ans, pédale à travers Londres pour distribuer des plis urgents. Et, tout en pédalant, elle répète sans cesse son rôle de Richard III dans sa troupe de shakespearettes. Automne 1978, les temps sont difficiles, le chômage augmente, les grèves se succèdent les unes aux autres, le gouvernement de Callaghan piétine. Et Candice roule toujours, elle fait corps avec son vélo, elle vole, elle hurle dans les rues jonchées d’immondices la ruse de Richard III, sa vengeance, sa désespérance, sa haine. Oui, c’est l’hiver du mécontentement et Margaret Thatcher, venue au théâtre pour perfectionner sa voix plutôt aigrelette en vue de ses prochains discours politiques. répète un vers de Shakespeare.
Thomas Reverdy retrace avec vigueur cet hiver rigoureux, un hiver de révolte, jamais Shakespeare n’a été autant d’actualité. Une classe politique timorée, une crise qui met à terre les partis, alors, oui, pourquoi pas une femme, dans le rôle de Richard III, l’autre à la tête du pays, désormais ce sont les femmes et les enfants qui paient le prix cher. Alors comme Richard III, Margaret Thatcher arrive, le sourire en coin, elle n’a plus rien à faire, le terrain est prêt pour ses grandes réformes. Et lorsque Candice quittera son job pour avoir participé à la distribution de tracts, elle remplira une dernière mission, une lettre oubliée, la lettre désormais inutile car le mal est sans issue.
L’auteur joue admirablement sur le rôle du jeu de l’acteur, l’acteur pleure pour de faux de vraies larmes, c’est du théâtre, mais c’est aussi comme dans la vie. Ce roman analyse très finement les personnages qui souffrent, la fiction rejoint la réalité. Rêve, théâtre, vie, des mots indispensables pour éviter le pire. Dans un style naturellement efficace, l’auteur raconte ces moments où la société bascule d’un monde à l’autre. Le récit magiquement formulé à l’écoute d’une bande non référencée, en exergue de chaque chapitre, nous conduit à regarder le monde autrement. Les paroles des Beatles, des Rolling Stones, des Pink Floyd et autres, savaient raconter les changements annoncés.
José Rodrigues DOS SANTOS : Signe de vie (HC Edition – 698 pages)
traduit du portugais par Adelino Pereira
Ce roman est le septième de la saga écrite par l’auteur portugais JR Dos Santos mettant en scène son héros le cryptanalyste Tomas Noronhas.
L’observatoire de l’institut Search for Extra Terrestrial Intelligence en Californie capte une émission venue de l’espace qui s’apparente à un signe de vie. Un objet inconnu se rapproche de la Terre. La NASA forme une équipe internationale d’astronautes pour partir en urgence à la rencontre de ce vaisseau qui sera à proximité de la planète dans 17 jours. Tomas Noronhas est recruté pour y participer.
Toute l’équipe se retrouve à HOUSTON d’où elle partira dans la navette Atlantis.
Le récit est un support au débat sur la question de savoir s’il existe une vie ailleurs que sur la terre et si l’homme a intérêt à répondre à un signal extraterrestre.
Les quatre cents premières pages sont essentiellement des dialogues entre les scientifiques et Noronhas permettant à l’auteur d’aborder de multiples réflexions sur l’origine de la vie, la question du hasard et de la nécessité et sur la possibilité d’autres civilisations dans l’univers et ce à travers les connaissances actuelles en physique, biologie et mathématiques.
Certains passages pourront paraitre longs et rébarbatifs aux lecteurs que ces sujets n’intéressent pas. Pour les autres, ils seront riches d’enseignement et de source de réflexion.
Le rythme du roman s’accélère quand commence le décollage des astronautes vers leur objectif et tient le lecteur en haleine jusqu’au dénouement.
Patrick WEBER : Maggie une vie pour en finir (Ed Plon – 392 pages)
Ce livre est le résultat d’une enquête de famille menée par Patrick Weber sur les traces d’une grand-mère jamais rencontrée. Il en est d’autant plus empreint d’émotion.
Nous suivons la vie de Maggie, jeune anglaise âgée de 18 ans lorsque éclate la Première Guerre mondiale jusqu’à sa fin de vie en Belgique, après qu’elle ait connu les affres de la Seconde Guerre. Elle n’est pas seulement une héroïne, elle est aussi le visage du passé de sa famille qui a force de chagrins et de secrets s’est dispersée en Europe.
Raconté à la première personne ce roman biographique retrace le destin de cette femme avec en toile de fond les guerres et deuils et les grands changements de l’Europe du XXème siècle.
L’auteur, en lui laissant la narration, confère au récit quelque chose de vivant. Le style est agréable. La grande et la petite histoire s’entremêlent de façon très poétique et naturelle.