La Rochelle – 20ème Festival de la Fiction TV
Muriel ROBIN bouleversante
dans le rôle de Jacqueline Sauvage

C

On connaît ce fait divers et ce procès qui défrayé la chronique, il y encore peu de temps.
Cette histoire de Jacqueline Sauvage qui, après 47 ans à endurer humiliations et coups de son mari qui violait également ses deux filles, a fini par lui titrer trois balles dans le dos. C’était en 2012.
Après un procès retentissant, elle avait écopé de 10 ans de prison, la justice ne considérant pas qu’elle était en état de légitime défense. Cette peine sévère avait ému des milliers de gens, à tel point que le Président de la République a fini par la gracier après trois ans de prison.
Après sa libération, Jacqueline Sauvage, dont le fils, entre temps, s’est suicidé, a décidé d’écrire son histoire, accompagnée de ses deux avocates, Marie Deshaires et Catherine Touzet : « Je voulais que ça s’arrête ».
Aujourd’hui, son histoire est portée à l’écran par Yves Rénier, le scénario étant également écrit par les deux avocates : « Jacqueline Sauvage : C’était lui ou moi ». Et c’est Muriel Robin qui porte ce rôle sur les épaules. Vous la découvrirez sur TF1 le lundi 1er octobre.
Muriel Robin qui y est absolument bouleversante avec, à ses côtés, Olivier Marchal qui incarne le mari de façon magistrale.
Présenté en avant-première à la Rochelle, nos artistes eurent droit à une ovation de près d’un quart d’heure devant une salle archi-comble sidérée, émue, bouleversée, même si quelquefois, certaines scènes sont insoutenables.

A B

Les larmes d’émotion de la soirée furent transformées en larmes de rire, le lendemain matin avec une Muriel Robin au mieux de sa forme, redevenant l’humoriste que l’on aime, et nous offrant un sketch désopilant. Elle était entourée des deux avocates, d’Alix Poisson qui joue l’une d’elles, du producteur et, arrivé en retard, Olivier Marchal qui avait eu du mal à se lever après une nuit quelque peu arrosée !
Comment êtes-vous arrivée sur ce rôle, Muriel ?
C’est la production qui a fait son choix… Mais on m’a dit qu’Yves Rénier avait tout de suite évoqué mon nom, ce qui est flatteur. Et j’avoue que je n’ai pas hésité une minute tant la star de ce film est avant tout le film lui-même et Jacqueline Sauvage qui est devenue le porte-drapeau de la violence faite aux femmes, qu’évidemment je défends âprement.
Comment s’approprie-t-on un tel rôle ?
J’ai d’abord lu le livre de Jacqueline Sauvage puis je l’ai rencontrée et je m’y suis préparée quatre à cinq mois avant le tournage.
Je précise que ce n’est pas un biopic mais une histoire que je me suis appropriée à partir de l’excellent scénario qu’ont écrit les deux avocates. Puis il y a eu la transformation physique et je n’avais plus qu’à jouer, entourée par de merveilleux comédiens. Ca n’a pas été un travail intellectuel, Jacqueline ne l’était pas, mais surtout, on n’avait pas le droit à l’erreur en abordant un sujet qui concerne tout le monde.
Les scènes de violence ont dû être dures à interpréter ?
Oui, d’autant qu’on les a tournées dans le même décor, dans un laps de temps de 15 jours, avec juste le week-end pour s’en remettre… et on ne s’en remet pas car on a passé le week-end à gamberger. On en a tous rêvé en pensant à toutes les femmes qui subissent journellement cette violence. Et lorsqu’on regarde le film, on ne peut qu’être impacté.
Il y a eu quelques moments difficiles pour moi comme pour Olivier qui est un tendre et qui, après chaque scène, venait s’excuser et m’entourer de ses bras ! »

F E H
Le réalisateur, la comédienne et les avocates-scénaristes

Olivier, entre temps, est arrivé et nous en parle :
« C’est vrai qu’avec Muriel j’ai vécu des face à face bouleversants. D’autant que je suis loin d’être comme ça dans la vie. Je n’ai pas l’alcool mauvais, je suis un gentil et à l’écran, j’ai plus l’habitude de tabasser des mecs ! Il y a donc eu quelques scènes difficiles à tourner. En tant que flic, j’ai connu la sauvagerie, la barbarie du quotidien et quelquefois c’est quelque chose d’insoutenable.
Par contre, jouer ce genre de scène au cinéma ou à la télé, c’est quelque chose de jouissif car je suis comédien avant tout. Mais ça ne peut se faire que si l’on est complice avec sa partenaire, ce qui a été le cas »

Alix Poisson, qui joue l’une des avocates intervient :
« Je n’ai pas hésité a accepter ce rôle car je me suis aussitôt sentie concernée. Lorsqu’on me propose un rôle, je me dis : « Est-ce que c’est vital pour moi ? Est-ce que c’est essentiel pour les gens ? »
Nous avons tous des films qui ont fait basculer notre vie et celui-ci en fait partie. S’il émeut, s’il bouleverse c’est qu’on a eu raison et qu’on ne s’est pas trompé. Pour moi c’est un film sur le courage et ça me galvanise. Evidemment, ça ne changera pas le monde hélas mais peut-être que l’effet papillon fera qu’on aura quelque peu éveillé les consciences ».
Muriel, comprenez-vous l’acte de cette femme ?
Dans le vrai sens du terme, elle est évidemment une meurtrière et l’on peut se demander pourquoi elle attendu 47 ans pour en arriver là. Mais je la comprends car elle a un mari qu’elle aime malgré tout. Elle dit d’ailleurs qu’elle l’a dans la peau. Elle a quatre enfants, une entreprise où elle travaille avec lui. Alors, comment partir ? Comment porter plainte ? Un jour pourtant, il y a la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Et pour moi c’est un cas de légitime défense.
Il faut aussi penser qu’il y a la honte d’être frappée mais lorsqu’elle apprend qu’il a violé ses filles, c’est l’horreur et le geste fatal arrive.
C’aurait pu être un film de cinéma ?
Pourquoi pas ? Mais je pense que le cinéma n’emmènerait pas autant de public qu’avec la télévision qui a plus de vertu, plus d’impact. Le but est qu’il y ait le plus de monde possible qui découvre ce problème douloureux encore tabou. La télé est une arme puissante, au cinéma, il y a plus de distance et sur ce sujet, il faut faire réagir le plus de monde possible pour faire bouger les choses, le gouvernement et la justice entre autres qui ne font pas grand chose.
C’est un film militant, citoyen. La société est encore patriarcale, la justice d’une logique hallucinante, implacable. Il faut que beaucoup de choses changent.

D G I
Les comédiens et le producteur

Est-ce que Jacqueline a vu le film ?
Olivier Marchal : Elle a décidé de le voir, même si ses filles sont encore hésitantes, afin de pouvoir tourner une page. Les filles ont peur que ça relance les médias, que la folie médiatique recommence. Mais elles sont quand même heureuses que le film ait pu se faire.
Jacqueline est venue nous voir sur le dernier jour de tournage. Elle était assez sereine. Il faut savoir qu’elle est restée dans la maison du drame. Elle l’a juste repeinte. Pour elle, le drame est derrière elle, elle a retrouvé une liberté totale. Le pire c’est le suicide de son fils dont elle se sent coupable, d’autant qu’il n’a laissé aucune lettre. Et aujourd’hui pour elle, c’est ce remords qui la ronge.

Sans titre - 1

Propos recueillis par Jacques Brachet