Toulon – Le Liberté
Quand Philippe BERLING & Ivan DMITRIEFF
prennent un coup de lune !

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Chateauvallon s’endort un soir de presque hiver. sauf tout là haut dans ce petit théâtre de poche au milieu des bois où une lumière veille. On y entre et l’on découvre un étrange décor : un rhinocéros qui semble assoupi, un gong chinois duquel descend une échelle de Jacob en allumettes, un téléphone-araignée, un mini piano de bois, une grosse boule polie, une dame-jeanne, une bougie dans une bouteille…
Ces objets hétéroclites constituent le décor d’un spectacle qui sera créé du 12 au 14 décembre au Liberté de Toulon.
Création tirée d’un texte en prose intitulé « Le promontoire du songe », signé Victor Hugo, écrit en 1863 mais seulement édité bien, après sa mort, en 1937 par l’Imprimerie Nationale. C’est dire si le texte est peu ou prou connu.
Mais c’est un Toulonnais, poète et comédien, Ivan Dmitrieff, qui le découvre et propose à Philippe Berling, qu’il a connu alors que celui-ci était codirecteur du Liberté avec Charles, son frère, de l’adapter.
Aujourd’hui, Philippe s’est installé en Bourgogne, a créé sa compagnie « La Structure », Ivan, lui, est toujours à Toulon avec sa compagnie « Jubilation » et tous deux vont s’entretenir et voyager d’une région à l’autre pour adapter, monter, mettre en scène cet essai, qui sera interprété par Ivan.
Les répétitions et la captation du spectacle se faisant à Chateauvallon, c’est en ce lieu que je retrouve mes deux amis.

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« Dès qu’Ivan m’a fait passer ce texte en prose que je ne connaissais pas – me confie Philippe – j’ai tout de suite eu envie de l’adapter. Il est donc venu me rejoindre en Bourgogne et envisagé de le jouer au Liberté et dans tous les lieux qui voudront de nous.
Quel en est le contenu ?
Victor Hugo était ami avec un certain Arago qui lui propose de venir découvrir la lune au travers d’une lunette qu’il vient d’acheter et qui grossit quatre cents fois. Dans un premier temps, l’écrivain avoue ne voir « qu’un trou dans l’obscur ». Peu à peu, il en découvrira le relief dont un cratère nommé « le promontoire du songe ».
A partir de là, Victor Hugo va se poser mille questions jusqu’à extrapoler : Quelle est la différence entre rêve et réalité ? Qu’est-ce que la création ? Qu’y a-t-il dans l’au-delà ? Que représente la lune à travers les civilisations ? Tout en revenant au rêve qui peut mener à la folie, au délire qui peuvent gagner des tyrans. Il aborde ainsi d’autres thèmes qui posent question comme la spiritualité, la politique tout en revenant constamment sur le problème du monde invisible du rêve.
Comment arrive-ton à adapter un tel texte ?
Ivan : Au départ, l’idée était de raconter l’histoire à travers une lanterne magique avec juste une bougie comme éclairage… ce qui était vraiment très sombre !
Philippe : Ca nous a amené à songer au théâtre d’ombres et l’on a assemblé des objets que j’avais gardé de mes différents spectacles. Des objets qui ont tous un rapport avec la lune.
Ivan : Je suis en quelque sorte la réincarnation d’un « chaman-poète », je manipule les objets, divers instruments de musique car il y a une dimension musicale dans le spectacle, le corps y est aussi très présent avec une sorte de chorégraphie. J’évolue dans un costume de Nathalie Prats.
Philippe : C’est une façon originale de mettre ce texte en théâtre et même en vie. Victor Hugo y parle aussi de Molière, Shakespeare, des auteurs qui ont souvent écrit dans un grand délire, des personnages de la Commedia dell’Arte y sont évoqués.
Ivan : Nous l’avons conçu comme un spectacle léger, ludique, habité par une grande gaieté qui peut parler à tout le monde, c’est pour un public à partir de 12/13 ans. Le personnage s’adresse aux spectateurs comme s’ils étaient tous des poètes en puissance
Philippe : C’est également un spectacle où l’intime et le social se mêlent tout comme le virtuel, le réel, la fiction.
Ivan : Ce texte est un véritable joyau.
Philippe : A noter que le jeudi à 19h30 sera projeté un téléfilm tourné par la télévision hongroise autour du musicien varois Miquèu Montanaro et son groupe occitan Vents d’Est, qui a sillonné les pays avec les musiques du monde. Ce film se termine sur une péniche où il donne un concert, où l’on danse et où se femme Nagy Niké fait une performance picturale.

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L’actualité de Philippe et Ivan
Hormis cette création, chacun de son côté mène des activités diverses.
Philippe continue son travail en Bourgogne avec sa compagnie. il a également créé un spectacle avec des cheminots autour de « La ronde » de Schnitzler et écrit une pièce intitulée « Petite gare pour âmes perdues », un spectacle qui a pour originalité de changer de fin, selon les désirs du public !
Ivan, lui, continue son cheminement poétique. On le retrouvera le 5 avril à l’Espace Comédia de Toulon où il dira ses propres textes accompagné à la sitar par Sylvie de Saj et illustré d’œuvres du peintre Dani Baviéra.
Et chacun se rejoint sur un point : Philippe cultive ses prunes et ses raisins tandis qu’Ivan est co-participant d’une association « Vallée du Gapeau en transition », regroupant un marché bio, un magasin bio, des jardins collectifs, avec plein d’autres projets comme la création d’une monnaie : la fève et se penchant sur les questions énergétiques, l’économie locale afin de retrouver la réalité de la nature.
Deux artistes, deux poètes, deux écolos qui aiment à reprendre la phrase de Candide : « Cultivons notre jardin », ce que pense également Hugo dans cet essai devenu spectacle, qu’on découvrira mercredi.

Jacques Brachet