Toulon – Le Liberté
Trilogie des regards, de l’amour et des adieux

thumbnail_P1020339

En écho à la fête du livre du Var, cru 2018, le Liberté, scène nationale, proposait trois lectures-spectacles autour de trois auteurs d’inspirations différentes, Baudelaire, Philippe Muray et Mahmoud Darwich, mais qui ont comme fil conducteur « le regard, l’amour et les adieux ».
Spectacles de David Ayala, Bertrand Louis et la Compagnie La nuit remue de Montpellier, coproduits par Le Liberté.
C’est une trilogie qui repose sur le théâtre, la musique, la chanson et la lecture de textes. Je n’ai pu assister qu’à la troisième partie « Un autre jour viendra » basée sur des textes de Mahmoud Darwich. Huit personnes assises en fond de scène dont un pianiste, un guitariste et un joueur de Oud ; ils occuperont des places différentes selon le déroulement des scènes. La musique, instrumentale et chantée, aura une place prépondérante, musique essentiellement d’inspiration arabo-andalouse; puis trois comédiennes chanteuses et deux comédiens chanteurs interviennent à tour de rôle, en solo, ou en duo.
Parti pris de lecture bilingue, arabe et français ; exercice toujours difficile, il ne faut pas que l’autre langue prenne le dessus, au risque d’ennui pour ceux qui ne la comprenne pas. Exerce réussi grâce d’une part aux parties chantées, d’autre part à l’équilibre des prestations, et à de petits bijoux de traduction dans lesquels les sons de la langue de Darwich se retrouvaient en français.
Un grand moment d’émotion fut le texte sur la fin de Garcia Lorca, en espagnol, avec une magnifique partie musicale, faisant se rejoindre les deux cultures ; d’ailleurs il y a beaucoup d’allusions à Al Andalous tout au long du spectacle. Al Andalous c’est cette période de l’occupation de l’Andalousie par les Musulmans, et qui fut un foyer de haute culture au sein de l’Europe médiévale.

thumbnail_BertrandLouis∏DR thumbnail_DavidAyala∏VincentBerenger thumbnail_SimonAbkarian∏VincentBerenger
Bertrand Louis – David Ayala – Simon Abkarian

Spectacle qui a captivé le public tant les thèmes de Mahmoud Darwich sont d’une brûlante actualité. Sa poésie chante l’exil, la guerre, la prison, la paix, et bien sûr l’amour sous toutes ses formes. La force de conviction des comédiens, la puissance et l’engagement des chanteuses et chanteurs, la beauté et l’à propos des musiques de Bertrand Louis et Jérôme Castel, la mise en scène simple et efficace, tout s’est conjugué pour un une réussite exemplaire, avec Fida Mohissen qui disait les poèmes en arabe classique, Sophie Affholder, David Ayala, Astrid Fournier Laroque, et leurs invités. Spectacle qui insuffle de l’espoir, « un autre jour viendra », peut-être meilleur…

Serge Baudot

Mahmoud Darwich est né en 1941 en Galilée qui est maintenant la Palestine, qu’il a d’abord quitté pour le Liban. Après une vie difficile dans la tourmente du Moyen-Orient il choisit l’exil, la Russie, l’Egypte, les Etats-Unis où il est décédé le 9 août 2008. Il est enterré à Ramallah. Il est considéré comme le plus grand poète arabe contemporain.
Sa poésie est hantée par la Palestine, la solitude et le désarroi de l’exil, mais elle est aussi et surtout porteuse d’espoir. En voici un court exemple tiré de « La terre nous est étroite et autres poèmes (Gallimard) :
J’ai la nostalgie du café de ma mère,
Du pain de ma mère,
Des caresses de ma mère…
Et l’enfance grandit en moi,
Jour après jour,
Et je chéris ma vie, car
Si je mourais,
J’aurais honte des larmes de ma mère !