Porquerolles
La Fondation Carmignac, entre ciel, terre et mer

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Edouard Carmignac, fondateur et président de la société éponyme, spécialisé dans la gestion d’actifs, a roulé sa bosse partout dans le monde. Il a passé son enfance au Pérou, a fait ses études à Columbia et à Paris entre autres.
Grand amateur d’art, voguant dans les milieux artistiques, ses amis se nomment Mick Jagger, Rod Stewart, Neil Young, Andy Warhol, Jean-Michel Basquiat…
Il a très vite acquis une collection d’œuvres d’art et est aujourd’hui en la possession de quelques 300 chefs d’œuvres d’artistes internationaux qu’il avait jusqu’ici partagé avec les différents bureaux de son entreprise. Jusqu’au jour où il tombe amoureux de l’île de Porquerolles. Il décide alors de créer sur celle-ci un lieu où installer sa fondation, qui porte son nom, créée en 2000.

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« Alycastre » de Miquel Barcelo  – Edouard Carmignac, vu par Basquiat
« Lenin » par Andy Wharol

Au départ c’est une ferme qui a d’ailleurs servi de décor au film de Godard « Pierrot le fou », avant qu’elle ne soit achetée par un certain Henri Vidal, en 1980, qu’il transforme en une magnifique villa en agrandissant sur une butte face à la mer. Aujourd’hui, transformée à nouveau, elle abrite sa fondation.
A deux jours de l’inauguration, Charles Carmignac, fils d’Edouard, entrepreneur tourné vers la communication, le journalisme, le monde artistique et l’écologie, et aujourd’hui directeur de la Fondation, nous invitait à découvrir ce lieu exceptionnel dont ils ont confié l’architecture à Mouktar Ferroudj de l’agence GMAA.
Dans la mesure où ils ne pouvaient agrandir la villa à l’extérieur, c’est donc en grande partie que la bâtisse a été largement conçue en sous-sol sur 2000 mètres carrés de surface.
De la descente du bateau, un petit chemin de terre d’où l’on a une vue superbe, nous amène à la cour de la Fondation où nous accueille une créature sculptée par Miquel Barcelo. Il a interprété la légende du dragon de Porquerolles nommé Alycastre et cette sculpture monumentale est impressionnante.

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La boutique-bibliothèque

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On se déchausse pour descendre dans le temple de l’art !

L’on entre aussitôt dans la boutique-bibliothèque qui, grâce à une immense baie vitrée laisse passer le jour et nous fait découvrir le paysage. Puis l’on entre dans une sorte de sas où l’on doit enlever chaussures et chaussettes afin que nos pieds soient en contact avec le sol texturé et minéral. Et l’on commence alors la descente dans les profondeurs, vers les différentes salles, sans que l’on se rende compte un seul instant, d’être sous la terre. D’autant que celles-ci sont illuminées par des ouvertures donnant sur la nature en contrebas et surtout par un plafond de verre sur lequel est versé une pellicule d’eau qui frémit au moindre coup de vent, qui nous permet de découvrir ciel, soleil, nuages donnant un effet magique de flou et de transparence.
L’on va alors traverser les salles pour découvrir les plus grands noms des arts plastiques internationaux dont la première est une œuvre de Basquiat qui représente un portrait d’Edouard Carmignac. Ressemblance incertaine, d’autant que l’homme représenté est noir !
Mais son nom est sur la toile… Donc…
Après quoi défilent des œuvres d’Andy Warhol, Maurizio Cattelan, Davide Monteleone, Willem de Kooning John Baldessari, Kazuo Shiraga et bien d’autres artistes venu de tous les coins du globe.

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Le plafond de verre, dessous et dessus

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La fontaine aux poissons de Bruce Nauman – Les fonds marins vus par Miquel Barcelo

Nous sommes en Méditerranée et deux œuvres majeures nous sont présentées : l’incroyable fontaine de poissons de Bruce Nauman, sculpture immense où de multiples poissons semble jaillir de l’eau au milieu de jets d’eau. Impressionnant.
Et puis cette immense toile incurvée de 15 mètres de long sur 4 mètres de hauteur signée Miquel Barcelo, qui est venu la créer à Porquerolles en s’inspirant des fonds marins qu’il est allé lui même découvrir.
Et encore cette étonnante confrontation d’un nu signé Boticelli face à un autre nu signé Roy Lichtenstein, en hommage à la beauté féminine.
La remontée se fait par un petit escalier dont le plafond est une immense œuvre de Jacob Hashimoto qui nous entraîne dans l’univers des jeux vidéo.
En tout une soixante d’œuvres exposées, choisies et agencées par le commissaire de l’exposition Dieter Buchhart, parmi l’incroyable collection d’Edouard Carmignac. Les autres viendront plus tard !

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Le mur de pierre et de glace – La maison sculptée par Alexandre Farto Aka Vhils

Lorsqu’on remonte à la surface, on se retrouve devant un imposant mur de pierre et de glace représentant la côte méditerranéenne, avec entre autres le Var, les îles, la Corse, l’Italie.
Avant de descendre dans les jardins par un chemin de sable, Charles Carmignac nous explique que le but était de ne pas dénaturer l’espace de vie typiquement provençal, d’où l’idée d' »enterrer » les salles d’exposition. L’architecte Mouktar Ferroudj nous explique aussi que le but était de travailler en synergie avec les artistes exposants afin d’adapter l’architecture à leurs desiderata. ce sont eux qui l’on influencé sur la création des lieux, ce qui était totalement nouveau, original et émouvant pour lui.
Nous allons donc découvrir le cheminement imaginé par le paysagiste Louis Benech qui a eu l’idée de partir de l’humain dont le passage va peu à peu disparaître pour laisser place, tout d’abord, aux vignes, aux champs cultivés pour se diluer peu à peu et entrer dans la forêt.
Tout au long du trajet, l’on découvre, à travers les espèces rares des plantes, fleurs et arbres typiques du parc national, la maison où le street artiste portugais Alexandre Farto Aka Vhils a sculpté la façade qui représente une personnalité historique de l’île puisqu’il s’agit d’Henri Vidal qui créa en 1983 le Domaine de la Courtade, aujourd’hui racheté par la fondation. Il est l’ami de sa fille, Françoise Vidal, qui fut l’épouse de Jean Rochefort.

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Le labyrinthe de glaces imaginé par Jeffe Hein

L’on arrive à une pièce maîtresse de ce jardin extraordinaire : le labyrinthe de glaces imaginé par le Danois Jeffe Hein, constitué, en plein champ, de 214 stèles de glaces parmi lesquelles on se perd dans un dédale où se reflètent les gens qui s’y promènent. C’est assez bluffant. Si vous arrivez à atteindre le centre sans vous perdre, vous découvrez une fontaine qui a été inspirée à l’artiste par une plante de l’île : l’achilléa.
Au fil de la promenade, l’on découvre alors, disséminées entre prés et bois, des sculptures monumentales de grands plasticiens internationaux, dont cet incroyable nid composé d’œufs monumentaux en marbre de 2 tonnes chacun, imaginés par Nils-Udo. C’est un hélicoptère qui a dû poser ce nid au milieu de la forêt, avec toutes les difficultés que ça a causé !

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« Lolo » de Wang Keping – « Mother Nature » d’Olaf Breuning – L’un des trois Alchimistes de Jaume Plensa – « La couvée » de Nils-Udo

Ces œuvres sont totalement insérées dans la nature et ont une résonance totale avec les éléments, l’eau, la terre, les arbres….
Avant de repartir, petit arrêt dans un lieu ombragé où a été installé un petit restaurant où vous pourrez faire une pose à l’ombre dans un lieu enchanteur et déguster les vins de la Courtade et des mets à la fois simples et goûteux, où l’on retrouve toute la Provence.
Bref, nous avons découvert un lieu remarquable que nous devons aux Carmignac père et fils, heureux et fiers de nous faire découvrir leur œuvre gigantesque et magnifique qui deviendra très vite, sans nul doute, un lieu de culture international dont on peut s’enorgueillir qu’il soit français… et varois !

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L’architecte Mouktar Ferroudj – le commissaire de l’exposition Dieter Buchhart, le directeur de la fondation, Charles Carmignac

Jacques Brachet
Reportage photo : Monique Scaletta