La réalisation de cette exposition « 30 ans et après… » est un événement culturel de première importance par le fait qu’elle rend hommage à une association, Elstir, qui œuvre depuis 30 ans à la création artistique ; exposition qui permet également de nous familiariser avec la création artistique d’aujourd’hui. D’entrée on peut dire qu’elle sera un jalon de référence dans la création artistique de la région, et pas seulement.
Elstir, qui donne son nom à l’association, est le nom du peintre idéal inventé par Marcel Proust dans « A la recherche du temps perdu ».
C’est une association loi 1901 créée à Toulon le 17 janvier 1986, par le peintre Michel Dufresne, entouré de quelques plasticiens et amateurs d’art, ceux-là même qui, en 1983, avaient conçu avec le Docteur Gérard Estragon le « Rendez-vous Varois des Jeunes Plasticiens » à la Maison de la culture de Toulon. Le premier événement d’Elstir eut lieu en 1988.
Les objectifs d’Elstir sont « de promouvoir l’Art Contemporain dans toute sa diversité et de faire connaître les jeunes plasticiens ».
A l’occasion de cette exposition nous avons rencontré son Commissaire, Raoul Hébréard, plasticien français vivant dans le Var. Il est tout à la fois peintre, vidéaste, sculpteur, metteur en scène, performer, écrivain, éditeur. Il expose depuis les années 80. Ses interventions se comptent par dizaines en France et ailleurs.
Quels sont vos rapports avec Elstir ?
Je n’ai jamais ni postulé ni participé à Elstir en tant qu’artiste. Je suis allé voir une expo dans les années 90 mais je n’ai pas été intéressé. Par contre depuis la présidence de Valérie Duquesne, il y a une quinzaine d’années, j’ai trouvé la démarche plus intéressante. Les rapports sont devenus plus fréquents et plus intenses quand Valérie m’a confié que la Ville de La Garde ne voulait plus accueillir Elstir. Valérie était en recherche d’un lieu. Comme j’avais des ateliers d’art et d’informatique à Saint-Raphaël, et que j’étais inclus dans la ville de longue date, j’ai approché l’ADAC pour lui proposer d’accueillir Elstir, ce qui fut fait de bonne grâce. C’est alors qu’Elstir m’a demandé d’être président. Ce que j’ai accepté volontiers ayant une propension à regarder le boulot des artistes avec une acuité un peu particulière, pas dans la finalité du boulot, mais dans la perception de leur façon de travailler. Elstir a trouvé mes analyses pertinentes et m’a demandé si je voulais à nouveau assurer la présidence ; j’ai dit que je ne voulais pas être président à vie comme en Corée du Nord, mais que je voulais bien être membre du jury pour essayer de leur amener des directeurs de centres d’Art afin d’élargir le champ d’action et aider les artistes à se faire connaître. Cela les a intéressés.
Comment et par qui est venue l’idée de fêter les 30 ans ?
Il y a trois ou quatre ans, Valérie Duquesne a émis l’idée de faire quelque chose pour les 30 ans d’Elstir. Au cours d’un vernissage à Aix-en-Provence nous avons rencontré Ricardo Vazquez, directeur de la Culture à l’Hôtel des Arts de Toulon, qui a été intéressé, et a finalement décidé d’héberger cette exposition à l’Hôtel Départemental des Arts. Et tout naturellement tous deux m’ont demandé d’être le commissaire de l’exposition, ce que j’ai accepté avec enthousiasme.
Je suppose qu’un tel projet est un travail immense et complexe. Tout d’abord comment s’est effectué le choix des artistes présentés ?
Je me suis d’abord intéressé à ce qui s’était passé à Elstir pendant ces 30 ans. J’ai été surpris par le nombre d’artistes qui ont postulé, qui ont été acceptés, nominés. Je me suis aperçu que parmi les artistes qui avaient été couronnés par des prix, un certain nombre avait abandonné, que d’autres n’avaient pas fait grand chose, bref le temps avait fait le partage. Alors nous avons choisi parmi les nominés, sans tenir compte des récompenses. Tout est relatif en art. Finalement nous en avons recensé 25 dont le travail avait un niveau suffisant pour passer à l’Hôtel des Arts, qui est un centre d’art national, voire international. C’est un centre d’art contemporain, qui a donc des exigences particulières. Mais est-ce que l’Hôtel des Arts pouvait accueillir 25 artistes. En accord avec le centre d’art nous avons décidé d’accueillir un seul artiste par salle, pour avoir un impact plus important. Je n’aurais pas accepté le commissariat avec plusieurs artistes par salle, on risquait le capharnaüm, le fourre-tout ; je n’en voyais pas l’intérêt.
Y eut-il un jury pour le choix final ?
Non. Après avoir vu les 25 artistes j’ai proposé une articulation pluri-disciplinaire, c’est-à-dire que toutes les pratiques de l’art contemporain soient représentées : peinture, dessin, sculpture, installation, photo, vidéo. Afin de composer un voyage dans le territoire de l’Hôtel des Arts où l’on pouvait être surpris par chaque pièce, par les disciplines différentes et l’engagement des artistes. Cela s’est fort bien passé. Les artistes m’ont fait confiance, dans un dialogue fort intéressant. Il faudrait demander aux artistes ce qu’ils en pensent, évidemment. Mais grosso-modo tout monde était d’accord sur le principe. J’assume totalement la responsabilité des choix. Il est certain que parmi ceux qui n’ont pas été choisis il y a des mécontents. J’avais 12 salles à ma disposition j’ai donc choisi 12 artistes.
Si j’ai bien compris les œuvres ont été conçues spécialement pour cette exposition ?
Oui. On ne voulait pas exposer des œuvres d’atelier, ou qui avaient déjà été exposées, mais faire une création par salle, chacune réalisée pour l’Hôtel des Arts. Il n’y a donc que des œuvres originales.
Quel a été le temps imparti pour ces créations ?
Environ un an et demi. J’avais carte blanche pour dialoguer avec les artistes. J’ai agi en commissaire d’exposition, c’est-à-dire que je ne me suis occupé ni de la technique, ni de l’administration, mais quand il y avait un problème je faisais le relais avec l’institution. C’était des dialogues très riches avec la plupart des artistes.
Je suppose qu’il faut du métier pour « accorder tous ces violons » ?
J’ai déjà une grande expérience des installations, des accrochages, de l’écriture sur les œuvres d’artistes, et des mouvements divers. L’accrochage est très important pour donner à une œuvre tout son poids expressif. Il faut surtout maîtriser le rapport à l’éclairage, c’est le plus important.
Certains artistes sont sensibles à l’éclairage et m’ont aidé dans la mise en lumière de leurs œuvres. D’autres y étaient moins sensibles, ils ont découvert l’importance de la chose, si bien que nous avons pu aboutir en travaillant ensemble.
Paradoxalement c’est comme si j’avais fait une exposition personnelle. Les rapports entre tous les participants ont été très riches d’échanges et j’en retire un plaisir immense. Les moments d’accrochage, dans le partage du travail, ont été les plus forts quant aux rapports humains. Je faisais le lien entre les artistes qui ne se connaissaient pas. J’ai été étonné par la fluidité, par l’ambiance qui régnait entre nous, très chaleureuse.
Dès le premier abord on s’aperçoit que l’Hôtel des Arts a été pris dans son ensemble, que chaque pièce est un élément du tout. Au point de vue technique, comment cela s’est-il passé ?
Les techniciens ont été formidables, pas avares de leur temps, donnant le meilleur d’eux-mêmes. J’ai senti qu’ils prenaient plaisir à faire ce travail. J’ai rarement rencontré une telle aide pour un accrochage. Des supers mecs, et filles ! A l’écoute et super professionnels.
Merci à Céline Ricci, responsable HDA, Geneviève Cini, responsable de la mise en œuvre, Gérald Driancourt, agent technique, et Laurent Dene, régisseur et leurs équipes.
(On peut se rendre compte du travail à la vue des photos.)
Y aura-t-il un catalogue de l’exposition ?
Oui, Valérie Duquesne s’est battue pour faire éditer un catalogue qui devrait paraître mi-janvier. Un catalogue qui va montrer le travail in situ, avec les photos des œuvres de l’exposition. On s’est posé la question des textes : est-ce que les artistes demandent à des personnalités des arts de leur écrire un texte, idée retenue. Et chaque artiste a produit un texte court pour se présenter.
Qui a eu l’idée du titre : » 30 ans et après »…
C’est moi qui l’ai trouvé, c’est venu dans la discussion. J’ai dit Elstir a 30 ans, mais est-ce que ça va continuer?
Je voudrais ajouter que l’action de Valérie Duquesne est pour beaucoup dans la réussite de cette exposition.
Je voudrais aussi saluer et remercier le directeur de l’Hôtel Départemental des Arts, Ricardo Vazquez, qui m’a fait une confiance absolue et a tout mis en œuvre pour faciliter le travail.
Serge Baudot
Rien de mieux pour donner une image complète des idées qui ont amené à la réalisation de cette exposition, et des buts à atteindre, que de citer une partie du texte de présentation du Commissaire de cette exposition :
« Aujourd’hui l’exposition à l’Hôtel des Arts de Toulon, reflète par le choix des artistes sélectionnés, un panorama transgénérationnel de la pratique artistique. L’absence d’une thématique particulière de l’exposition, procure une lecture et une connaissance précise des travaux de chacun des douze artistes. L’Hôtel des Arts par son architecture (neuf salles fermées, deux larges corridors et un grand escalier) dresse un “territoire“ où l’idée d’un Voyage/Promenade pluridisciplinaire s’exprime comme une évidence. Comme commissaire de l’exposition, j’ai voulu en accord avec l’équipe de l’Hôtel des Arts, présenter différentes disciplines de la pratique artistique. Les douze artistes sélectionnés témoignent de ce vaste paysage des possibles. Ils présentent tous des pièces inédites et produites pour cette manifestation. Installations/Sculptures, Peintures, Dessins, Vidéos, Photographies sont au rendez vous. La multiplicité des univers proposés, au-delà de leur propre identité plastique, perceptuelle, temporelle, générationnelle, offre une globalité de lecture où la linéarité s’absente. J’ai voulu par l’attribution des espaces de création à chacun des artistes, produire une écriture de l’exposition qui puisse proposer au visiteur de devenir l’acteur de son propre Voyage/Promenade, en pénétrant l’architecture de l’Hôtel des Arts ».
Raoul Hébréard – octobre 2018
Artistes invités : Paolo Boosten, Florian Bruno, Corinne De Battista, Léna Durr, Jérémy Laffon, Sophie Menuet, Alain Pontarelli, Cédric Ponti, Johanna Quillet, Nicolas Rubinstein, Moussa Sarr, Solange Triger
Exposition à Hôtel Départemental des Arts, Centre d’Art du Var – 236 Bd Maréchal Leclerc, Toulon. Visible jusqu’au 24 février 2019 du mardi au dimanche de 10 à 18h
Entrée libre. Tel : 04 83 95 18 40